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- Conte de Noël -

Une bien étrange fête de Noël

Luce Fontaine, illustrations Jean-Pierre Fourez

Par un certain soir d’hiver dans la forêt des sapins, une famille souris se préparait à vivre une étonnante veille de Noël…

Souricrasse se tenait debout devant la cheminée. La cadette de la famille souris regardait le feu crépiter et danser dans l’âtre en embaumant la maison d’une agréable odeur d’érable. Impossible de dire ce qui se passait, mais la petite souris grise était songeuse. Ce n’était pourtant pas dans ses habitudes d’être aussi calme. D’ordinaire, Souricrasse avait tellement d’énergie qu’elle faisait tomber tout sur son passage. C’est pourquoi ses souriparents l’avaient surnommée : L’OURAGAN !

Étrangement, depuis quelque temps, Souricrasse ne cessait d’entendre les amis autour d’elle prononcer le mot « Noël ». Tous semblaient vraiment excités à l’arrivée de ce grand jour.

—Souricrasse, t’as vu ma brosse à cheveux rose ? lui demanda Souri-belle, sa grande sourisœur. J’espère que ce n’est pas toi qui l’as prise, car nous sommes la veille de Noël, et si tu veux avoir des cadeaux, tu dois être sage sinon, la tempête…

Mais qu’est-ce qu’ils avaient donc tous ? s’étonnait la cadette de la fa-mille souris.

Hier, c’était Justine la voisine, qui lui demandait si elle avait fait de bonnes actions pour se faire pardonner les désobéissances de la dernière année. Et pas plus tard que ce matin, le renard Edgar se dépêchait de ramasser des brindilles de bois pour les offrir à Sarah-Maude la gentille taupe du voisinage :—Tu sais, Souricrasse, Sarah-Maude ne voit pas très bien lorsqu’elle sort de son terrier. Alors comme c’est bientôt Noël, j’ai pensé lui offrir en cadeau, ces brindilles pour qu’elle se fasse un nid douillet et reste bien au chaud durant les froides soirées d’hiver. Et si jamais un malheur devait arriver… pour se protéger de la TEMPÊTE !

—Mais quelle TEMPÊTE ?

—Chut ! Se contenta de répondre Edgar le renard, en mettant sa patte rousse et velue sur sa bouche.

L’angoisse ne faisait que croître dans le cœur et l’esprit de la petite souris des bois. C’est ainsi qu’une fois de retour à la maison, Souri-crasse, bien déterminée à en apprendre plus sur ce « Noël » et cette « tempête » qui faisaient tant frémir les habitants de la forêt des sapins, s’empressa de demander à Souri-belle :

—Et puis c’est quoi une TEM-PÊTE ? demanda-t-elle, le cœur tremblant d’inquiétude, appréhendant la réponse de son aînée.

—Non, mais tu le fais exprès ou quoi ? Tu sais que tu ne dois jamais prononcer ce mot, sinon…

—Sinon quoi ? demanda Souri-crasse, la voix étranglée par la peur.

—Eh bien, les anciens de la forêt des sapins disent que, si le Bonhomme Hiver entend le mot « TEMPÊTE », un terrible vent se réveillera et poussera vers nous d’énormes nuages chargés de milliers de flocons de neige, expliqua Souribelle à voix très basse, pour être certaine de n’être entendue que de sa cadette.

—Mais la neige c’est joli ! répliqua la petite souris des bois.

—Oui Souricrasse, la neige peut être très jolie et même salutaire, à condition de tomber en petite quantité, répondit Sourizimot, le souripapa de la famille qui venait de surprendre la conversation entre les deux petites sourisœurs.

—… Et sans un terrible vent ! Car, à ce moment-là, la forêt se recouvrirait d’un épais voile blanc et nous ne pourrions plus sortir de notre maison pour aller chercher de la nourriture, ajouta Sourizette, la dévouée sourimaman.

