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- L'Histoire en feuilletons -

La Bataille des Plaines d’Abraham

La demi-heure qui a changé le monde
Guy Paquin
La prise de Québec, tableau de Hervey Smyth (1734-1811)

Chapitre 7 : le matin de la bataille

 Le général Wolfe se promène sur les Plaines

Dès que Montcalm donne l’ordre de monter aux Plaines, les Wendats alliés des Français courent au combat. Le général Wolfe les aperçoit et dit au capitaine de Laune : « Vous les voyez ? Toujours les premiers à pied d’œuvre. Ils m’ont considérablement ennuyé à Montmorency, mais aujourd’hui nous allons les tenir à distance. Placez-moi deux pièces à notre gauche. Les Wendats ont horreur des canons. Ça les tiendra à bonne distance. » De Laune fait virer son cheval et part donner des ordres.

James Wolfe regarde arriver les Français, bien ordonnés, régiment par régiment. Quand il pointe sa longue-vue vers sa droite, il découvre les trois canons de Montbeillard sur la Butte-à-Neveu. « Quoi, Monsieur Montbeillard, vous n’aimez pas l’artillerie que j’ai pointée de Samos vers Québec ? Il faudra pourtant vous y faire. » Et un duel d’artillerie commence. Il durera une bonne heure, jusqu’au début de l’engagement principal.

Le général James Wolfe, tableau attribué à Joseph Highmore

Ce matin, le général anglais ne souffre pas. Son arthrite le laisse en paix, il a toute sa tête et cela suffit à faire de lui un redoutable meneur. Aux aurores, il a parcouru le petit boisé, voisin de Samos, puis il a inspecté les Plaines. M. de Laune était avec lui. « Il n’y a pas un Français sur les Plaines. Pourtant, il y avait bien quelques hommes de la batterie de Samos qui ont réussi à se sauver et à donner l’alarme à Québec. C’est singulier. »

« Mon général, répond de Laune, il y aurait peut-être une explication au retard des troupes ennemies. » « Et laquelle, s’il vous plaît, capitaine ? » « Le facteur idiotie, Monsieur. » « Vous ne suggérez tout de même pas que M. de Vaudreuil, n’étant pas levé, ses hommes sont eux aussi encore au lit ? » « Je veux seulement suggérer que Vaudreuil est un parfait gentilhomme et, qu’étant notre hôte, il nous laisse déployer notre monde sans nous nuire aucunement. » « C’est un bien brave homme. » De Laune voit sur le visage de son général quelque chose de très rare : l’ombre d’un sourire.

Wolfe part inspecter son aile gauche et la trouve sous le feu des milices canadiennes et wendats. « Monckton, aller me chercher les francs-tireurs du quarante-septième, qu’ils nous chassent ses moustiques-là. Et placez-moi tout le quinzième là, au nord. Les tirailleurs canadiens vont avoir à qui parler. »

« Holland, d’après vous, devons-nous nous inquiéter de M. de Bougainville ? Il est derrière nous, au Cap-Rouge ou à Sillery, et il serait parfaitement capable de nous tomber dessus. Un homme comme lui n’a pas besoin d’ordres. Il entend le son du canon et accoure vers la mêlée. »

« Mon général, si M. de Bougainville faisait mine d’entrer dans la danse, j’ai 2000 hommes au Foulon, prêts à l’arrêter. Puis-je vous demander quand vous donnerez l’ordre de marcher sus aux Français ? »

« Qui vous parle d’attaquer ? Cela serait une erreur impardonnable. Montcalm va mettre ses miliciens canadiens à chaque bout de sa ligne. Au centre, ils ne valent rien. Donc, nous aurons les régiments réguliers au milieu : La Sarre, Languedoc, les Gascons du Béarn et de la Guyenne avec les préférés de M. de Montcalm, le Royal-Roussillon. » Wolfe tend sa longue-vue à Holland.

« Voyez-vous, Holland, tout ce monde-là s’entasse sur la Butte-à-Neveu. Nous n’allons pas les attaquer tant qu’ils sont sur les hauteurs. Il y aura donc une compétition de patience. Et là, nous avons un avantage tactique : Montcalm sait que nous avons au moins 2000 hommes sur les Plaines et 2000 autres en réserve. Et d’autres canons en réserve aussi. Il doit donc nous attaquer au plus tôt, avant que nous ne devenions trop nombreux pour lui. »

Un homme en kilt arrive et se met au garde-à-vous devant la monture de Wolfe. « Mon général, mes hommes sont fin prêts. Donnez l’ordre et nous découperons Royal-Roussillon en escalopes. » « Dites à vos Highlanders de garder leurs claymores au fourreau. Nous n’allons pas au-devant d’eux, M. MacDonald. Nous attendons qu’ils se ruent sur nous. Et là, je sais que je pourrai compter sur la vaillance de mes Écossais. » « Bien, général. »

Le capitaine Holland regarde Wolfe et se dit : « Que voilà un homme étrange ! Parfaitement insupportable au repos et presque joyeux devant l’ennemi. »

« Voyez-vous, Holland, les Plaines d’Abraham sont sillonnées d’ornières causées par la pluie. Certaines sont superficielles, d’autres profondes. Ces différences de terrains sont nos alliées. La charge des Français ne pourra pas être simultanée. Des régiments arriveront avant les autres. Nous n’aurons pas à recevoir une salve générale. Voilà pourquoi nous allons attendre cette charge désordonnée plutôt que de nous embourber dans les ravines des Plaines. Embourbés comme nous l’avons été à Montmorency. Même un âne ne se cogne pas la tête deux fois sur la même branche. »

« Ciel, se dit Holland, il vient d’avouer qu’il s’est trompé à Montmorency. I like our chances today ! »

Une vue de l’archevêché de Québec et des ruines autour, tels qu’on peut les voir en montant de la Basse-Ville, en 1759
Antoine Benoist (1721-1770).

 

 

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