Les agricultures biodynamique et biologique ont en commun d’être des agricultures de la vie (bios : vie). À ce titre, elles cherchent à comprendre les lois de la vie et à travailler en les respectant. Mais qu’est-ce que la vie ? Le monde vivant se présente à nous sous forme d’organismes vivants. Quelles sont donc les différences essentielles entre un organisme vivant et un objet mort, comme une machine par exemple. Difficile à dire en deux mots.
Une des premières différences est qu’un organisme vivant est un « être », un tout formé de différents organes qui se développe tout en gardant sa forme même si sa substance change (l’être humain par exemple renouvelle toute sa substance tous les 7 ans et pourtant nous le reconnaissons 7 ans plus tard). La conservation de la forme des êtres vivants reste une énigme pour la biologie moléculaire. Faites l’exercice : observez une plante ou un animal sans a priori et comparez-le avec une machine.
Si l’on considère plantes et animaux comme des « machines » , il ne paraît guère gênant de faire des manipulations génétiques ; on améliore les plantes en changeant des gènes comme des pièces sur des machines mais dès qu’on prend conscience qu’un organisme vivant est un tout, on ne peut changer une partie sans tenir compte des répercussions sur l’ensemble…
Il existe une deuxième différence, un organisme vivant ne peut être compris en dehors de son milieu : par exemple, le pissenlit pousse dans un certain terrain, la prairie riche, et l’anémone sylvie dans un autre, plutôt en forêt. L’observation de la plante dans son milieu nous renseigne déjà beaucoup sur sa nature.
La plante s’exprime aussi dans le temps en accord avec le rythme des saisons : elle germe, croît et fleurit pour finalement mûrir et « se condenser » dans la graine. Milieu et temps sont deux éléments essentiels du contexte des êtres vivants. Ils sont d’ailleurs liés et se complètent pour agir sur la plante : par exemple l’anémone sylvie fleurit tôt au moment de l’année où elle a le maximum de lumière car ensuite le feuillage des arbres la plongera dans l’ombre ; elle aura donc « son automne » dès mai-juin.
Il en va tout différemment des machines qui n’ont pas de tels liens avec l’espace et le temps : elles ont seulement besoin de carburant pour fonctionner, n’importe où et n’importe quand. Et même là il y a une différence : l’être vivant cherche activement son énergie alors que la machine a besoin qu’on la lui fournisse.
Une agriculture de vie prendra comme modèle l’organisme vivant en cherchant à cultiver et élever en un lieu donné plantes et animaux adaptés aux terres. Pour former un « organisme agricole » clos, une unité, le paysan cherchera à produire la plus grande partie de l’alimentation animale et de la fumure organique (d’origine vivante) du sol sur la ferme en limitant au maximum les intrants extérieurs (engrais, traitements, semences). Ainsi, le paysan travaillera avec son « pays », son terroir, ses plantes et ses animaux. Les aliments produits seront vraiment issus de ce terroir. Conçue d’une telle manière, l’agriculture vise à « individualiser » chaque terroir au maximum, à exprimer dans ses produits les “qualités du terroir” à l’inverse de l’agriculture industrielle qui cherche à produire le même produit en tout point du monde. Les amateurs de vin comprennent bien ce qu’est cette qualité de terroir, mais pourquoi ne pas la rechercher aussi dans tous les aliments ?
Nous touchons là un des points clés d’une production de terroir : les variétés de plantes et les races animales. Aujourd’hui, quelques grandes firmes proposent au paysan des variétés mondiales, testées avec force engrais et traitements, allant même jusqu’à des variétés génétiquement modifiées, fabriquées en laboratoires totalement hors du terroir (éventuellement à l’autre bout du monde) et hors du temps (à tout moment de l’année) et hors contexte social (le paysan n’a plus aucun rapport avec la production des semences ; l’agriculteur dépend totalement de ces firmes productrices de semences et du choix que font ces industriels qui lui fournissent aussi tous les produits de traitements).
Une agriculture de vie a besoin de toutes autres semences, des semences qui s’intègrent dans « l’organisme agricole » et puissent exprimer les qualités « individuelles » du terroir, de la région. Prôner uniquement l’utilisation des variétés anciennes ne suffit pas ; bien sûr, il y a là un héritage fantastique du passé (sait-on que les premières variétés de céréales cultivées datent de 7 à 8 000 ans avant Jésus-Christ) mais il faut poursuivre la sélection, la vie ne s’arrête pas ; on ne peut pas se contenter de conserver ces graines au froid. La vie des plantes cultivées tout particulièrement. Dès que l’homme ne s’en occupe plus, les variétés dégénèrent, les plantes cultivées retournent vers le type sauvage. Elles n’existent que grâce au travail constant des hommes.
Une sélection de semences dans ce sens cherche à produire des semences en lien avec les paysans, sur le terrain où elles sont utilisées ; au lieu de chercher des variétés standard, totalement homogènes, valables dans le monde entier, on cherche de variétés régionales gardant une certaine variabilité pour qu’elles puissent encore évoluer au cours des années.
Au lieu de soumettre la plante à nos désirs, voire caprices, on cherche à éveiller chez la plante des possibilités cachées qui ne demandent qu’à s’épanouir (c’est la même chose pour le pédagogue qui aide l’enfant à découvrir ses potentialités individuelles). Il y a encore beaucoup à faire en ce domaine. Par exemple, actuellement des sélectionneurs biodynamistes allemands travaillent sur des graminées sauvages pour créer de nouvelles espèces de céréales…
Et surtout, on cherche à sélectionner les semences en fonction de leur utilisation première : donner des aliments pour l’homme. On fait des tests et essais pour connaître la qualité nutritive des plantes, pas seulement du point de vue des composants ou du calibrage, de l’aspect technologique mais aussi des « forces de vie ». Un autre critère est la maturation : les êtres vivants ont deux phases de vie : croissance et maturation, pas les machines qui vieillissent seulement. On a constaté que des aliments qui ont le temps de mûrir sont en général bien meilleurs que des produits qui poussent rapidement et restent immatures.
Un certain nombre d’initiatives dans ce sens existent. Par ailleurs, chaque jardinier peut aussi rechercher les variétés locales et les cultiver, les multiplier, les échanger avec ses voisins et amis pour retrouver une plus grande diversité. Chaque fois qu’on introduit dans un jardin ou une ferme une nouvelle espèce de plante sauvage ou cultivée, on introduit dans l’organisme agricole des qualités et des possibilités nouvelles. On l’enrichit en le complexifiant. Pensez-y en faisant vos semis de printemps.
Cet article est tiré du Calendrier des semis 2004, édité par le Mouvement de Culture BioDynamique, site : www.bio-dynamie.org,
diffusé au Québec par :
l’Assocation de Biodynamie du Québec
600, montée Daniel,
Saint-Hubert (Québec) J3Y 5K2 tél. : (450) 653-9378
site : www.biodynamie.qc.ca
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