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- Environnement -

Un été de tous les extrêmes

Anthoni Barbe (OBVBM), avec la collaboration de la rédaction

Après avoir connu plusieurs années particulièrement sèches, voici que l’été 2023 a amené des précipitations extrêmes dans le sud du Québec. Plusieurs secteurs du bassin versant de la baie Missisquoi, dont Sutton, ont connu des inondations. Des événements de cette ampleur étaient du jamais vu en plein mois de juillet.

De très peu à beaucoup trop d’eau

Le débit de la rivière Sutton n’est pas suivi par une station hydrométrique, mais la rivière aux Brochets, passant notamment à Frelighsburg et à Bedford, est surveillée. Après un printemps plutôt dans la moyenne en matière de débit, un nouveau creux historique a été constaté autour du 5 juin. Ceci témoigne du faible niveau des nappes phréatiques puisque, lorsqu’il ne pleut pas, ce sont les eaux souterraines en amont  qui alimentent les cours d’eau, ce qui abaisse forcément le niveau des nappes phréatiques.

La tendance s’est complètement inversée dans la seconde moitié de juin, lorsque des pluies torrentielles se sont abattues sur la région. Des inondations dues à des crues éclair sont survenues partout dans le nord des Montagnes Vertes, particulièrement au Vermont, mais aussi à Sutton, Potton, Frelighsburg et Saint-Armand, et des débits records ont été enregistrés, notamment dans la rivière aux Brochets.

De nombreuses conséquences

Ces importants volumes d’eau ont mis les récoltes en péril. Une importante quantité de sol sec, rendu friable par la sécheresse, a été lessivé dans les rivières par la pluie, transportant ainsi d’importantes quantités de sédiments dans la baie Missisquoi. Les fertilisants chargés de phosphore ont eu droit à une voie rapide vers la baie. Ce faisant, ils ont directement favorisé l’apparition des cyanobactéries (algues bleues toxiques), empêchant la baignade à plusieurs reprises durant les journées chaudes de juillet.

On peut espérer que ces pluies aient au moins permis le rechargement des nappes phréatiques. Toutefois, on sait que lors d’épisodes de pluies intenses, le sol est momentanément saturé en eau et qu’une grande partie de celle-ci ne peut donc pas être absorbée. À défaut de pouvoir percoler à travers les différentes couches de sol, cette cette eau ruissèle dans les cours d’eau sillonnant le territoire, érodant le sol et emportant au passage le phosphore des engrais agricoles jusque dans la baie.

Situation prévisible, mais non anticipée

Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation annonçait déjà en 2020 que la région de l’Estrie connaîtrait une augmentation des précipitations en été. La situation constatée à l’été 2023 n’est donc pas surprenante et correspond à ce à quoi l’on doit s’attendre avec l’intensification des changements climatiques. Le phénomène El Niño pourrait aussi avoir contribué à la météo extrême de cet été.

Le fait de savoir qu’on vivra des événements extrêmes aurait dû inciter à s’y préparer. On cultive encore le soya et le maïs sur de grandes superficies dans la plaine inondable. Encore beaucoup trop de berges sont laissées dans un état fragile en l’absence d’un couvert végétal adéquat, qui devrait être composé d’arbres et d’arbustes. Encore beaucoup d’installations septiques non conformes s’écoulent discrètement vers les cours d’eau sans que l’on ne s’en aperçoive. Et encore beaucoup de ponts et ponceaux n’ont pas les dimensions suffisantes pour faire face aux crues soudaines.

On doit en faire plus 

Face à l’ampleur du défi, il importe que toutes les parties concernées (administrations municipales, entreprises agricoles, citoyens, etc.) travaillent activement et conjointement pour améliorer ce bilan. La municipalité de Sutton a fait un pas dans la bonne direction, en interdisant notamment les développements dans les zones de recharge des nappes phréatiques sur la montagne.

Il ne fait toutefois aucun doute qu’il faudra prendre d’autres décisions courageuses afin d’éviter que les épisodes extrêmes tels que ceux qui ont été constatés cet été n’engendrent des conséquences désastreuses sur le plan environnemental et économique. L’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) est justement là pour accompagner les acteurs de l’eau dans une meilleure cohabitation au sein du réseau hydrique. Il reste maintenant à investir les efforts nécessaires pour s’adapter au mieux et le plus rapidement possible.