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- Agriculture -

SIROP D’ÉRABLE DU QUÉBEC

De la place pour une saine croissance
Alexis P. Cormier *

La saison du printemps 2016 a été une récolte record pour la majorité des acériculteurs, dont celle de l’érablière de ma famille à Dunham. Malgré cela, depuis février, un gros nuage menace l’acériculture québécoise : commandé par le ministre de l’Agriculture, Pierre Paradis, le rapport Gagné fait craindre un recul à l’ensemble de la filière acéricole québécoise en remettant en cause le contingentement et, pire encore, la mise en marché collective.

Bienvenue à la relève

Malgré ce qu’en disent messieurs Gagné et Paradis, la production acéricole est accessible à la relève puisque, dans le but de répondre aux besoins mondiaux en sirop d’érable, qui augmentent de 8 % par année depuis 15 ans, la FPAQ attribue des quotas à de nouveaux acériculteurs. Je peux dire aux jeunes de la relève qui veulent démarrer dans le sirop d’érable : « Préparez-vous ! ». Sur les 5 millions d’entailles autorisées par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ) le 7 juin dernier, les producteurs acéricoles possédant déjà du quota offrent à la relève 1,3 million d’entailles pour de nouveaux démarrages. Ils renoncent ainsi à garder la croissance dans leur propre cour. Je suis fier du geste posé par mes pairs, qui méritent qu’on le reconnaisse et qu’on les félicite. C’est donc près de 300 nouvelles entreprises agricoles qui verront le jour. Quelle autre production agricole permet une croissance comparable ? Une stabilité du revenu, sans aucune aide gouvernementale ? Je n’en connais aucune. Et vous Monsieur le Ministre ? Cela grâce à notre organisation de producteurs et à la mise en marché collective qui a entrainé une constante évolution depuis l’instauration du plan conjoint en 1990. Les producteurs, par le biais de leur fédération, contribuent à la croissance de la demande mondiale pour leur produit en investissant annuellement 4,5 millions en publicité. Renoncer à ces façons de faire équivaudrait à un net recul.

Les gens de la relève ont des idées novatrices et veulent faire les choses autrement, par exemple, leur propre mise en marché. Le plan conjoint du sirop d’érable permet cette flexibilité. L’érablière de ma famille vend ses produits dans plusieurs épiceries et boutiques spécialisées, en plus de vendre du sirop d’érable en vrac à la fédération.

Si ces ventes au détail augmentent ou diminuent, nous avons la possibilité de lui livrer plus ou moins de sirop en vrac. Cela se fait à l’intérieur du système de contingentement ; c’est rassurant pour les producteurs parce que ça assure la stabilité du marché et du revenu à la ferme. Nous sommes responsables  des livraisons et des relations avec les épiciers. En tant que jeune producteur, je suis ambitieux. Si l’envie me prend de voyager et de vendre mon sirop en Europe, rien ne m’en empêche puisque, à raison de 40 $ par année, je suis agréé par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Notre plan conjoint offre une grande autonomie aux producteurs. Il faut s’informer pour comprendre les règles avant de les critiquer.

Sirop équitable

Il n’y a pas que le café qui soit équitable. En effet, grâce au contingentement de la production acéricole et à la réserve stratégique mondiale, le sirop d’érable du Québec peut porter la mention « équitable ». Les producteurs reçoivent un juste prix pour leur produit, qui est unique au monde et de très bonne qualité, sans subvention, c’est-à-dire sans que le contribuable n’ait à verser un sou et ce, année après année ! Le système présentement en place assure aussi un prix stable aux consommateurs.

Il y a 20 ans à peine, de nombreux producteurs étaient dans une situation financière très précaire. Aujourd’hui, les banquiers leur consentissent des prêts en toute confiance. Ce qui permet le développement de nos entreprises, de nos régions rurales et de toute notre industrie acéricole : acheteurs de sirop, transformateurs, détaillants et équipementiers. De plus, nous payons des impôts ! Les producteurs qui remettent en cause le bienfondé de notre plan conjoint tel qu’il existe présentement ne pensent qu’à leurs bénéfices personnels sans se préoccuper des bienfaits pour l’ensemble.

La forêt est solidaire

Quand mon père abat un vieil érable, vous devriez voir le mal qu’il se donne pour sauver le petit érable juste à côté, car son fils et ses petits-enfants l’entailleront un jour. Ce petit érable-là,  c’est le plan conjoint que nos pères ont eu le courage de bâtir en se rassemblant pour obtenir un système à l’image de la production acéricole : saine, rentable et durable. Le petit érable est rendu à 25 ans… Les premières années n’ont pas été faciles, mais maintenant il est bien implanté, il a fait sa place au soleil et il résistera à l’ouragan Paradis parce qu’il n’est pas seul : toute la forêt se tient ensemble.

