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- Édito -

Crise des médias

Des solutions à la hauteur des dégâts
Pierre Lefrançois

Crédit : André Sactouris.com

Depuis dix ans, les médias d’information ont perdu les trois quarts de leurs revenus publicitaires aux mains des géants du Web comme Google et Meta qui monopolisent les budgets publicitaires des annonceurs. Au Québec, cette perte de revenus avoisine les 800 millions de dollars. L’ampleur de ce manque à gagner entraîne une baisse de la qualité de l’information, voire la disparition de plusieurs médias. Il n’y a plus assez d’argent pour payer les journalistes qui produisent du contenu.

Or, l’information, comme l’éducation et les services de santé, est un bien essentiel et non un produit de consommation dont on pourrait éventuellement se passer. Elle est indispensable au développement et au maintien d’une civilisation digne de ce nom. On ne peut imaginer que l’exercice de la démocratie fasse l’économie d’une information juste, complète et accessible à tous.

C’est pourquoi un nombre croissant d’experts des milieux médiatiques pressent les autorités politiques d’envisager que l’État (au niveau fédéral, provincial et municipal) assume un rôle prépondérant auprès des médias qui peinent à embaucher des journalistes et autres producteurs de contenu. Il y a quelques jours, Caroline Senneville, présidente de la CSN, et Annick Charrette, présidente de la Fédération nationale des communications et de la culture, estimaient que « devant la hauteur du manque à gagner, seuls nos gouvernements ont la capacité structurante d’y remédier ». Les deux femmes proposent au gouvernement du Québec d’inclure dans son prochain budget trois actions structurantes dans le but de pallier à la crise qui secoue les salles de rédaction.

Crédit d’impôt aux salles de rédaction

Ce programme existe déjà depuis 2019, il a fait ses preuves, mais il s’avère aujourd’hui insuffisant. Il faudra donc le bonifier. Il importe de soutenir l’embauche de la main-d’œuvre journalistique. Caroline Senneville et Anick Charrette recommandent même que le crédit d’impôt soit étendu à l’ensemble des emplois nécessaires au fonctionnement de l’entreprise : services numériques, secrétariat, ventes publicitaires, etc.

Des info-frais pour soutenir l’information

Elles proposent aussi d’instaurer un fonds réservé et récurrent qui serait financé par l’application d’un info-frais de 2 % sur les achats d’appareils munis d’un écran (téléphones, tablettes, ordinateurs) ainsi que sur les services Internet et mobile. À l’échelle du Québec, une telle redevance entraînerait des revenus de l’ordre de 200 millions par année. Un peu comme les redevances sur les cassettes vierges, vidéo et audio mis en place dans le but de soutenir les créateurs à l’époque où le piratage commençait à faire rage.

Une politique gouvernementale d’achat publicitaire

« Combien de ministères et d’organismes publics, tous ordres de gouvernement confondus, continuent de faire du placement publicitaire auprès des grands du Web » demandent les deux présidentes ? « Devant l’ampleur de la crise, nos gouvernements — y compris les villes ! — doivent cesser de tergiverser : qu’ils adoptent une réelle politique d’achat publicitaire responsable en appui à nos médias et qu’ils cessent de faire des affaires avec ces barbares qui refusent de se conformer aux règles fiscales en vigueur au Canada. »

Elles proposent également la mise en place d’incitatifs encourageant les annonceurs du secteur privé qui ont déserté les médias à y revenir, par exemple en multipliant par deux les déductions fiscales liées aux dépenses qu’ils effectuent auprès de médias locaux et, à l’inverse, en excluant celles qu’ils font auprès des géants étrangers délinquants. « À portée de main des gouvernements du Québec et du Canada, de telles mesures favoriseraient la canalisation des budgets publicitaires vers nos médias. »

Les participants au Forum économique mondial, qui se tenait le mois dernier, ont reconnu que la désinformation se situe en tête de liste des menaces planétaires. Les compressions de personnel dans les salles de rédaction, voire la disparition de celles-ci, entraînent le recul d’une information locale rigoureuse et diversifiée.

 

 

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