Donat Messier et son chien Tobby au salon des chauffeurs (Photo : Éric Madsen)
Donat Messier est né le 8 août 1951, à Pike-River. Ses parents originaires de Saint-Armand et de Saint-Sébastien étaient établis sur une énorme ferme pour l’époque, soit 600 acres, dont 400 cultivables. C’est dans ce cadre qu’a grandi le petit dernier des Messier, Donat précédé par six autres frères et cinq sœurs. De sa tendre enfance, il se rappelle avoir été un gamin un peu fouineux, « pas vraiment un ’patenteux’ », d’ajouter Donat, mais un vrai touche-à-tout… ça oui. Impensable aujourd’hui, Donat n’a qu’un diplôme du primaire. « J’ai jamais fait du chômage, d’ajouter l’homme, en disant que de toute façon, il y avait trop de travail à faire surtout sur la ferme avec ses grands frères. Déjà, à l’âge de six ans, il conduit le tracteur durant la saison des foins, l’été. On peut facilement l’imaginer, adolescent en salopette pleine de graisse, en train de farfouiller avec une clé dans on ne sait quelle machinerie. Quand les six grands frères quittent la maison à tour de rôle, et qu’ils grandissent dans le camionnage, ça ne peut pas faire autrement pour Donat, avec son nouveau permis de conduire en poche, à 19 ans, d’être au volant d’un camion. « Nous étions meilleurs dans le transport que fermiers », de mentionner celui qui aujourd’hui est un des plus gros employeurs de Saint-Armand. Donat n’est jamais véritablement parti de chez lui, car en 1976, il a construit sa maison sur une partie de la terre paternelle, aujourd’hui le site de Florabec. À 28 ans il emménage avec Nicole Brault, sa copine de Saint-Alexandre. Ils auront quatre enfants : Audrey aujourd’hui enseignante à la polyvalente qu’elle a fréquentée, Mathieu, camionneur-mécanicien, Simon et Emmanuelle encore aux études. Donat est depuis peu un heureux grand-père.
Au début des années 80, la mode d’embellir son jardin est en plein boom. L’industrie de l’aménagement paysager prolifère partout dans la région. La plate-bande fleurie est essentielle au bonheur, le besoin d’un plan d’eau dans notre cour arrière devient un must pour tout jardinier amateur qui se respecte. Le besoin créant la demande, Donat et Nicole décident, en 1982, d’ouvrir un centre-jardin jumelé à une pépinière. La croissance est modeste, la concurrence féroce. Il est impératif de se spécialiser autrement que dans le pot de fleur. Le vrac semble une bonne issue, puisque la terre, la paille, le peat moss, la pierre décorative s’écoulent bien. La location de camion est un incontournable. Dix ans après l’ouverture du commerce, l’entreprise achète son premier camion. Un lucratif contrat de transport de pavé uni destiné aux marchés américains sera la bonne affaire qui fera grandir Florabec. Au fil du temps, les voyages sont passés de cinq à cinquante, puis à cent voyages par semaine aux États-Unis. Malheureusement, les Canadian Tire de ce monde auront le dernier mot sur le centre-jardin, si bien que les marchands de fleurs ferment boutique en 95, soit treize ans plus tard.
Toutefois…
Tant et aussi longtemps qu’une personne aura besoin d’une chose, il y aura quelqu’un pour la transporter. Il y aura un camion quelque part. Et des camions, la famille Messier en a vu passer en masse. Chez Florabec, on achète en moyenne quatre tracteurs par année. La flotte actuelle est de 47 unités attelées à 50 remorques. Le plus vieil équipement sert à la revente de pièces usagées qui trouvent preneurs. Sur la route en ce moment il y a 35 chauffeurs permanents qui se partageront environ trois millions six cent mille kilomètres cette année, soit quatre-vingt-dix fois le tour du monde. Dans les grosses semaines d’été, faire le plein de ces engins peut atteindre quarante mille litres de fuel par semaine. On roule surtout dans le nord-est américain, parfois aussi loin qu’en Californie ou en Alberta. On se targue d’être l’un des plus gros transporteurs de conteneurs vides retournant au port de Montréal, à raison de plus de 1 500 par année. Donat peut comptabiliser environ trois mille voyages par an chez nos voisins du sud, soit près de huit par jour, même le dimanche. Une année, il y eut cinq mille deux cents voyages de Techo-Bloc. La feuille de paye compte souvent 80 employés et plus. Faut-il se surprendre que 85 % de l’activité de l’entreprise provient du lucratif voisin ? Qui dit mécanique dit entretien dit garage. Dix maisons comme la mienne pourraient tenir dedans. Immenses, les bâtiments neufs et bien pensés sont conçus en fonction de l’espace que requièrent les poids lourds.