Mais le plus surprenant était que, même avec ces froids glaciaux, la neige se faisait toujours attendre : pas un seul flocon n’était encore tombé sur la forêt des sapins. « La neige est salutaire », avait dit Sourizimot, car il devenait facile pour les petits rongeurs de se camoufler et de circuler sous le couvert neigeux qui protégeait également le sol des gels dévastateurs qui tuaient les racines des végétaux.

Ces plantes permettaient aux animaux de la forêt des sapins de continuer à s’alimenter de baies et de graines chèrement cueillies. À la fin de l’été, des garde—mangers étaient fabriqués dans des tunnels creusés par les familles du voisinage pour assurer leur subsistance durant les durs mois d’hiver.

Comme si la situation n’était pas assez grave, cette année, en cette veille de Noël, il faisait froid dans la forêt des sapins. Très froid, trop froid ! Les gelées automnales s’étaient éternisées et avaient rendu la terre compacte et dure. Les animaux ne pourraient bientôt plus accéder à leurs réserves alimentaires. L’entourage de Souricrasse n’échappait pas à l’inquiétude omniprésente dans la forêt des sapins ; s’il n’y avait pas de neige, la fête de Noël risquait d’être compromise, voire annulée ! Mais d’un autre côté, il ne fallait surtout pas réveiller le Bonhomme Hiver ! Nuance difficile à comprendre pour une simple petite souris des bois.

—Ils en veulent des bonnes actions ? Eh bien, je vais leur en donner, moi, de quoi être fiers de la cadette de la famille souris ! Ils vont voir que je sais être une petite souris bien généreuse, se dit Souricrasse sur un ton rempli de détermination.

Les souriparents étaient sortis compléter les dernières emplettes, le réveillon dans la maison des sou-ris promettait d’être malgré tout, festif !

Et c’est Adrienne, la sourigardienne qui s’occupait des deux petites sourisœurs. La sourigardienne était très gentille, mais Souricrasse n’aimait pas voir ses souriparents s’absenter, alors elle n’aimait pas la sourigardienne. Elle trouvait qu’elle avait des airs de sorcière avec ses longs poils noirs.

Pourtant, Souribelle s’amusait bien quand Adrienne venait à la maison, car elle apportait tout plein de surprises et jouait à de nouveaux jeux.

—Allez mes petites souris d’amour, prêtes pour jouer à la cachette ? leur demanda Adrienne.

Comme toujours, Souribelle était arrivée la première, en courant… Mais où était Souricrasse ?

—Pourquoi Souricrasse ne nous a-t-elle pas averties avant de sortir ? se demanda Souribelle.

Et comme si la situation n’était pas assez dramatique, voilà que la neige tant attendue commençait à tomber en s’intensifiant rapidement. Puis un tourbillon, venu s’infiltrer par la fenêtre annonça, dans un sifflement, l’arrivée du terrible vent soufflant sur la forêt des sapins.

—Ah non ! Voici la TEM… qui commence !

En un instant, on n’y voyait déjà plus rien. Trop tard, la tempête s’était déclenchée !

—Allons, tu t’inquiètes toujours pour rien Souribelle. Tu connais Souricrasse, elle est débrouillarde, la rassura Adrienne.

—Et très étourdie aussi ! Tu savais, toi, qu’elle se cherchait une bonne action à accomplir ? poursuivit Souribelle, le cœur serré par l’angoisse. J’ai peur, tu sais. Elle est sûrement en danger, seule et perdue, dévorée par la… Tempête !

—Cesse de t’inquiéter ! À l’heure qu’il est, Élisabeth la chouette sillonne déjà la forêt. Elle nous informera.

—N’empêche que, malgré les bons encouragements de la sourigardienne, Souribelle ne pouvait que s’inquiéter pour sa jeune sourisœur. Seule, dehors, par un soir de tempête… La veille de Noël ! Plus le temps passait et plus sourigardienne semblait perdre son calme, elle aussi.

