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- Édito -

Une fable en guise d’éditorial

Jean-Pierre Fourez

Très au nord, au-delà du 70e parallèle, se trouve une multinationale prospère, la Santa Claus International Corporation Inc. (SCIC), qui se spécialise dans le jouet en tout genre et en assure la livraison une fois par an. C’est une entreprise classique mais pourtant suspecte par le secret qui entoure ses activités : pas cotée en bourse, pas de bilan annuel, pas de www.com, pas de pub, pas de visite. Rien. En réalité, le SCIC est une couverture, un front comme on dit dans le milieu des affaires.

Une source bien informée nous a permis d’en savoir plus et nous a rapporté que, lors d’une réunion du conseil d’administration, le père Noël (surnom du boss) a frappé du poing sur la table et déclaré qu’il en avait ras-le-bol de l’état de la planète et de ses habitants. « Puisque je ne peux pas tout régler, s’écria-t-il, je vais faire au moins un exemple et m’occuper d’un cas en particulier ! » Il ferma les yeux, fit tourner le globe terrestre qui se trouvait sur son bureau et, au hasard, il l’arrêta en y plantant une punaise. « Bien, dit-il, on va s’occuper de Saint-Armand ! » « C’est où ça, demanda son assistant ? ». « Un peu plus au sud, près du lac Champlain. Je suppose que la population n’y est pas meilleure qu’ailleurs ». Sur ce, il clôtura la réunion.

Quelques temps plus tard, on remarqua qu’une sorte de béatitude flottait sur Saint-Armand. Un vieux grincheux se mit à dire du bien de tout le monde et à fraterniser avec son voisin à qui il ne parlait plus depuis 30 ans pour une histoire de clôture. Au conseil municipal, l’ordre du jour fut expédié en une heure et le reste de la séance fut consacré aux préoccupations réelles de la population. En grand nombre, jeunes et vieux, anglophones et francophones, se retrouvaient à la Vieille Gare où le café et la bibliothèque étaient ouverts en permanence. Le magasin général ne désemplissait pas. Les gens de Saint-Armand retrouvaient ceux de Philipsburg sur la nouvelle patinoire et les gens de Philipsburg retrouvaient ceux de Saint-Armand au gazebo où la chorale et les enfants d’école donnaient des concerts de Noël en plein air. Bref, toutes sortes d’événements quasi surnaturels bouleversèrent à tout jamais le visage et la vie du Grand Saint-Armand.

À la réunion suivante du SCIC, le père Noël, visiblement satisfait, déclara solennellement : « Bon ! Ça marche ! Un endroit à la fois et, dans cent mille ans, nous aurons réalisé notre objectif ! »

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