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- Édito -- Fibre optique -

On nous passe un méchant sapin !

Note de la rédaction
Pierre Lefrançois

Avec la complicité coupable des gouvernements provincial et fédéral, Bell Canada nous prive d’un indispensable outil de développement.

 Au cours des dernières années, il a été souvent question dans ces pages des embuches semées par Bell Canada dans le déploiement de la fibre optique par des OBNL tels que IHR Télécom, qui s’est engagé à le faire dans les secteurs encore mal desservis de Brome-Missisquoi.* « Guerre des poteaux », comme l’a écrit un journaliste, « poteau rose » comme le dénonçait avec humour notre caricaturiste, toutes les stratégies sont bonnes pour ce géant canadien des communications qui dispose de moyens immenses pour retarder les travaux et se garantir le plus longtemps possible les revenus qui, il le sait, lui feront défaut quand l’installation sera complétée.

Le déploiement de la fibre piétine

 C’est ainsi que, depuis bientôt trois ans, les travaux de mise en place du réseau de fibre optique dans notre MRC piétinent en raison des obstacles que leur oppose Bell. Cette stratégie se vérifie dans à peu près toutes les régions rurales du Québec. Dans certains cas, on parle plutôt d’un retard de dix ans, voire vingt. Les consommateurs se trouvent ainsi privés de services de connectivité à la haute vitesse qui soient efficaces, fiables et accessibles. D’ailleurs Vidéotron vient de déposer devant le bureau de la concurrence du Canada une plainte contre le géant canadien pour pratiques déloyales, l’accusant de violer les règles de bonnes pratiques commerciales visant à contrer les monopoles. Vidéotron le poursuit en outre devant la Cour supérieure du Québec, lui réclamant 12 millions de dollars en dommages et intérêts.

Nous l’avons déjà dit, mais il nous semble important de le répéter : les deux paliers de gouvernement qui disposent, à Québec comme à Ottawa, des pouvoirs nécessaires pour faire cesser ces pratiques inadmissibles, ne le font pas. Rappelons encore que Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation dans le gouvernement de François Legault, a décidé de retirer les OBNL et les coopératives de cette industrie afin de protéger le marché de Bell Canada.

Pourquoi Bell s’oppose-t-elle au déploiement de la fibre optique ?

 En réalité, les entreprises comme Bell Canada ne s’opposent pas au déploiement de la fibre optique, mais plutôt au fait de la déployer jusqu’à domicile. Parce qu’elles prévoient faire leur beurre en offrant la desserte locale, à partir du signal impeccable fourni par les réseaux de fibre. L’industrie des télécommunications veut se réserver la desserte des derniers mètres, soit du poteau public au bâtiment privé, avec la technologie sans fil. Tant pis si c’est moins efficace, moins stable, moins robuste, moins rapide et plus cher que la fibre.

Le mythe de la supériorité de la technologie sans fil : l’opinion d’un expert international

Ceux qui, comme moi, ont récemment eu la chance de bénéficier d’un branchement de la fibre optique à domicile par IHR Télécom savent de quoi il s’agit : désormais, je paie le tiers de ce que je déboursais avant et j’ai un service 30 fois plus rapide, je bénéficie d’une bande passante infiniment plus large et ma connexion Internet n’a plus de ratés.

Si vous doutez encore de la nette supériorité de la fibre optique à domicile prenez la peine de lire les quelques extraits qui suivent, tirés d’un livre** de Timothy Schoechle, titulaire d’une maîtrise en génie des télécommunications et d’un doctorat en politique des communications. Les titres et l’expérience de cet expert américain en technologie des communications, qui agit également comme consultant international en matière de génie et de normalisation informatique, sont reconnus dans le monde entier.

Bien que la technologie sans fil ne puisse se comparer à la fibre optique, voire même au cuivre, en termes de vitesse et de fiabilité, les liaisons sans fil du réseau d’amenée, dont la 5G, bénéficient depuis un certain temps d’un battage médiatique féroce. La récente politique du spectre de la FCC (Federal Communications Commission) a eu pour effet de substituer une technologie inférieure à la fibre en termes de qualité en la présentant comme une avancée. 

[…]

Comparés à l’accès avec fil (ou filaire), les réseaux et services sans fil sont par nature plus complexes, plus dispendieux, plus instables (c.-à-d. sujets à de fréquentes révisions et « mises à jour ») et plus limités dans ce qu’ils peuvent offrir.

 L’auteur rend également compte du jeu des lobbyistes et des politiques qui cherchent à présenter les technologies sans fil comme des avancées :

 Bien que la demande pour l’accès sans fil résulte en grande partie d’une recherche de commodité, elle est également la conséquence de directives règlementaires et politiques qui ont désavantagé les réseaux avec fil (ou filaires), confortant ainsi les systèmes sans fil dans leur pouvoir et leur mainmise sur la connectivité. À bien des égards, cela a eu pour effet de limiter l’accès du public aux réseaux filaires et d’en compliquer l’usage, contrairement à ce qu’affirment les fournisseurs de connectivité sans fil ainsi que leurs alliés dans le monde des affaires et au niveau des gouvernements, qui trompent la population quant à leur adéquation et à leur réel potentiel.

