André Leduc (Photo : Claude Trembaly)
André Leduc aime les ambiances, ça se sent, c’est un homme de terrain, d’expérience comme le démontre son implication de plus de 30 ans dans le cinéma d’animation.
Il a bien voulu se rendre à mon atelier et c’est autour de ma table de travail, entouré de céramique et dans la poussière de l’argile, que je lui ai posé ces quelques questions auxquelles il a répondu volontiers.
En tant qu’artiste, comment décrirais-tu ton art ?
Mon art se situe dans le domaine du cinéma et plus particulièrement du cinéma d’animation. Ce type de cinéma, tel que je le conçois, s’inspire des beaux-arts, mais aussi de la musique. La pratique du cinéma d’animation permet de marier intimement ces deux univers. Pour moi, le cinéma d’animation se rapproche davantage de la musique et de la danse.
Cela me fascine. D’ailleurs, il fut un temps où, dans les débuts de l’ONF (Office national du film), les cinéastes, dont Norman McLaren (réalisateur canadien d’origine écossaise), partaient dans les campagnes pour projeter des films documentaires, mais aussi des films d’animation pour alléger les programmes de films parfois trop sérieux. C’était avant la venue de la télévision.
Tu es connu dans le milieu du cinéma d’animation pour être le créateur de l’animathon. Voudrais-tu nous en parler ?
À mes intérêts pour la musique, le dessin, l’animation et le cinéma, j’ai ajouté la participation du public au travail artistique. J’ai enseigné, et été responsable du programme de cinéma d’animation à l’université Concordia.
Plusieurs d’entre nous avons déjà fait des flip books, ces petits calepins qu’on feuillette pour voir s’animer les dessins tracés sur le coin de la page, où chaque image représente une parcelle du mouvement. Avec des étudiants, nous avons voulu créer un événement public pour faire découvrir le plaisir de raconter une petite histoire et de mettre en mouvement des dessins. La contrainte était celle de tout produire en une fin de semaine, celle du 30 mai 1981.
Le vocable animathon, issu de la contraction des mots animation et marathon, venait de naître. On a réalisé des affiches pour recruter des participants. Nous pensions accueillir 5 à 6 équipes de 6 personnes chacune. En fait, 140 personnes se sont inscrites. Finalement, on a composé 12 équipes de 6 personnes, munies chacune de leur propre caméra. Sur place, nous disposions d’un appareil de l’ONF pour développer la pellicule en noir et blanc.
L’animathon, c’est en fait un studio mobile de cinéma d’animation qui permet d’expérimenter les principes de base du dessin animé traditionnel, à travers la réalisation de courts films, en un temps record.
Au fil des années, Édouard Faribault et Marcel Royer, tous deux de Saint-Armand, ont fabriqué un laboratoire portatif pour développer la pellicule 16 mm. Depuis 25 ans, nous avons connu plusieurs supports : pellicules photo, vidéodisque, vidéo VHS et maintenant le numérique.
Je travaille depuis longtemps avec ma femme, Florence Bolté, spécialiste en scénario. Tous les deux, nous avons développé des outils de création de scénario et d’animation qui font leurs preuves à tout coup lors de nos ateliers. Nous avons eu la chance de visiter plusieurs pays et avons produit plus de 3 000 courts films d’animation. Je crois que nous possédons la plus grande collection de dessins animés amateurs au monde.
Ton film d’animation préféré et pourquoi ?
Lorsque j’avais 18 ans, j’ai assisté à une rétrospective qui était consacrée à Norman McLaren au Musée des beaux-arts de Montréal. J’y ai vu ses films dont Mosaïque et Blinky Blank. J’ai tout de suite compris qu’on pouvait faire du cinéma d’animation avec des moyens très simples. Il n’était pas nécessaire de faire du Walt Disney pour susciter de la magie. À l’aide de signes graphiques, de la couleur, du mouvement et de la musique, McLaren amalgamait avec brio toutes ces composantes. J’ai eu un choc !Ce feu d’artifice, réalisé avec si peu de moyens, m’a propulsé dans le monde de l’animation.
L’animathon le plus éloigné du Québec ?
De 1995 à 2003 ou 2004, Florence et moi sommes allés plusieurs fois à l’île de la Réunion, dans l’océan Indien, afin de former des jeunes au métier de l’animation et de la scénarisation, en vue de travailler sur des séries commerciales. L’Île bénéficiait de subventions importantes pour maintenir ses jeunes sur place et leur enseigner un métier. Nous avons découvert des jeunes talentueux que nous avons fait venir par la suite au Québec pour travailler sur des séries commerciales.
Ton animathon le plus mémorable ?
À Naples, en Italie, il y avait un animathon subventionné par un organisme qui valorisait le cheval. Une douzaine d’équipes y participaient et, pendant la projection des films, la salle était vraiment fébrile. Aussitôt la projection commencée, les jeunes ont été agréablement surpris de voir le résultat de leur travail à l’écran et se sont mis à se manifester à haute voix. On se serait cru dans un théâtre italien d’époque.
Les équipes se sont mises à s’interpeller, à faire des commentaires de vive voix, à rire et à s’exclamer pendant la projection. Les clameurs étaient à leur maximum et couvraient de temps en temps la trame sonore. Je n’avais jamais connu un tel enthousiasme et j’étais loin d’imaginer que le cinéma d’animation puisse le provoquer.
Saint-Armand dans tout cela ?
Je me suis retrouvé après un spectacle de Pierre Barouh (auteur-compositeur interprète français) chez Raôul Duguay. J’étais parti de Montréal pour aller à Saint-Armand et c’est à ce moment-là que j’ai découvert la région pour la première fois, en 1972. On était sept ou huit amis ce soir d’hiver. Le lendemain, je raconte cela à mon frère qui m’informe qu’un ami cherche à vendre son chalet. Quelques semaines plus tard, je devenais propriétaire.
Prochains projets ?
Pour le moment, j’illustre un livre pour la maison d’édition Pirouli.
J’ai plusieurs projets, dont un film alliant le documentaire et le cinéma d’animation sur le thème de la Méditerranée. Je souhaite rencontrer des artistes issus du bassin méditerranéen, vivant en Amérique du Nord. « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… » à la découverte des « Méditerranéens » d’Amérique.
Sites Internet à consulter
Pour tout savoir sur l’animathon : www.animathon.com
Brefs extraits animés tirés du film Si Saint-Armand m’était conté fait par les élèves de l’école Notre-Dame-de-Lourdes : www.ludoptik.com
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