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- Conte de Noël -

Le père Noël au bord de la crise de nerfs

Jean-Pierre Fourez

Le père Noël tâche de s’adapter du mieux qu’il peut aux changements climatiques.

À la veille des Fêtes, l’équipe du Saint-Armand a trouvé judicieux d’aller rencontrer le père Noël et faire un reportage sur l’organisation de sa tournée annuelle. Nous nous sommes donc rendus sur ses terres (si on peut dire) pour en apprendre un peu plus sur ce fabuleux personnage.

À notre grande surprise, nous l’avons trouvé abattu et amaigri, lui qui, d’ordinaire, est jovial et a les joues rouges et la bedaine bien ronde. Assis dans son fauteuil, les pieds dans l’eau, il nous reçoit avec un sourire triste. Son retentissant HO HO HO ! n’est plus qu’un faible ho ho ho !. Nous avons voulu savoir ce qui causait cette transformation majeure dans son apparence et dans son comportement. En effet, il nous a avoué être au bord du dépôt de bilan, car ses activités professionnelles ont été durement touchées dans cette zone circumpolaire qu’il qualifie lui-même d’environnementalement apocalyptique.

Le Saint-Armand : Merci père Noël de nous recevoir en cette période d’activité intense. Nous aimerions savoir où vous en êtes dans vos préparatifs car, comme chaque année, des millions d’enfants comptent sur vous.

Père Noel  : J’ai malheureusement des mauvaises nouvelles pour eux. Cette année est la pire de toutes et, à quelques semaines de Noël, je n’ai encore rien pu préparer tellement les changements climatiques perturbent mon organisation.

S.-A. : Expliquez-nous en quoi ces changements vous affectent.

P. N.  : Moi qui suis habitué à travailler avec mes lutins à concevoir et fabriquer des jouets dans notre confortable atelier, me voilà obligé de vivre dans l’humidité permanente et les inondations fréquentes en plus de subir la fonte du pergélisol. J’ai pris un tel retard que j’ignore si je pourrai passer à l’étape distribution le 24 décembre comme prévu. De plus, la compétition est féroce et ma capacité de production est limitée. Le monde se détériore ; ce n’est vraiment plus comme avant.

S.-A. : Regrettez-vous vos anciennes méthodes de travail ?

P. N. : Autrefois c’était dur, mais j’avais beaucoup de satisfaction à rendre les enfants heureux. Il faut dire que j’étais plus jeune et que la charge à transporter était moins lourde. Les enfants recevaient des cadeaux plus modestes qu’aujourd’hui – oursons, poupées, jeux de société, oranges et bonbons. Maintenant, ça n’a plus aucun sens. Tenez, cette année j’ai des commandes démesurées comme un scooter, des planches à voile, etc. Alors comment voulez-vous que je livre tout ça en 24 heures ? Avant, l’atmosphère de mon entreprise était familiale, j’étais très proche de mes rennes et surtout de Rudolf, mon fidèle compagnon. Mais contrairement à moi, ils n’étaient pas éternels, et ils ont été remplacés par des jeunes moins ardents au travail.

S.-A. : Vos difficultés actuelles semblent insurmontables ; avez-vous un plan B pour vous sortir de là ?

P. N. : Comme dans bien des secteurs de l’industrie et du commerce, je n’échappe pas aux conditions de travail catastrophiques. En ce moment, ce qui me préoccupe le plus, c’est la fonte de la banquise qui paralyse mon traîneau et tout déplacement de livraison. Pour la première fois, cette année, j’ai été contraint de prévoir une solution de rechange à mon attelage de rennes. Suite aux recommandations d’une firme d’experts-conseils, je vais réorganiser ma tournée en troquant mon vieux traîneau pour une chaloupe gonflable tractée par des phoques, qui sont par nature bien mieux indiqués pour le climat actuel. J’espère que ça va fonctionner, sinon c’est la fin.

S.-A. : On voit que vous avez plus d’un tour dans votre sac, père Noël, et que rien ne vous arrête. N’êtes-vous pas épuisé par cette lutte constante pour rester à la hauteur des attentes des enfants ?

P. N. : Oui c’est vrai, on pourrait même dire que je suis exténué. En ce moment, c’est mon état de santé qui m’inquiète. C’est surtout le froid et l’humidité qui me fatiguent et, à force de vivre les pieds dans l’eau, mes rhumatismes me font atrocement souffrir. Même si j’ai l’air de tenir le coup, mon moral est au plus bas. Mon médecin m’a prescrit des antidépresseurs pour éviter que je disparaisse avec la banquise.

S.-A. : Vous n’allez pas tenir encore bien longtemps, à ce rythme. Avez-vous pensé à la retraite ou à un remplacement ?

P. N. : Bien sûr que je pense à ma succession, mais je suis triste de savoir que je devrai lâcher ce qui a été le moteur de ma vie. Je vis une crise existentielle et personnelle à l’idée de céder ma place, mais au moins une chose me rassure : je sais que les enfants ne seront pas oubliés dans les années à venir car déjà, l’après-père Noël est en marche. J’ai été approché par des repreneurs d’entreprises comme le père Walmart, le père-Amazon et d’autres bien plus efficaces que moi.

S.-A. : Pour terminer cette entrevue, père Noël, avez-vous un message pour ceux qui croient encore en vous ?

P. N. : Le monde a besoin de magie et de poésie pour contrer la morosité et le mercantilisme de notre époque. Si jamais on devait oublier que Noël est une fête de la joie et de l’amour, je redoute qu’elle devienne celle de la consommation et de la goinfrerie. J’aimerais aussi que disparaisse de notre vocabulaire l’expression « croire au Père Noël » comme explication à une chose qui n’arrivera jamais, parce que croire au Père Noël, cela veut dire croire à la sagesse et à la bonté et que, par les temps qui courent, nous en avons bien besoin.

S.-A. : Merci, père Noël, pour cette entrevue. Ne vous laissez abattre. N’êtes-vous pas tout-puissant et ne pourriez-vous pas réparer les effets de notre négligence ? L’avenir des enfants repose sur vous. Peut-on souhaiter un Joyeux Noël au père Noël ?

 

 

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