On est maintenant rendu très loin des premiers voyages de terre noire et de blocs de béton. Par souci d’avoir la bonne remorque, Donat, aidé d’un ingénieur, se met à la table à dessin. L’idée d’avoir l’outil polyvalent qu’il espère tant, mais aussi tanné de réparer sans cesse les remorques vieillissantes, il décide d’ouvrir un atelier de fabrication. Damsen (diminutif des premières lettres des prénoms de sa famille) voit le jour. La clé du succès réside dans la fabrication d’une remorque qui permet la reconfiguration de la charge accommodant cinq différents moyens de transport. On y gagne ainsi 20 %de chargement. À ce jour, une cinquantaine de ces remorques made in Saint-Armand sont en circulation. Sourire en coin, Donat avouera qu’elles sont de bien meilleure qualité que celles de Canam Manac. Depuis peu, Florabec est dépositaire des produits Freightliner, un des plus gros fabricants de camions au monde. Sur les tablettes du magasin, tout pour dépanner le camionneur en mal d’équipement pour son tracteur ou sa remorque.
L’industrie du camionnage a souvent mauvaise presse ; pourtant Florabec pourrait vendre des actions à la bourse du carbone. Selon Donat, l’entreprise privilégie une approche environnementale efficace par des équipements plus performants, moins lourds, calibrés, satellisés. Les charges sont mieux réparties avec la Damsen plus légère ; elles prolongent la durée des pneus ; ça prend moins de fuel, la vitesse est barrée, augmentant ainsi les économies à tous les échelons.
Ici à Saint-Armand, Donat et son frère Denis pourraient être qualifiés de visionnaires dans l’industrie. Les frères n’ont de concurrents qu’eux-mêmes.
Les deux, bourreaux de travail, infatigables, aiment encore se salir. Chez Florabec, la relève est déjà assurée, sans toutefois y mettre de pression. Celle-ci sera sûrement appelée à gérer la croissance qu’apportera la venue de l’autoroute 35. Un incontournable, certes profitable pour le camionnage, mais qui défigurera le paysage. Malgré tout, Donat pense que notre plus belle richesse est justement la beauté du paysage, et qu’avec l’autoroute la municipalité ne sera pas moins belle et restera pleine de potentiel. Il y va d’une déclaration surprenante : « Regardez. Bedford s’éteint et Saint-Armand grossit. » Venant d’un homme d’affaires aguerri, la remarque nous laisse songeur. Autres temps, autres débats, celui de l’environnement est un incontournable, et Donat a une façon bien à lui de clore la question. « Quand chaque citoyen sera en mesure de ne plus apporter son sac vert au camion à vidange, à ce moment-là on discutera. »
Une visite des installations est unique en soi. Les 54 000 pieds carrés donnent la mesure de l’envergure des bâtiments. Il y a des bureaux et une grande salle pouvant contenir aisément cent personnes. Plus loin, l’escalier pour descendre à la boutique, ici une porte pour le salon des chauffeurs ; grosse télé, sofa moelleux, Internet haute vitesse (avis aux intéressés). Par l’autre porte, la cuisine des employés, par ici la sortie des garages. Big ! Ici un camion « dompeur » toute boîte dehors est un minus. Toujours un peu plus loin, l’atelier de fabrication des remorques. En voir une terminée, couchée sur le dos, les pneus en l’air donne une tout autre perspective. Celle-ci est en instance d’homologation canadienne, m’assure-t-on. Et derrière ces immenses portes de garage se trouve la flotte, alignée telle une armée.
Aujourd’hui encore, si Donat est dans l’obligation de monter à bord pour un court voyage, il roule toujours.
Il y aurait encore tant a dire sur la personne et sa passion, afin d’être capable de tout raconter.
À suivre… promis.
Pour ceux et celles qui seraient curieux d’en savoir plus, consultez le site Internet. Une visite virtuelle mais surtout réelle des lieux est de mise. Connaissant un peu mieux Donat, je suis sûr que l’accueil saura vous plaire. Merci Donat.
À la prochaine !
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