Je ne veux pas survivre grâce au sirop, je veux en vivre dignement et sans avoir besoin de me battre contre un gouvernement déconnecté et une organisation incohérente. Celle-là même qui a la prétention de défendre l’agriculture à échelle humaine, mais qui veut offrir en pâture les producteurs acéricoles à 10 acheteurs qui contrôlent 80 % du marché mondial. Si cela s’avérait, la disparition des plus petits producteurs et la dévitalisation de nos régions seraient inévitables. Ceux qui désirent abolir notre mise en marché collective ne reconnaissent pas la valeur de notre travail et de nos choix. Ils disent que ça ne vaut rien, qu’on ne vaut rien !

Je termine en rappelant que, selon un sondage indépendant mené par le groupe de recherche AGECO, 92 % des producteurs acéricoles québécois qui ont assisté à au moins une séance d’informations de leur fédération en 20152016 sont  satisfaits du travail accompli par la FPAQ. C’est donc dire que ceux qui comprennent le fonctionnement de notre mise en marché collective, adoptée en toute légitimité lors des assemblées générales des producteurs acéricoles entre 20002003, sont déterminés à la protéger.

Chaque fois que nous recevons des visiteurs à notre cabane à sucre, nous constatons qu’ils sont mal informés. Il existe une grande confusion ; le public ne saisit pas la situation de la filière acéricole dans son ensemble, car les médias n’en rapportent que des bribes. Je remercie Le Saint-Armand de m’offrir l’opportunité de présenter le point de vue de la majorité des producteurs acéricoles du Québec.

Merci de sucrer avec du sirop d’érable du Québec !

*Alexis P. Cormier est :

étudiant en agroéconomie à l’Université Laval
vice-président de la Relève Agricole Missisquoi-Iberville (RAMI)
porte-parole en acériculture de la Fédération de la relève agricole du Québec
lui-même acériculteur de la relève

Note de la rédaction

Sur les 21 recommandations du rapport de Florent Gagné sur l’avenir de l’acériculture, 4 éveillent des craintes chez plusieurs acériculteurs parce qu’elles prônent l’abandon du contingentement du sirop d’érable et l’effritement du Plan conjoint.

Selon monsieur Pierre Cormier, propriétaire de l’érablière familiale Murmure du Printemps de Dunham et père d’Alexis Cormier, « 17 points du rapport Gagné sont très acceptables, mais les recommandations 4, 5, 7 et 8 vont déstructurer la mise en marché et la façon de gérer ». Le président de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ), Serge Beaulieu, se fait plus virulent : « Les recommandations du rapport mèneront l’industrie acéricole à sa perte. Ce n’est pas de l’oxygène que M. Gagné veut donner à l’industrie, mais bien y mettre le feu ! ».

Pour d’autres, comme l’acériculteur Roger Winter de Sutton, « la FPAQ a amené de bonnes choses comme l’Agence de vente, la stabilité des prix et des revenus, mais je ne suis pas sûr que le monopole soit une bonne chose. Ça génère de la « fonctionnarité », de la corruption. Ce n’est peut-être pas mauvais qu’on amène du sang neuf et qu’on change un peu les règles ».

Bref on n’a pas fini d’en parler et d’en entendre parler. Nos pages demeurent ouvertes à ceux et celles qui désirent s’exprimer sur ce sujet.

Lexique

Contingent/quota : quantité de sirop d’érable qu’un producteur peut livrer dans une année, attribué sur une base historique de livraison, pouvant être augmentée. Comme le sirop vendu directement aux consommateurs à la cabane à sucre ou au marché n’entre pas dans le contingent, la quantité autorisée est donc illimitée. L’excédent de production sera mis en réserve puis transféré et payé les années de faibles récoltes. C’est donc un excellent moyen de stabiliser le revenu. Le quota acéricole ne peut être l’objet d’une transaction, parce que lié à des lots du cadastre du Québec.

Mise en marché collective : la mise en commun de la totalité du sirop d’érable des producteurs rétablit un rapport de force équitable dans les transactions. Les producteurs acéricoles québécois livrent leur sirop d’érable à l’agence de vente, qui s’engage à acheter la production, contrôle la qualité, garantit un prix unique permettant d’en vivre, paie au fur et à mesure des ventes réalisées auprès des acheteurs autorisés et fait la promotion des produits de l’érable.

Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) : syndicat  de 13 000 producteurs, propriétaires de 7 300 érablières sur l’ensemble du territoire québécois.

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