Entrelacs 3, 2022
Le tissu du vivant est une tapisserie de temps,
mais nous sommes dedans, immergés, jamais devant.
Baptiste Morizot
Les oeuvres Guylaine Chevarie-Lessard et Pierre Villeneuverésultent d’une collaboration étroite entre ces artistes.
Guylaine Chevarie-Lessard a d’abord réalisé en atelier des oeuvres picturales monumentales sur un tissu translucide. Elle les a ensuite installées dans un segment de forêt bordé par la Rivière-aux-Brochets, sur le terrain où elle habite à Frelighsburg. En raison de la translucidité du tissu, le paysage s’y révèle à travers l’oeuvre devenue fine membrane, matière poreuse flottant à la jonction de la peinture et de la nature.
Ses photographies et celles de Pierre Villeneuve ont capté leurs variations de lumière et de texture, photographies qu’ils ont retravaillées ensemble. Ces oeuvres sont accompagnées par la vidéo de Guylaine Chevarie-Lessard qui a sondé cette surface dans le dessein de « l’entrelacer ». Elles deviennent le frémissement d’un monde fluide et mouvant surgi des interactions entre la matière picturale orchestrée par la peintre et le photographe et la nature.
Information pour le public
Du 6 mai au 4 juin
Centre d’art de Frelighsburg
1, Place de l’Hôtel-de-Ville
450 298 5133 poste 130
frelighsburg.ca/tourisme
vitalitefrelighsburg.ca
Vernissage
Le samedi, 6 mai de 14 h à 16 h
Information pour les médias
guylaine.chevarie@yahoo.ca
guylainechevarielessard.ca
579-440-8808
Le Centre d’art est ouvert du jeudi au lundi de 9 h à 17 h.
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À la suite de votre annonce, je suis allé voir l’exposition Entrelacs. Voici une critique que je vous propose.
ENTRELACS ; une expérience de contemplation.
La direction du Centre d’art de Frelighsburg a été bien avisée en programmant sa première exposition de cette année. Entrelacs est constitué d’œuvres photographiques et vidéographiques de Guylaine Chevarie-Lessard et de Pierre Villeneuve.
Dans la grande salle, le tandem propose d’immenses photographies en apparence abstraites mais qui se révèlent être de véritables compositions complexes et mystérieuses sur papier japonais. Rappelant à certains détails la végétation imaginaire d’un Douanier Rousseau ou d’un Jérôme Bosch, ces compositions photographiques laissent entrevoir toute une flore de formes inouïes et de couleurs magnifiées par la lumière des quatre saisons. En effet ces photographies ont été prises tout au long de l’année dernière sur le terrain de Chevarie-Lessard à Frelighsburg. Pierre Villeneuve a pris des centaines de clichés pour capter l’étonnante diversité des éléments (végétaux, lumière, mouvements ) avec pour filtre les œuvres sur tissus translucides que Chevarie-Lessard a installées dans la nature. Le résultat est stupéfiant, la symbiose étonnante. Les tissus d’abord teint en atelier par Chevarie-Lessard puis marqués de signes, de taches et de lignes (à l’acrylique, aux crayons gras, avec des bouts de fil de laine, des coutures additionnelles de morceaux de tissus) aux couleurs tantôt vives, tantôt volontairement délavées rappelant celles des végétaux environnants (fougères, feuilles, écorces), ont été suspendus librement entre les arbres de la forêt à l’aide de fils à pêche. Villeneuve est parvenu à capter plusieurs perspectives, plusieurs niveaux de profondeur grâce à la lumière passant au travers des oeuvres, celle captée par les végétaux se trouvant derrière elles, celle aussi mettant en évidence la végétation se trouvant devant les tissus. Cette lumière révélant leurs couleurs vives, leurs formes variées crée des jeux de perspectives inouïs et complexes. Les photos de l’exposition nous révèlent ces trois niveaux de perception en les combinant dans le cadre photographique de sorte que plusieurs dimensions nous sautent aux yeux en même temps et nous révèlent, en ces entrelacs, une nature métamorphosée. Les très grands formats (jusqu’à 6pieds par 4) des onze photographies laissent voir à l’observateur des détails surprenants et mystérieux où qu’ils posent les yeux tout en étant, dans l’ensemble, très organiques tant les matériaux s’intègrent les uns aux autres, tant les perspectives du prochain et du lointain portent à la contemplation ravie. Nature et œuvres se confondent ici comme s’il s’agissait d’une nouvelle réalité esthétique.
Une étonnante découverte nous attend aussi lors de la visite de la petite salle du Centre d’art. Deux vidéos y sont projetées. La première, intitulée En méditation devant les nymphéas, n’est évidemment pas sans rappeler les jardins d’eau de Monet et les œuvres des impressionnistes par ses couleurs et jeux avec la lumière. Mais ici, pas d’eau véritable ni de fleurs mais une intégration de l’œuvre à même la végétation soumise aux claire obscures qu’engendre la lumière dans un boisé. Un très lent plan amorce la vidéo sur une œuvre en tissu translucide que Chevarie-Lessard a installée entre les arbres. Cette œuvre avec une dominante de vert, des formes abstraites et des lignes variées en dimension et couleurs épouse la verdure des fougères sur lesquelles elle semble reposée. Le plan progresse en révélant tout doucement l’envergure de ses dimensions : en un hémicycle elle forme une fresque de plus de vingt mètres de long ! Après cette impressionnante entrée en matière, on se concentre sur un seul détail en gros plan et les innombrables variations que la lumière a sur la couleur et la textures de l’œuvre. La seconde composition vidéo porte le titre énigmatique de En apnée dans la chaire du monde. Celle-ci se révèle être un ballet contemplatif des plus singuliers: il s’agit d’un plan séquence de huit minutes. Une seule grande œuvre suspendue est visitée par la caméra qui semble entrer en elle comme on le ferait entre les algues en plongée sous marine. Bercé aux mouvements du tissu occasionnés par le vent léger, l’observateur entre de manière intime dans cette œuvre délicate tandis que l’on entend à la fois l’eau d’une rivière, des oiseaux, grenouilles, insectes et d’étranges respirations comme si nous étions en effet en apnée sous l’eau. L’expérience contemplative (voire immersive) est étonnante, les changements sont continus mais doux et font apparaitre une succession de tableaux dans lesquels le tissu caresse l’air qui le porte et semble danser avec la végétation animée par un démiurge toujours surpris de ses compositions.
Patrice Joly