Tout a son endroit et son envers… Une même chose a différentes faces, selon qu’on la regarde différemment ; et de là vient que les uns prennent plaisir à tout, et les autres à rien. Le meilleur expédient contre les revers de fortune, et pour vivre heureux en tout temps et en tous emplois, est de regarder chaque chose en son bel endroit.
C’est par cet extrait d’une œuvre de Baltasar Gracian, un jésuite espagnol érudit ayant vécu au XVIIe siècle, que débute le recueil de poèmes de Jef Asnong, un résident de Pike River. Monsieur Asnong n’en est pas à sa première publication. Sa maison d’édition La Soleillée a, depuis 2005, publié dix de ses ouvrages.
Le titre et les phrases en exergue (ainsi que l’image de la page couverture) sont bien choisis. Partout dans ses poèmes, même ceux qui sont de nature moins gaie, l’auteur parvient à laisser filtrer lumière et tendresse, comme une caresse du soleil.
Le tout se lit avec enchantement, à petites doses. Si l’amour prend une grande place, l’humour n’est pas exclu de l’ensemble : « Cesse de trépigner Sur le pas de la porte Fais un pas pour entrer. »
Comme Baltasar Gracian qui, en tant que bon jésuite, est adepte des demi-mensonges, Jef Asnong ne cache pas les sujets sociaux épineux, mais les présente à sa manière. La vie heureuse et l’amour ne sont pas toujours au rendez-vous pour tous ni tous les jours. Ainsi les vieux dans leurs hospices et les Amérindiens ont aussi droit à son intérêt et à sa tendresse.
Les textes ne manquent pas de saveur. Il y a cet homme qui aime deux femmes et qui « trompe l’une avec l’autre et les deux à plein temps », il y a aussi : « À la fenêtre, un fantôme regarde s’il fait beau dehors. »
Quand arrive Le mot de la fin, celui qui dit « je ferai comme c’est écrit » et « il s’est faufilé dans mon récit », on referme le livre avec un sourire, le cœur en son bel endroit.