Marbre Missisquoi à l’état brut (photo : Marie-Hélène Guillemin-Batchelor)
Si vous regardez attentivement les murs de l’Église unie de Saint-Armand / Philipsburg, vous verrez, ici et là, quelques plaques de marbre. Ces beaux restes sont d’origine et datent donc des années 1820. Il s’agit là du premier édifice pour lequel on a utilisé le marbre local comme revêtement.
Le marbre de Missisquoi, comme on le nomme encore, n’avait pas fini d’embellir les édifices, et surtout les édifices de prestige. Ainsi, notre Église unie a de la parenté haut placée : le Parlement du Canada et la Cour suprême à Ottawa, le Château Frontenac à Québec, l’Édifice Sun Life à Montréal, la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré et l’École des beaux-arts contiennent tous du marbre local.
Saviez-vous, en passant, que notre grand nationaliste à l’éloquence de feu, Sir Louis-Hippolyte Lafontaine, a les deux pieds bien ancrés dans le sol de Saint-Armand ? C’est que le socle du monument dans le parc qui porte son nom à Montréal, ce socle, donc, est en marbre de Missisquoi.
La carrière de la Missisquoi Marble and Stone Corporation a été exploitée de façon presque continue entre le début des années 1900 et le début de la décennie 1960, soit pendant plus de cinquante ans. La qualité du gisement et la situation géographique du site (à proximité de Montréal et de la frontière canado-américaine) ont contribué au succès de l’entreprise.
La Missisquoi Marble était à cette époque la plus importante carrière d’extraction de marbre au Canada et elle était la seule à posséder les installations permettant de transformer un bloc de marbre brut en matériaux utilisables en décoration intérieure, en structures architecturales ou en monuments funéraires. Près de 300 opérateurs s’y afféraient à l’excavation minière, à la transformation, au façonnage et à la pose.
Deuxième vie
La carrière de marbre connaît un regain depuis 2006. C’est cette année-là qu’Omya Saint-Armand loue la partie sud du gisement à Polycor Inc. Le producteur de carbonate de calcium se réserve la partie nord du site pour combler ses besoins.
Polycor Inc. se spécialise depuis 1987 dans l’extraction et la transformation de la pierre naturelle. Cette entreprise, dont le siège social est à Québec, possède plus de vingt-cinq carrières et cinq usines de transformation. Elle produit un million et demi de pieds cubes de marbre brut de pierre chaque année.
À Saint-Armand, la dizaine d’employés de Polycor Inc. découpent les blocs à l’aide d’un câble diamanté. « L’opération est menée de façon quasi chirurgicale et tient compte des particularités de la pierre et de la carrière. Il n’est pas question ici d’utiliser de la dynamite », explique Jean-Nil Bouchard, responsable de l’exploration, de l’extraction et du développement chez Polycor Inc.
À l’heure actuelle, la quantité de pierre extraite du site de Saint-Armand ne dépasse guère quelques centaines de mètres cubes (de 500 à 600 tonnes) par an, mais ce n’est qu’un début… « La relance d’une carrière est un long processus. Il faut comprendre que le marbre de Saint-Armand revient dans le décor après une absence de 40 ans. Il faut rebâtir le marché, relancer les architectes spécialisés dans la restauration des édifices patrimoniaux », souligne l’employé de Polycor Inc.
Cette réserve peut répondre à la demande pour une période de 50 à 100 ans. Notre Église unie peut s’attendre à voir s’agrandir la famille des édifices qui seront mis en valeur par le marbre Missisquoi.
Quand les cyanobactéries se rendent utiles
Les cyanobactéries sont des sales bêtes, c’est bien connu. Ces algues bleu-vert « cochonnent » la baie Missisquoi depuis des années, et on s’en passerait volontiers. Mais leurs ancêtres (très) lointaines ont rendu un signalé service à notre communauté.
Les cyanobactéries sont à peu près ce qu’il y a de plus primitif dans le règne du vivant. Il y a de ça 3,8 milliards (oui, oui, milliards, pas millions) d’années, elles se sont pointé le bout du nez pour la première fois. Et elles ont commencé d’évoluer, de se ramifier en diverses espèces.
Certaines des bestioles se sont mises à vivre en grosses colonies. Ces populations ont développé une drôle d’habitude : capturer le calcium et le carbonate ambiant. Elles faisaient ça généralement dans des plans d’eau peu profonds. Les cyanos mouraient, leur matière organique se dissipait mais les feuillets de carbonate de calcium qu’elles avaient fixés restèrent et se compactèrent au cours des millénaires. Et hop ! Voilà du marbre de Missisquoi.
On peut voir les dessins typiques de leurs monticules de carbonate de calcium dans les plaques de marbre. Ces monticules sont vus comme en coupe, capturés par la découpe de la plaque de marbre. On en a un bel exemple dans les paliers de l’escalier du Musée canadien de la nature à Ottawa. On dira quand même ce qu’on voudra : je préfère mes cyanobactéries pétrifiées dans le marbre que bien vivantes dans la baie !
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Cher Monsieur / Madame,
Pourriez-vous, s’il vous plaît, fournir des informations sur l’ancien emplacement de l’édifice ‘Missisquoi Stone and Marble’, présenté dans le tableau ci-dessus.
Merci,
Phil Dupuis
philrdupuis1@gmail.com
Selon monsieur Jean Rosetti, l’usine se situait sur le lot 5 451 848 du cadastre de la municipalité de Saint-Armand. Le propriétaire de ce lot est maintenant OMYA Canada Inc. L’édifice fut démoli vers l’année 1972 mais les vestiges de la fondation devraient-être encore là. Tout près de l’entrée du lot. Le lot se trouve au nord de la route 133, à la hauteur de l’intersection de la rue Alan et de la 133.