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Un parc récréatif de 170 acres à Bedford ?

Guy Paquin

Si la carrière Graymont de Bedford voit son projet se concrétiser, on pourra voir grandir dans les pro chaines années un parc récréatif de 170 acres à l’entrée de Bedford, tout près de la carrière elle-même. Grandir, oui, car le parc s’articulerait sur et autour d’un immense tas de schiste. Rassurez-vous, il n’y a pas de gaz dans ce schiste.

Le parc sera installé sur des monticules de gravas où diverses espèces d’arbres indigènes formeront un boisé naturalisé. (Photo : Graymont)

« Comme vous le savez, rappelle Mme Claudia Houde, ingénieure de procédés à Graymont, nous extrayons et transformons le carbonate de calcium pour en faire de la chaux et divers autres produits. Or, nous arrivons à un stade où le carbonate se trouve enfoui sous des mètres de galets de schiste. Une fois ce schiste enlevé, qu’en fera-t-on ? »

Il y a la solution ruineuse : charger ce schiste dans des camions et le transporter Dieu sait où. Économiquement infaisable, selon Graymont. Ou faire une colline de schiste, y planter des arbres, gazonner les alentours et en faire un parc récréatif. C’est le projet Héritage.

En juillet, Graymont a loué un local sur la rue Principale à Bedford et y a exposé une maquette du parc. Des employées étaient là pour recueillir les commentaires du public qui, selon Mme Houde, étaient dans l’ensemble, positifs. « Nous voulions aussi savoir quels types d’activités récréatives les gens souhaitaient faire dans ce parc. On a parlé d’activités équestres (il serait question d’une piste équestre qui commencerait dans ce parc et irait jusqu’à Saint-Armand), de sentiers pédestres, de glissades, de ski de fond et de cyclisme. »

8 millions $ pour l’aménagement

Façonner le gros tas de schiste, y planter des arbres, tracer les pistes et sentiers, gazonner les abords, tout cela va coûter des sous. Huit millions de dollars, selon Madame Houde. « Nous l’investissons volontiers parce que cette solution pour disposer du schiste tout près de la carrière nous permet d’allonger sa vie utile de 40 ans. Des emplois et des profits pour 40 ans. Ça vaut amplement les huit millions. » Pour l’instant, la question qui occupe les promoteurs du projet c’est de savoir quelles essences d’arbres planter sur une pente abrupte reposant sur des galets de schiste. « La première réponse est qu’il nous faut des essences indigènes, déjà bien installées dans la région immédiate, acclimatées à nos conditions. » En association avec le Groupement forestier du Haut-Yamaska, basé à Cowansville, Graymont fait actuellement des essais sur les pentes très abruptes de la carrière elle-même. On expérimente avec le chêne rouge, le pin rouge et des peupliers.  «  On pense, dit Mme Houde, que la succession commençant avec les peupliers serait efficace. Les peupliers s’établissent aisément, croissent rapidement et préviennent l’érosion du sol. Au bout de 20 ans ils ont fini leur vie, et les pins et chênes ont alors d’excellentes chances de réussite. »

Plan d’aménagement du parc Héritage (Photo : Graymont)

Graymont ne sollicitera aucun des divers niveaux de gouvernement pour subventionner la mise en place du parc. De plus, une fois l’aménagement terminé, l’entretien, la surveillance et le développement du parc Héritage seraient assumés à même un fonds créé expressément à cette fin par Graymont. « Ce sera un fonds de quelques millions de dollars et qui générera les revenus annuels nécessaires pour l’entretien et le développement. » Et qui verra à la gestion de ce fonds ? « Nous pensons que les trois municipalités impliquées, Bedford, Canton de Bedford et Stanbridge Station délégueraient des représentants, avec Graymont, et que ces personnes verraient à la gestion du fonds. La Corporation de développement économique de Bedford pourrait, par exemple, siéger sur ce comité. Ce serait aussi ce comité qui réglementerait le parc et verrait à l’application des règlements. » Histoire d’empêcher les enragés du VTT ou de la motoneige de venir faire entendre leur apaisante musique à trois heures du matin.

Des oui, des non

Le projet Héritage n’en est qu’à ses tout premiers pas. On n’en est même pas au stade du dépôt d’une proposition à la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). Actuellement, on consulte, on discute. On a consulté la population de Bedford et des alentours, nous l’avons dit. Claude Dubois, maire de Bedford, aime le projet. « Je vois ça d’un bon œil. 75 000 arbres, des sentiers, des glissades et…des emplois, c’est appréciable. Le parc aurait un véritable pouvoir attractif et deviendrait un levier économique pour la région. »

Même si son emplacement définitif n’est pas fixé, on sait qu’il grugera une petite partie de la ville de Bedford. « Ça ne pose aucun problème de réglementation de zonage, explique le maire. La zone visée est officiellement résidentielle et il n’y a rien dans les lois et règlements qui s’oppose à l’implantation d’un parc récréatif dans une zone résidentielle. »

Va donc pour Bedford. Mais Stanbridge Station et Canton de Bedford ? C’est là que se trouvent les terres agricoles visées par le projet Héritage. Et qui dit terres agricoles dit zonage agricole, UPA, CPTAQ,  MAPAQ, et bien des étapes à franchir. Réjean Racine, président de l’UPA dans Brome-Missisquoi et agriculteur à Brigham, est loin de brûler d’enthousiasme pour le parc. « Pour l’instant, ce que nous constatons, c’est la perte nette et irrémédiable de 65 hectares des meilleures terres agricoles. Pour l’UPA, c’est une grande préoccupation. »

Des conversations que M. Racine qualifie de « très préliminaires » ont eu lieu depuis le début de l’année entre Graymont et l’UPA. « Nous recherchons, pour notre part, précise Réjean Racine, le moindre impact agricole. Nous leur avons suggéré de se servir de leur schiste encombrant pour remplir d’autres trous dans la région.  » Chez Graymont on a aussi des suggestions. Mme Houde affirme que des terres pourraient être acquises dans la région par Graymont et cédées aux agriculteurs touchés par le projet. « Ça ne change rien à la perte nette de territoire agricole, répond M. Racine. »

Graymont songe aussi à acquérir des terres pour en faire des fermes expérimentales. « Il pourrait s’y faire de la recherche en collaboration avec le collège McDonald de McGill ou les instituts de recherche agronomique de Saint-Hyacinthe, par exemple. » L’UPA répond que c’est fort bien, mais que le problème de suppression de terres agricoles demeure. « Comprenons-nous bien, conclut Réjean Racine. Nous ne doutons nullement de la bonne foi de Graymont. Nous cherchons la bonne approche. Les pourparlers sont en cours. Mais il est clair qu’ils en sont aux stades les plus préliminaires. »

 

Le parc sera installé sur des monticules de gravas où diverses espèces d’arbres indigènes formeront un boisé naturalisé. (Photo : Graymont)

Plan d’aménagement du parc Héritage (Photo : Graymont)

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