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Le monde selon Monsanto

Paulette Vanier

En mars 2008, La journaliste française Marie-Monique Robin publiait son Livre Le monde selon Monsanto, dans Lequel elle brossait le portrait de ce géant de l’agrochimie, inventeur de quelques-uns des pires polluants de la planète. Suivait, peu de temps après, le documentaire du même nom. Le 18 septembre dernier, l’Université du Québec à Montréal en présentait la projection, en présence de la réalisatrice, venue exprès de France pour faire connaître son livre et son film, et répondre aux questions de l’assistance.

Fille d’agriculteurs engagés, Marie-Monique Rob.in a passé trois ans à sillonner le monde (et Internet) à la recherche d’informations sur Monsanto, désireuse de comprendre pourquoi cette entreprise est l’une « des plus controversées de l’ère industrielle ».

Qui est Monsanto

Cette multinationale amé­ricaine fondée en 1901 à Saint-Louis (Missouri), et œuvrant d’abord dans l’industrie chimique, est devenue en un peu plus d’un siècle le chef de file mondial des biotechnologies, particulièrement des OGM (organismes génétiquement modifiés). En 2007, son chiffre d’affaires s’élevait à 7 ,5 milliards, dont un milliard de bénéfices. Implantée dans 46 pays, elle détient les brevets de 90 % du maïs, du soya, du colza et du coton trans­géniques cultivés dans le monde et, par le biais de rachats successifs, est en train de devenir le premier semencier de la planète, ce qui fait craindre à plusieurs qu’elle contrôle un jour toute la chaîne alimentaire.

Mais c’est d’abord avec le glyphosate, son herbicide total, commer­cialisé sous le nom de RoundUp, qu’elle est véritablement partie à la conquête de La planète ; en effet, depuis 30 ans, le RouudUp est l’herbicide le plus vendu dans Le monde.

On lui doit d’autres inventions parmi les plus controversées : l’Agent Orange, un défoliant dévastateur à base de dioxine, massivement déversé sur le Vietnam par l’armée américaine pour affamer la population, et dont les conséquences sanitaires et écologiques sont encore perceptibles aujourd’hui ; les BPC (biphényles polychlorés, également appelés poly­chlorobiphényles), interdits dans les années 1970-1980, et la somatotropine bovine ( ou hormone recombinante, issue du génie génétique), interdite en Europe et au Canada.

Elle détient en outre des brevets sur les technolo­gies Terminator ( ou GURT : technologies génétiques restrictives). L’une de ces technologies suscite depuis des années des débats houleux, puisqu’elle a pour effet de modifier génétiquement les plantes pour produire des graines stériles, empêchant les agriculteurs d’utiliser une partie de leur récolte comme semences l’année suivante et les rendant entièrement dépendants des grandes multinationales semen­cières. En 2000, les GURT faisaient l’objet d’un moratoire en interdisant les essais en champ dans de nombreux pays, mais ce moratoire est aujour­d’hui gravement menacé.

Grâce à des documents inédits et déclassés, mais aussi aux témoignages de scientifiques, représentants de la société civile, paysans, avocats, politi­ciens, représentants de la Food and Drug Administration ou de l’Environmental Protection Agency des États-Unis, le documen­taire de Marie-Monique Robin montre comment cet empire industriel a fait sa place, à grand renfort de rapports mensongers, de collusion avec des membres d e l’Administration améri­caine, de pressions et ten­tatives de corruption, voire même d’intimi­dation. Parmi les nom­breux faits qu’on lui reproche et qui seraient directement attribuables à ses activités, le documen­taire souligne : la quantité alarmante de producteurs de coton indiens qui se sont suicidés suite à ] ‘introduction du coton Bt en Inde, la contamination irréversible du pool géné­tique du maïs au Mexique et l’augmentation de l’utilisation des herbicides partout dans le monde, non seulement pour les grandes cultures, mais pour les jardins des parti­culiers où le RoundUp, notamment, est employé de façon systématique.

Mon santo devant la justice

D’ailleurs, le 26 janvier 2007, Monsanto France était condamnée par un tribunal de Lyon pour publicité mensongère. En cause, le RoundUp qui, dans les spots publicitaires diffusés en France, était qualifié de « biodé­gradable », « respectant l’environnement », « lais­sant le sol propre ». La Cour a appuyé son juge­ment sur l’argument que le glyphosate qui en cons­titue la substance chimique active, « présente une éco­toxicité manifeste et ne se dégrade pas rapidement dans la nature, puisque selon les études effectuées par le groupe Monsanto lui-même, un niveau de dégradation biologique de  2 % seulement peut être obtenu après 28 jours ».

