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- Dossier Eau -

Composter les cyanobactéries

une solution écologique à la pollution des lacs ?
Paulette Vanier

Eau contaminée par les cyanobactéries (Photo de Hélène Vadeboncoeur)

On le sait, les efflorescences de cyanobactéries résultent d’un apport excessif en nutriments, notamment en phosphore. En présence de celui-ci, les algues bleu-vert se multiplient à un point tel qu’elles remontent des fonds marins, lieux de leur habituelle résidence, pour apparaître à fleur d’eau, polluant les lacs et les rendant impropres à la baignade et à d’autres usages. La plantation de bandes riveraines en bordure des ruisseaux et rivières constitue une bonne solution en amont et, bien aménagées, ces dernières permettent de réduire considérablement l’apport en phosphore dans l’eau des lacs.

Cependant, il existe aussi une solution en aval. Il s’agit de récolter les algues à la surface de l’eau et de les composter, de préférence à proximité du plan d’eau. En 2014, des chercheurs australiens publiaient une synthèse1 des principales études ayant été menées dans ce sens.

Citant d’entrée de jeu, la plus grande « marée verte » de l’histoire, les chercheurs rappellent ce qui s’est passé à Qingdao (Chine) en 2008, alors qu’une efflorescence d’algues vertes s’est étendue le long des côtes sur près de 400 km2, empêchant toute circulation dans le port. Cette année-là, durant le seul mois de juin, on a récolté plus de 150 000 tonnes de cette biomasse algale. Plus de 10 000 personnes circulant dans un millier de bateaux ont dû être recrutées dans le cadre de cette gigantesque opération de nettoyage.

D’autres situations semblables sont évoquées. En 2009, à Albury-Wodonga (Australie), une efflorescence d’algues bleu-vert dans le lac Hume s’est étendue sur 600 kilomètres, recouvrant entièrement le principal canal du lac. Chaque année, il se produit, dans la lagune de Venise (Italie), dix millions de tonnes d’algues. En Patagonie (Argentine), on doit prélever sur les plages de Puerto Madryn environ 8000 tonnes d’algues qui, autrement, nuiraient gravement aux activités récréotouristiques de l’endroit. À Wuxi, en Chine, les populations de cyanobactéries du lac Taihu se sont accrues considérablement depuis 1981, au point de bloquer les entrées des stations de traitement des eaux municipales et, en conséquence, d’interrompre l’alimentation en eau des résidences et industries, et de réduire le volume des captures de poisson. En Méditerranée, on estime que les dépôts d’algues sur les plages fréquentées par les touristes constituent un grave problème environnemental, économique, social et de santé publique.

Efficace et peu coûteux

Or, comme l’ont découvert les chercheurs, le compostage des micro-algues est parfaitement réalisable et ce, à faible coût en autant qu’on emploie les méthodes adéquates, lesquelles sont désormais bien connues. Diverses techniques ont été expérimentées dont le compostage en andains retournés, en tas statique aéré et en biodigesteur (avec production de gaz utilisable). La première, soit le compostage en andains retournés, est de loin la moins chère et la plus facilement réalisable par de petites communautés comme Saint-Armand, où l’on peut difficilement imaginer installer un équipement coûteux.

Chose intéressante, dans la plupart des cas, les études ont permis de montrer que le compostage des algues et micro-algues avec d’autres matières plus riches en carbone (les algues en sont très pauvres) avait pour effet de réduire considérablement leur teneur en métaux lourds et en métalloïdes (les algues absorbent aisément ces derniers) et de dégrader en substances inoffensives les microcystines2 qu’elles produisent. Ces molécules toxiques sont normalement stables dans l’environnement, c’est-à-dire qu’elles peuvent persister durant des années, voire des dizaines, des centaines ou des milliers d’années, et causer la mort d’animaux sauvages et domestiques (bétail, chiens, chats…), en plus d’affecter les humains. On estime que les plus virulentes d’entre elles sont aussi toxiques que le curare.

Or, au bout de 48 jours de compostage, 90 % des microcystines des micro-algues étaient dégradées, action qu’on attribue à l’activité des micro-organismes présents dans le compost.

En outre, on a pu constater que le compost obtenu stimulait la croissance des plantes cultivées et pouvait être considéré comme un amendement de qualité.

Bref, voilà encore un bel exemple de problème devenu solution, de déchet devenu ressource. Ne reste qu’à mettre la chose en pratique.

 

[1] Wei Han, William Clarke, Steven Pratt, Composting of waste algae : A review. Waste Management, 34 (2014) 1148–1155. http://www.jlakes.org/config/hpkx/news_category/2015-05-10/1-s2.0-S0956053X1400049X.pdf

[2] De 2000 à 2008, on en avait observé 3 variantes dans nos lacs. Or, depuis 2014, on en a observé 12. http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/eau/eco_aqua/suivi_mil-aqua/suivi_lacs.htm Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Suivi des cyanobactéries dans les lacs.

 

 

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