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- Affaires municipales -

La délicate gestion des cours d’eau en milieu agricole

Pierre Lefrançois

Le 19 juin 2008, une trentaine de citoyens étaient réunis dans la salle communautaire de Saint-Armand. Ils avaient tous reçu, par courrier recommandé, un avis leur apprenant qu’ils devraient assumer une taxe municipale supplémentaire qui servirait à financer le nettoyage de deux petits cours d’eau. Pour les uns, la note ne serait que de quelques centaines de dollars, mais pour d’autres, elle se chiffrerait à quelques milliers de dollars. Ils étaient convoqués à une séance d’information par M. David Rousseau, ingénieur de la firme conseil BMI, engagée par la MRC dans ce dossier. Étaient également présents M. Richard Désourdy, conseiller municipal, et M. Luc Marchessault, inspecteur municipal.

Le problème

Les lits de la branche 5 du cours d’eau Corey et de la branche 2 du cours d’eau Swennen sont chargés de sédiments, ce qui nuit à l’écoulement de l’eau dans les champs d’un producteur et compromet sa production et ses revenus. Lorsque ce dernier a voulu nettoyer le cours d’eau, on lui a appris que la loi lui interdisait de le faire. Seule la MRC a compétence pour intervenir dans le lit d’un cours d’eau. La Loi sur les compétences municipales oblige même la MRC à « rétablir l’écoulement normal des eaux d’un cours d’eau lorsqu’elle est informée de la présence d’une obstruction qui menace la sécurité des personnes ou des biens ».

Le cultivateur s’est donc adressé au conseil municipal, qui en a référé à la MRC, laquelle confiait à la firme BMI le mandat d’évaluer la situation et de déterminer la nature et l’ampleur des travaux à effectuer.

Les résultats de cette expertise ont suscité l’étonnement : il est question d’intervenir sur un territoire plus grand que prévu et la MRC propose de refiler la facture, relativement salée, à un petit groupe de citoyens dont les propriétés se trouvent dans le sous-bassin versant de ces deux cours d’eau, qui sont en fait des fossés de drainage de terres agricoles, d’anciens ruisseaux plus ou moins modifiés par les humains au fil des décennies. La réunion avait pour but d’informer les citoyens concernés et de recueillir leurs commentaires.

L’ampleur des travaux

Les citoyens présents, de même que le conseiller et l’inspecteur municipal, ont fait remarquer que le projet comportait des interventions manifestement injustifiées sur une grande partie du cours d’eau Corey. La demande initiale déposée par l’agriculteur à l’origine de ce projet ne visait d’ailleurs pas cette section du cours d’eau. L’ingénieur conseil n’a pu fournir de justification pour les travaux prévus dans ce secteur et a laissé entendre qu’il était possible d’en réévaluer la pertinence. Les commentaires des citoyens ayant été transmis à la MRC, les travaux, ainsi que la facture, ont été amputés des 2/3.

Répartition des coûts

Bien que les interventions sur les cours d’eau relèvent exclu­sivement de la compétence de la MRC, celle-ci en refile la facture à la municipalité de Saint-Armand. Le conseil municipal doit donc trouver les moyens d’assumer ces frais à même le budget de la municipalité, c’est-à-dire avec nos taxes, comme il le fait pour tous les autres services collectifs. Trois possibilités semblent s’offrir au maire et aux conseillers : payer la facture à même les frais généraux, la répartir entre les quelques citoyens dont les propriétés sont situées dans le sous-bassin versant des cours d’eau visés, ou la faire assumer par le seul agriculteur dont les terres sont touchées.

Des commentaires et suggestions formulés par les citoyens présents à la réunion, il ressort que, dans l’ensemble, on convient de la nécessité de protéger les terres agricoles et que cette charge ne devrait pas incomber au seul agriculteur concerné. Il est par contre beaucoup moins clair qu’il soit juste de faire payer la facture par un petit groupe de citoyens qui ne sont ni responsables de l’état de fait, ni bénéficiaires des travaux proposés.

Un participant a fait état de deux jugements de la Cour supérieure du Québec (2003 et 2006) à l’effet qu’une MRC ne pouvait imposer une taxe, dans le cadre de la Loi sur les compétences municipales, à des contribuables ne bénéficiant pas des travaux visés. Un autre a fait remarquer que le Ministère des transports devrait peut-être assumer les frais de certains travaux, comme ceux qui doivent être faits sur le ponceau par lequel la branche 5 du cours d’eau Corey traverse le chemin Dutcb (route provinciale 235). D’autres ont suggéré de mettre à profit les programmes de subvention aux agriculteurs, qui sont remboursés à 70 % pour les travaux de cette nature. Il serait alors moins lourd, pour la municipalité, d’assumer le solde à même les fonds généraux.

L’inspecteur municipal a par ailleurs fait remarquer que de tels travaux pourraient être nécessaires sur plusieurs autres cours d’eau de la municipalité dans un avenir très proche, ce qui pourrait avoir un impact, encore difficile à évaluer, sur le budget municipal.

Un autre participant a soutenu que la protection des terres agricoles était une affaire collective qui concerne l’ensemble de la MRC, puisque la gestion des cours d’eau qui traversent ces terres est strictement de sa juridiction.

L’avenir

Des personnes présentes ont, en outre, exprimé leur inquiétude quant à l’impact de tels travaux sur l’environnement, sur les rivières et la baie qui reçoivent les eaux de ces cours d’eau, de même que sur la faune et la flore qui fréquentent leurs rivages ou leur lit. D’autres se sont interrogées sur les causes des problèmes de sédimentation observés dans ces cours d’eau : absence de bandes riveraines, labours trop rapprochés, bétail qui pacage dans le lit des cours d’eau, etc.

En conclusion

La gestion des cours d’eau est une affaire délicate qui nous concerne tous, que ce soit du point de vue de l’environnement ou d’un simple point de vue économique. Car il ne fait aucun doute que la facture ira en augmentant au fil des ans et que, au bout du compte, nous serons tous amenés à y contribuer d’une manière ou d’une autre. Pour l’heure, le conseil municipal a opté pour une imputation des frais aux seuls riverains du sous-bassin versant, décision qu’elle a prise lors de son assemblée du 7 juillet dernier.

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