Tout à coup, des cognements à la porte de la maison des souris annoncèrent l’arrivée d’un invité. Le cœur de Souribelle fit trois sauts, alors que la sou-rigardienne avait déjà ouvert la porte. C’était Élisabeth la chouette qui arrivait, tout en-dimanchée de ses plus belles plumes d’hiver.

—Wow ! Comme tu es belle Élisabeth ! Mais pourquoi tant de manières ? demanda Adrienne.

Élisabeth la chouette n’eut même pas le temps de répondre que Souribelle, la questionnait :—Eh, Élisabeth ! Tu n’aurais pas vu ma petite sourisœur par hasard ?

—Non ! Répondit le grand oiseau de nuit…

—Mais où peut bien être Souricrasse ?

—Attend qu’elle revienne celle—là… Pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé !

Les joues de sourigardienne étaient maintenant toutes rouges. Adrienne, visiblement inquiète, se sentait responsable du départ de Souricrasse…

Dehors la tempête s’intensifiait, on y voyait, plus rien du tout…Tout à coup, il y eut un bruit étrange. Quelque chose ou quelqu’un était sur la galerie de la maison des souris… Avant même qu’Adrienne n’aille voir qui était à la porte, celle-ci s’ouvrit.

Sourizette et Sourizimot entraient, les bras chargés de cadeaux enrubannés.

—Vous avez un air bien étrange vous deux… Que se passe-t-il ? demandèrent—ils avec empressement, en laissant tomber les paquets sur le sol.

Avant que Souribelle et Adrienne n’aient le temps de formuler une réponse, Hector le castor se tenait bien droit dans l’entrée, balayant d’un coup de queue la neige amoncelée sur son pelage et sur la galerie de la maison des souris :

—Regardez un peu qui j’ai rencontré sur la route…

Là-dessus, une bourrasque s’infiltra, poussant à l’intérieur de la demeure une petite souris des bois, gelée et toute couverte de neige… Souricrasse toute de neige vêtue !

—Mais que tiens-tu dans tes mains, demandèrent-ils ?

—J’ai coupé… Ou plutôt… Hector m’a aidée à couper, à l’aide de ses dents, le plus bel arbre de toute la forêt des sapins… Joyeux Noël ! s’écria Souricrasse, d’un air triomphant.

—Joyeux Noël ! répondirent-ils tous en chœur.

—Pourquoi croyiez-vous que j’aie mis mes plus belles plumes ? renchérit Élisabeth la chouette. C’est Noël après tout !

—Tu aurais dû nous avertir que tu sortais ! la réprimanda Sourizimot, le regard attendri, heureux du dénouement.

—Je m’excuse, je voulais faire une bonne action pour Noël. J’étais par-tie à la recherche du plus beau sapin de la forêt.

—Nous te pardonnons petite souris d’amour. Pour une surprise, c’est une surprise ! Tu as même trouvé de la neige et une tempête en plus ! Contrairement à ce que tu crois, tu as sauvé la fête de Noël ! À l’avenir, préviens-nous avant de sortir tu veux bien ? lui dit Sourizette.

—Mais pour la neige, Souricrasse, comment as-tu fait ? de-manda Souribelle.

—Eh bien, Noël sans neige, ce n’est pas vraiment Noël, non ? Alors j’ai taquiné le Bonhomme Hiver et j’ai bien peur qu’il ait déclenché vous savez quoi…

Souricrasse jeta un regard repenti en direction d’Hector qui expliqua :

—Prévoir le temps qu’il fera est l’un des plus grands mystères de notre planète. Et le prédire avec précision est un art que ni les castors, ni les marmottes, ni même aucun autre animal de la forêt ne peuvent maîtriser avec exactitude. Profitons du bon moment que nous passons ensemble !

Dehors la tempête faisait voler les flocons de neige en un tourbillon étourdissant. Et, vous savez quoi ? Dans la quiétude de leur maison, accompagnées de leurs amis de la forêt des sapins, les petites souris décoraient l’arbre de Noël en chantant gaiement…

 

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