Christian Barthomeuf, l’auteur de ce livre, est un personnage holistique, autrement dit quelqu’un dont l’ensemble est plus que la somme de ses parties.
Français de France et Québécois du Canada, carrossier, photographe, explorateur, cinéaste, inventeur, entrepreneur, créateur, philosophe, vendeur, savant, éducateur. Et surtout autodidacte. C’est plus juste : Christian Barthomeuf est un autodidacte tous azimuts, holistique.
Quand, adolescent, il décide de quitter l’école où il s’ennuie, il sera dirigé vers un centre d’orientation professionnelle dans le but que soient débusqués ses talents cachés. L’histoire ne dit pas si on les a trouvés, mais c’est alors qu’il a été déclaré autodidacte, donc apte à réussir toute entreprise qui le passionnerait.
C’est grâce à cette grande qualité qu’il est aussi devenu écrivain et a publié, en 2020, Autoportrait d’un paysan rebelle, livre dans lequel il relate l’histoire de ses vies et le long cheminement qui l’a amené de la région de Clermont-Ferrand, son coin natal, jusque sur les pentes du mont Pinacle. Surtout ce qui a amené un petit garçon passant ses étés sur la ferme familiale de Fons en Auvergne à boucler la boucle et à retrouver sur les flancs des Appalaches des façons ancestrales et respectueuses de travailler la terre pour qu’elle nous donne le meilleur d’elle-même.
Dans le premier quart de ce livre inspirant, dont l’une des préfaces est de Laure Waridel, l’auteur relate sa petite enfance, son adolescence et le début de sa vie adulte dans son pays d’origine. Le style est enlevé, le ton enjoué et humoristique, ça dévale, ça déboule, ça sent bon, c’est plein de tendresse et de joie de vivre ; on y est, on y vit avec lui. C’est l’histoire d’un début de vie heureux et sans soucis.
Non pas que le Québec, où arrive Christian Barthomeuf en 1974 à l’âge de 24 ans, soit un lieu de douleurs ou de contraintes, mais parce qu’il y passera du stade de l’homme plus ou moins frondeur à celui de l’homme toujours fonceur, mais responsable, celui qui va créer, découvrir, innover avec les échecs et les succès que comporte toute entreprise nouvelle. Et c’est une rencontre fortuite avec un autre « maudit Français » en 1977, Stéphane Bellegarde, qui va lui faire connaître notre belle région.
À compter de ce moment dans le livre, le rythme du récit change, il ralentit, la vie est découpée en tranches plus fines, une philosophie d’être s’installe tranquillement entre les anecdotes, les hauts-faits et les plus ou moins grandes catastrophes. Pour soutenir ce nouveau ton, de brèves questions pertinentes, qui centrent, alignent ce qu’on pourrait appeler le parcours du combattant, sont posées par Julie Aubé*.
Fondateur du Domaine des Côtes d’Ardoise à Dunham, premier vignoble en terre québécoise, Christian Barthomeuf a aussi été le premier à faire du vin de glace au Québec en plus d’être l’inventeur mondial du cidre de glace. Il a fondé deux autres vignobles renommés, la Chapelle Ste-Agnès de Sutton (aujourd’hui Domaine Dumont Chapelle Ste-Agnès) et le Clos Saragnat à Frelighsburg, son entreprise actuelle. Il a fait ses classes de vigneron, sur le tas, apprenant patiemment les leçons de la terre.** À ses débuts dans le métier, il utilisait des produits chimiques pour se débarrasser des insectes nuisibles envahissant ses vignes. Aujourd’hui, c’est un fervent apôtre de la culture fondamentale qui laisse le soin à la nature de s’autoprogrammer, que ce soit dans son vignoble ou dans son verger. Ce qui ne veut pas dire désordre et envahissement. Il suffit de s’aventurer dans la superbe cour du Clos Saragnat pour constater qu’il n’y a dans l’environnement de Christian Barthomeuf aucune perte de contrôle.
Autobiographie d’un paysan rebelle est la publication d’un homme aux talents multiples dont le parcours pas banal fait maintenant partie de notre histoire collective locale et, plus encore, de celle d’une humanité aux frontières perméables qui se doit d’apprendre à vivre correctement si elle veut survivre. C’est aussi l’histoire d’un innovateur qui a eu envie de remettre les pendules à l’heure, ce pionnier n’ayant pas toujours fait l’unanimité autour de lui.
Son récit est parsemé de ce qu’il appelle des « leçons de vie », apprises non seulement dans son enfance et à travers ses essais et erreurs d’adulte, mais aussi au cours des voyages vécus en compagnie de Louise, qui est de toutes ses aventures et qu’il appelle sa « camarade de vie ». Désormais, tous deux s’astreignent à « ne faire que ce dont ils ont besoin » et si la vente de ce livre devait rapporter quelques bénéfices, ceux-ci seraient intégralement offerts à une fondation de l’Estrie venant en aide aux enfants défavorisés.
Ce beau livre publié par les Éditions du Passage, est magnifiquement illustré par les photos de Virginie Gosselin. Une mise en page soignée, des phrases percutantes au début de chacun des différents chapitres, une écriture franche et limpide, de la couleur, de la vie, en font un régal.
En attendant le renouveau du printemps et la chaleur de l’été, on peut plonger dans ce bouquin toujours accessible en librairie pour y puiser du plaisir et des connaissances nouvelles.
* Julie Aubé, une vedette de l’agrotouristique et du « bien manger », est une amie de longue date de Christian Barthomeuf. Elle a publié Prenez le champ ! et Mangez local ! aux Éditions de l’Homme.
** « La terre nous en apprend plus sur nous que tous les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. » Ces deux phrases d’Antoine de Saint-Exupéry citées par Christian Barthomeuf en page 15 résument parfaitement sa philosophie de vie.
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