[…]

Mise en place, aux États-Unis, par la FCC (Federal Communication Commission) la Telecommunications Act (loi sur les télécommunications) de 1996 visait à réformer la Communications Act de 1934. En effet, celle-ci ne comportait aucun élément réglementaire encadrant les nouvelles technologies, dont le câble, le sans-fil et l’Internet, qui ont émergé dans les années 1990 et les années précédentes.

Malheureusement, cette réforme est passée largement entre les mains de l’armée de lobbyistes engagés par les fournisseurs de service prévalents de l’époque, dont AT&T, les sociétés d’exploitation régionales de type Bell tel que Verizon, ainsi que les grands câblo-opérateurs Comcast et Time-Warner.

La loi de 1996 et la déréglementation du secteur qui en a résulté ont eu pour conséquence la stagnation des services de transport de ligne terrestre d’une part tandis que, d’autre part, le pouvoir commercial se concentrait entre les mains des fournisseurs de câblodistribution et de services sans fil.

(Traduction libre, Paulette Vanier)

Un recours collectif ?

Je fais partie des chanceux qui ont récemment été branchés à Saint-Armand mais, à la lumière de ce qui se passe dans Brome-Missisquoi et ailleurs au Québec, et connaissant les dernières déclarations du ministre Fitzgibbon, je suis loin de penser que le reste des citoyens de Brome-Missisquoi pourront avoir la fibre à domicile, comme le stipule pourtant le mandat signé entre IHR et les gouvernements. Le ministre Fitzgibbon a fait son lit : il entend faire sortir du décor les coopératives et les OBNL, et appliquer le plan des lobbyistes de Bell. Autrement dit, pas de fibre à domicile et un réseau moins efficace, moins fiable et plus dispendieux pour les consommateurs. On est en train de se faire passer un méchant sapin et ce n’est pas celui de Noël !

Plusieurs croient donc qu’un recours collectif contre Bell et les gouvernements fédéral et provincial pourrait être accueilli favorablement en justice. Voici ce qu’on peut lire dans un document publié*** par le cabinet d’avocats Lauzon Bélanger Lespérance inc., spécialisé dans ce domaine et œuvrant principalement dans les secteurs de l’environnement, des services aux consommateurs et de la responsabilité des manufacturiers :

Les avantages [d’un tel recours] sont nombreux. Cette formule s’avère souvent la seule option réaliste et accessible pour porter une cause en justice. Les coûts sont assumés par le procureur qui agit pour le requérant, conformément à une convention écrite à cet effet. Le Fonds d’aide aux recours collectifs peut accepter d’avancer certains frais reliés à votre recours tels les frais d’experts et certains déboursés. 

  Advenant toute indemnisation suite à un jugement ou à un règlement hors cour, un pourcentage de cette indemnité, déterminé par la Cour, permettra de payer les honoraires convenus avec vos procureurs et toutes autres dépenses qui n’auraient pas été couvertes par le Fonds d’aide. Les procureurs, à même ces honoraires, devront rembourser toutes les sommes avancées par le Fonds d’aide. En cas d’échec du recours, le Fonds d’aide n’a pas à être remboursé, pas plus que les procureurs pour les honoraires qu’ils ont assumés à risque.

Trois, cinq, dix ou vingt ans à se faire ainsi entuber par Bell Canada avec la complicité des gouvernements, ça vaut combien d’après vous ? Pour le moins quelques milliers de dollars par foyer, nous semble-t-il. Rien que dans Brome-Missisquoi, cela concerne plusieurs milliers de foyers. Et que dire de l’ensemble du Québec rural ? Un tel recours pourrait rappeler à Bell Canada et à nos gouvernements qu’ils doivent se comporter de manière plus décente.

Si vous souhaitez vous joindre aux citoyens qui veulent intenter ce recours collectif, envoyez un courriel à l’adresse suivante avec vos nom, prénom, adresse postale et numéro de téléphone : fibreadomicile01@gmail.com

*        Voir les articles suivants publiés dans Le Saint-Armand :

https://journalstarmand.com/le-ministre-est-tombe-sur-la-tete/

https://journalstarmand.com/dossier-fibre-optique/

https://journalstarmand.com/ministre-ou-lobbyiste/

  https://journalstarmand.com/fibre-optique-les-elus-sont-imputables-pour-les-retards/

**  Re-Inventing Wires : The Future of Landlines and Network   ReInventing Wires 4-28-18 Final1_single pages.indd (gettingsmarteraboutthesmartgrid.org)

***    Voir  http://lblavocats.ca/fr/recours/avantages-recours-collectif.php

 

 

  • Autre
  1. M. Lefrançois,
    félicitations pour votre article exceptionellement clairvoyant.
    Des poursuites semblables à celle que vous suggérez vont se faire aux USA.
    Il est temps de mettre un frein aux exploiteurs qui font de fausses représentations sur les choix technologiques rationnels et économiques comme la fibre optique et veulent à tout prix nous faire avaler la pilule du sans fil avec ses coûts onéreux.

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