Il y a quelques années, la municipalité de Frelighsburg, autrefois nommée Saint-Armand-Est, s’est retrouvée au cœur d’un litige juridique d’une grande importance historique. L’histoire débute en 1988 pour se conclure en 2004 devant la Cour suprême du Canada par un jugement final favorable à la municipalité.
Le litige oppose le conseil municipal à un promoteur privé qui, en 1988, achète de la municipalité un terrain de 1 500 acres comprenant le sommet du mont Pinacle, considéré comme l’espace le plus important de la localité aux plans politique, économique et social. À l’automne 1993, des militants conversationnistes prennent la majorité au conseil municipal et, estimant que la vente de cet espace inestimable au plan de l’environnement à protéger constituait une erreur stratégique, adoptent une modification au règlement de zonage municipal. Selon le promoteur, la modification a pour effet de bloquer le projet de développement qu’il a pour ce terrain, notamment un centre de ski alpin.
Le promoteur intente alors un procès à la municipalité ainsi qu’aux élus qui ont voté la modification litigieuse. Le juge Guy Arsenault de la Cour supérieure du Québec condamne la municipalité à payer au promoteur des dommages et intérêts de 330 500 $. Il estime que le conseil municipal a fait preuve de mauvaise foi administrative, mais il juge que les élus ne peuvent encourir de responsabilité personnelle puisqu’ils n’ont pas agi malicieusement.
Cette condamnation est par la suite cassée en Cour d’appel du Québec par la juge Louise Mailhot qui conclut que la municipalité avait le pouvoir de modifier son règlement de zonage, que ce pouvoir n’a pas été employé de façon illégitime et que les membres du conseil municipal n’étaient pas fermés aux idées du promoteur malgré le fait que plusieurs des élus avaient participé à la création d’organismes voués à la conservation du Mont Pinacle. Le libellé du jugement de la Cour d’appel précise que c’est, pour des élus municipaux, « une préoccupation plus que louable » que de vouloir conserver la montagne dans son état naturel.
La cause rebondit à la Cour suprême du Canada, où le juge Lebel rejette, en 2004, le pourvoi du promoteur qui est tenu de payer les frais de la Cour. La municipalité et ses élus sont définitivement blanchis et libérés de tout blâme et de toute charge financière relativement à cette affaire.
Cette aventure éprouvante qu’ont vécu nos voisins confirme le fait qu’un conseil municipal est souverain sur son territoire et qu’il a bel et bien le pouvoir de légiférer afin de protéger son patrimoine et les intérêts des citoyens qu’il représente.
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