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Éoliennes : compagnies ou communautés ?

Vers une gestion collective
Guy Paquin

Parc d’éoliennes du type CE 1,5 MW en milieu agricole  (Photo : gracieuseté du groupe SM International inc.)

Pour sortir de l’imbroglio et de la foire aux rumeurs où l’on se trouve devant le projet d’éoliennes à Stanbridge, n’aurait-il pas mieux valu qu’au lieu d’un promoteur privé ce soit la communauté elle-même qui prenne en charge le développement du parc de moulins à vent ?

« La MRC n’a certes pas d’objection de principe à un tel projet qui serait mené avec l’argent des citoyens, par et pour eux », répond sans ambages Robert Desmarais, directeur général de la M R C Brome-Missisquoi. « Mais gare aux risques. Je trouverais, dans les circonstances actuelles, téméraire une communauté qui risquerait les sous du public dans un parc éolien. »

Et qu’ont-elles, les circonstances actuelles ? « La rentabilité de la chose est très incertaine. Le promoteur, SM International, trouve que la capacité du vent à Stanbridge est juste à la limite du profitable.De plus, plusieurs questions restent sans réponse, questions fondamentales pour l’avenir de l’éolien. »  La question de la santé des résidents des alentours est la plus grave et sa réponse est encore introuvable.

Les opposants au projet soulignent quant à eux que leur qualité de vie sera gravement compromise. « Je ne veux pas vivre dans un centre-ville éolien », nous dira l’une. « Jamais on n’a bâti des éoliennes en plein milieu des gens. En France, les plus proches sont à 1 500 mètres des habitations et elles mesurent 80 mètres. Ici, nous sommes bien plus près et elles atteignent 139 mètres. À 40 décibels, nous pouvons dire adieu à notre tranquillité » résume André Forté, résident de Stanbridge.

Projets collectifs

Si Hydro Québec refuse d’entériner le modèle étatique de développement de l’éolien chez nous et d’être le promoteur des parcs, c’est carrément à cause des risques : éoliennes qui se détraquent 5 ans avant leur temps, vent insuffisant, gros problème à se raccorder au réseau d’Hydro, rentabilité fragile, tout cela c’est le casse-tête du promoteur, pas celui d’Hydro.

En dehors du modèle étatique il y a deux autres modèles de développement des parcs éoliens : celui où le privé domine et celui où c’est la communauté locale qui domine . Un texte de Mme Chakda Yorn décrit ces deux modèles. Il fut remis aux participants d’un colloque de Solidarité rurale sur les éoliennes tenu à Rimouski en octobre dernier. Nous allons nous concentrer sur le modèle communautaire, le moins connu des trois.

Selon le texte de Mme Yorn, la Loi 21 permet aux collectivités d’investir. Les municipalités ont les mêmes pouvoirs d’emprunt que la province. Elles peuvent prendre part à l’aventure éolienne sous diverses formes juridiques, notamment sous la forme d’une société en commandite. La formule de partenariat d’investissement avec les promoteurs privés est une avenue envisageable afin d’élever les retombées et de participer plus activement aux décisions. C’est une approche qui ressemble au modèle de type PPP. C’est le cas du projet dans Kamouraska avec Boralex comme entreprise privée partenaire. Ce serait aussi le cas du projet Yudinn des Cris de la Baie James.

Une autre avenue possible est un assemblage de partenaires locaux comme pour le projet de la SIDEM dans les environs d’Amqui qui regroupe les municipalités, les caisses Desjardins, le syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent, etc. La SIDEM a l’intention de participer au prochain appel d’offres à hauteur de 9 MW.

Toujours selon Mme Yorn, « le modèle communautaire fonctionne sous la prémisse que les petits projets gérés par et pour les gens locaux ont plus de retombées locales, un meilleur design d’endroit où situer les éoliennes, etc. De plus, dans un contexte où il y a un seul acheteur (Hydro-Québec) avec un prix fixé connu, quelle différence y a-t-il entre 10 projets de 9-10 MW et un grand projet de 900 MW ? Le territoire prend plus de sens que le modèle marchand puisque la filière éolienne devient un projet de territoire. »

Il va de soi que même un « petit » projet est une grande aventure, y compris financièrement. Il en coûte un bon million pour déterminer si tel emplacement est propice. Il ne suffit pas de mouiller le bout de son doigt et de l’exposer au vent. Et si l’ingénieur répond que non, il faut refaire d’autres tests ailleurs. Et ça ne fait que commencer.

« Le domaine éolien est encore dans son enfance », rappelle Robert Desmarais. « Il y a bien des zones d’ombre où on tâtonne sans avoir nécessairement ni tous les renseignements ni toute l’expérience souhaitables. Il me semble qu’il soit prudent d’attendre quelques années, le temps de sortir de l’ignorance et de l’inexpérience, avant que les petites communautés rurales se lancent dans l’aventure. En Gaspésie et sur la Côte Nord, où les vents sont forts et le problème de la proximité avec les domiciles n’existe pas, je ne dis pas. Mais ici et maintenant ? » La question est posée.

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