Monsanto a fait appel mais la justice française a considéré que l’industriel savait « préalablement à la diffusion des messages publicitaires litigieux que les produits visés présen­taient un caractère éco­toxique ». Selon l’auteure, aux États-Unis, dès la fin des années 90, le ministère de la Justice avait interdit à Monsanto de proclamer que son herbicide était « biodégradable, bon pour l’environnement, non toxique et inoffensif ».

Chercheurs cherchant emploi !

Pour son livre et son film, Marie-Monique Rodin a rencontré et fait parler plusieurs chercheurs qui ont perdu leur emploi, leur financement pour la recherche ou leur réputa­tion après avoir rendu, ou voulu rendre, publics les résultats des études qu’ils menaient sur les produits issus du génie génétique et le RoundUp, commercia­lisés par Monsanto : Le chercheur français Robert Bellé qui, voulant alerter l’opinion publi­que sur ce qu’il a décou­vert, à savoir que le RoundUp induisait des dysfonctionnements dans la division cellu­laire, voit sa découverte dénigrée et les finance­ments pour ses expé­riences disparaître.

Le biologiste de Berkeley, Ignacio Chapela, victime d’une violente campagne de dénigrement pour avoir publié dans la revue Nature une étude qui révélait que des échantil­lons de maïs traditionnel mexicain contenaient de l’ADN transgénique, alors que le Mexique avait déclaré un mora­toire sur ces cultures.

Les vétérinaires cana­diens Shiv Chopra, Margaret Haydon et Gérard Lambert, à l’emploi de Santé Canada, qui, à la fin des années 1990, se sont opposés publiquement à la somatotropine bovine, qu’ils jugeaient dan­gereuse, opposition qui a conduit à son interdiction au Canada. Ils ont été licenciés pour insu­bordination en 2004.

En 1998, Margaret Haydon avait déclaré devant la Commission permanente sur l’agriculture et la foresterie avoir été témoin d’une tentative de corruption par Monsanto, qui avait offert de l à 2 millions $ à chacun des chercheurs pour qu’ils taisent leurs résultats.

  • Le biochimiste Arpad Pusztai qui a vu sa carrière ruinée pour avoir déclaré sur un plateau de la BBC qu’il s’inquiétait de l’impact des OGM sur la santé, suite à une étude officielle qu’il avait menée à cet effet.
  • Le vétérinaire américain Richard Burroughs, qui s’opposait à la mise en marché de la somatotropine bovine, qu’il jugeait dangereuse, et a été licencié par la FDA.
  • Et enfin, bien qu’il ne s’agisse pas de scientifiques, citons les journalistes américains Jan Akre et Steve Wilson qui travaillaient pour la Fox News à Tampa (Floride) et qui, en 200 l, étaient congédiés par leur employeur suite à la controverse qui était née de leur enquête sur l’utilisation de la somatotropine bovine dans les laiteries de la Floride.

En conclusion

Comme on peut l’imaginer, depuis leur sortie, le livre et le film de Marie-Monique Rodin ont suscité de vives discussions, alimentant un débat qui fait rage depuis des années entre les tenants des OGM et leurs opposants, lesquels sont issus tant du monde agricole que du monde scientifique. Mais, que l’on soit pour ou contre les OGM, il faut lire le livre et voir le film, désormais offert en DVD. Et, à l’instar de bien d’autres, se poser la question sui­ vante : quelle confiance accorder à une firme comme Monsanto, qui clame haut et fort qu’elle œuvre au bien-être de l’humanité et au développement durable (son slogan : Nourriture, Santé, Espoir) lorsqu’on Et enfin, bien qu’il ne connaît son passé sulfureux et les méthodes douteuses auxquelles elle a recours pour imposer ses produits sur le marché ? Du même souffle, il faudrait se demander comment il se fait que les autorités restent passives, quand elles ne sont pas complices, devant les comportements immoraux de certaines des grandes entreprises œuvrant dans ce monde.

Références

Marie-Monique Robin, Le Monde selon Monsanto, éd. ARTE-La Découverte, 2008.

Marie-Monique Robin, Le Monde selon Monsanto, documentaire coproduit par ARTE France, Image et Compagnie, Productions Thalie, l’Office National du film du Canada et WDR. On peut commander le DVD à l’ONF ou le louer dans un club vidéo.

Remarque : Ce compte-rendu a été colligé à partir d’une multitude de textes affichés sur la Toile et il est donc impossible de les citer dans leur entièreté.

Il vous suffit de taper Le monde selon Monsanto sur votre clavier d’ordnateur, ou le titre anglais The World According to Monsanto, pour que s’af­fiche la liste des quelques millions de sites où il en est question.

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