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- Patrimoine -

Histoire d’une restauration

Éric Madsen

Le conseiller municipal Richard Désourdy, dans l’embrasure d’une fenêtre en voie de restauration (photo : Éric Madsen)

Il était une fois une vieille gare, bâtie en 1865 par la Montreal and Vermont Junction Line dans le but d’accueillir les passagers et du matériel de toutes sortes qui transitaient entre le Canada et les États-Unis. Elle a été construite dans un style néo-classique dit « italianisant », qui s’inspirait de l’architecture de la renaissance italienne et constituait une variante du style victorien. Plusieurs sociétés de chemin de fer ont reproduit sa silhouette, surtout au sud de la frontière, où il en existe encore un certain nombre. Entre ses murs, cohabitaient deux guichets pour la billetterie, selon la direction désirée, une salle d’attente, un bureau des douanes, un entrepôt à bagages, bref tout ce qu’une gare digne de ce nom se doit d’offrir. Mais le déclin du transport par train et l’abandon de lignes peu rentables signeront l’arrêt des activités ferroviaires dans de nombreuses localités de la région et la gare de Saint-Armand n’échappera pas à ce sort.

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(photo : Éric Madsen)

Après le démantèlement des rails et l’exode de la clientèle, le bâtiment a connu plusieurs modifications, pas toujours harmonieuses, afin de lui redonner une nouvelle vocation. On a divisé l’intérieur en trois locaux distincts et, durant de nombreuses années, une caisse populaire, un bureau de poste, des bureaux municipaux et du service des loisirs, une bibliothèque, une salle d’exposition temporaire, des commerces et d’autres activités se sont partagés l’espace disponible. Pour « moderniser » un peu le tout, on a recouvert le plancher et les murs de divers matériaux, scellant sans trop s’en rendre compte l’âme de la gare derrière du gypse, de la céramique et du vinyle.

Mais en 2011, la vieille gare est vouée à un nouveau destin. Le conseil municipal d’alors décide de consacrer de l’argent à la restaurer afin d’y installer les bureaux municipaux. On commence donc par des travaux extérieurs d’excavation pour le drainage et l’inspection des fondations. Le bâtiment est sain et solide ; il a certes besoin de soins, mais il a remarquablement résisté aux assauts du temps. Son magnifique toit en ardoise ne fuit pas et le recouvrement extérieur en brique est étanche. En 2012, débute son curetage intérieur sous la supervision de Fabien Poirier, spécialiste en restauration de vieux bâtiments. On arrache, tout en prenant soin de numéroter chaque bout de planche, de lambris, de moulure, de tout ce qu’on découvre caché dans les murs, dont les fameux guichets qui, maintenant, reprennent vie, judicieusement installés dans le bureau du maire.

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(photo : Éric Madsen)

Une fois toute la boiserie de noyer tendre en sécurité, les travaux d’isolation, de plomberie, d’électricité et de chauffage se succèdent. La fenestration d’origine réserve des surprises : son système de contrepoids et de poulies, qui se trouve à l’intérieur des murs, nécessite d’intenses recherches sur Internet afin de comprendre comment il a été conçu et procéder à sa restauration dans les règles de l’art. Des maçons restaurent les deux cheminées d’origine et des ouvriers réussissent à sabler parfaitement le plancher en érable, dissimulé depuis longtemps sous divers revêtements. Les plafonds sont uniformisés à une hauteur rarissime de 14 pieds.

Un défi de taille se présente alors pour la restauration des boiseries. Environ 1400 pièces en noyer doivent retrouver un air de jeunesse dans l’atelier de l’artisan Poirier, qui doit enlever plusieurs couches de laque ou d’huile sans altérer le grain du bois. Une fois cette tâche fastidieuse complétée, les moulures sont judicieusement teintes avant d’être installées dans les quatre pièces que comptera la mairie.

Selon le responsable du suivi des travaux, le conseiller Richard Désourdy, plus de 75 % du matériel original a été restauré et réutilisé. Le fait que l’ancienne gare ne soit pas encore classée monument historique aura permis à la municipalité de se soustraire aux exigences gouvernementales dans ce domaine. On n’a demandé aucune subvention car il aurait fallu alors se soumettre à un suivi draconien de toutes les décisions prises par la municipalité durant la restauration : le recours à des ingénieurs spécialisés pour valider le type de clous utilisés ou l’envoi, par poste prioritaire, de trois copies conformes de tel type de vis aurait tôt fait de gonfler de façon astronomique la facture qui, rappelons-le, sera payée par les contribuables armandois.

Mais l’ancienne gare n’a que faire de la politique et de ceux qui la pratiquent. Ce qu’elle sait, c’est qu’une cure de jouvence lui redonnera son lustre d’antan et une nouvelle vie. Et que d’autres travaux extérieurs à venir lui donneront fière allure. Elle figurera parmi les plus belles gares restaurées de la province et continuera d’être un fleuron du patrimoine bâti de l’Armandie. Il y a longtemps que le train ne passe plus sur son quai, mais l’avenir de ce bâtiment unique et plein d’histoire est préservé pour les générations à venir, grand bien lui fasse.

Armandoises et Armandois sont invités à visiter la vieille gare restaurée le 6 septembre prochain à l’occasion de la Fête au village. La vieille dame souhaite vous voir en grand nombre venir admirer sa nouvelle beauté… à l’aube de ses vénérables cent cinquante ans.

 

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