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- Portrait d'artistes -

Anne-Marie Dupont ou La fibre artistique

Paulette Vanier

« Je suis une touche-à-tout, me confie-t-elle d’emblée. » Une ramasse-tout également, je serais tentée de dire tandis que je parcours des yeux son atelier où déborde une foule d’objets hétéroclites, accumulés lors de ses promenades, reçus en cadeau, rapportés d’Europe : bouts de bois, morceaux de grillage rouillé, carton ondulé abîmé par les intempéries, plumes, écorces et petits tas de choses d’aspect douteux, difficilement identifiables. « Ça, c’est rien, poursuit-elle en me voyant passer en revue le matériel, j’ai rangé mon atelier aujourd’hui en vue de notre entretien. Je ne travaille bien que dans le chaos. »

Après avoir touché à la peinture, à la sculpture et à la gravure, Anne-Marie Dupont se découvre un intérêt tout particulier pour le papier fait main. Partir de la matière première – dans ce cas les fibres végétales – pour la transformer et créer. Elle a compris un jour qu’elle n’aimait pas peindre sur toile alors que le papier lui parle. Qu’à cela ne tienne, elle fabriquera le sien. Cette matière hautement plastique peut se sculpter, se façonner, se peindre, se cirer, voire devenir œuvre en trois dimensions. On peut en moduler l’épaisseur, la surface, la couleur, la texture, le travailler comme si c’était un textile, lui associer des fibres végétales ramassées au gré des balades, souvent matériaux jadis vivants dont la structure interne, les réseaux, le squelette sont révélés par des altérations dues aux intempéries, à l’usure, aux marques du temps.

On peut aussi simplement s’extasier – ce dont l’artiste, de son propre aveu, ne se prive pas de faire – devant une feuille de peuplier dont il ne reste plus que les fines nervures, véritable dentelle végétale dont on découvrira la structure par transparence, ou devant une feuille d’aloès enroulée en épine, burinée, estampillée, marbrée par les embruns salins et le sable de la plage où elle a échoué. Garder ces gemmes à portée de main, les accrocher au mur ou les déposer dans une coupe, pour le jour où il se trouvera une œuvre de papier pour les accueillir. Ou pas. « Je ramasse parce que ça me nourrit, me lance-t-elle, mais ça ne servira peut-être jamais. »

Pulpe de coton, d’abaca (espèce de bananier cultivé pour les fibres de son pseudo-tronc), de kozo (écorce interne d’une espèce de mûrier) sont ses matières de prédilection car leurs propriétés papetières sont connues et leurs réactions prévisibles, mais diverses expériences avec des plantes telle l’ortie, l’asclépiade et bien d’autres encore sont au programme. Elle file aussi le papier pour en faire des fils qui, ensuite, seront assemblés, tissés, noués ou crochetés. Un cache-nez en fil de papier tricoté, ça vous dirait ?

Arrivée au Québec à 22 ans avec, en poche, son diplôme d’enseignante dûment délivré par la Sorbonne, Anne-Marie Dupont enseignera tout près de 35 ans à l’élémentaire et au secondaire d’abord l’anglais, puis le français. En parallèle à son travail, elle poursuit sa recherche artistique et s’inscrira à tout ce qui se donne comme cours et ateliers au Québec et ailleurs, associant stages et voyages en France, en Espagne, en Suisse, en Turquie, au Maroc. Quand elle n’explore pas une technique en particulier, elle court les musées, s’intéresse à toutes les formes d’artisanat ancestral et jubile quand elle peut mettre la main sur de vieux papiers recouverts d’une écriture à moitié effacée par le temps. Futurs palimpsestes.

Les bases en art, elle ira les chercher à l’Université Bishop, à l’Université de Sherbrooke, à l’Université Concordia et au Centre des arts Saidye Bronfman, puis s’ensuivront divers apprentissages lui permettant de cerner de plus près cet art de la fibre qui la fascine tant : filage de papier japonais au Centre des arts visuels et au Centre des textiles contemporains, tous deux à Montréal, teinture végétale éco-print avec Bérénice Mollet, France, et Marie-Christine Nadeau, Montréal, création papier avec Aidée Bernard, France, papier d’ortie avec Viviane Fontaine, Suisse, papier 3 D avec Carole Baillargeon, Deschambault, broderie sur papier au Centre d’artistes Zocalo, Longueuil, etc. Cours en peinture aussi et en gravure afin d’exprimer avec plus de justesse ce qui cherche à se définir en elle, souvent par le truchement de ses rêves. Car elle carbure à l’intuition, elle est tout sauf conceptuelle. Ce sont ses mains et la matière, assure-t-elle, qui la conduisent à l’œuvre. Métamorphose, matérialité, fragilité, effacement et mémoire sont les thèmes qui s’imposent constamment à elle.

Donc, cours de peinture de fresques à la chaux au Conservatoire des ocres, Roussillon, France, d’assemblage avec Brigite Normandin, Sutton, de dessin et de peinture avec modèle vivant, France, de peinture grand format avec D. Sarrazin, Montréal, de peinture avec Jacques Clément, Coaticook, Francine Labelle, Saint-Didace, Seymour Segal, Montréal, de transfert d’images au Centre des arts visuels de Montréal, de peinture à l’encaustique, Palmarolle, de peinture et de gravure avec Bernice Sorge, Dunham, etc. En parcourant la liste des noms de tous ces artistes qu’elle a côtoyés et de toutes ces disciplines qu’elle a explorées, on prend la mesure de ce besoin inextinguible de pénétrer des secrets qui semblent se dérober à elle. En fait, elle le dit, il s’agit de se rapprocher au plus près d’elle-même, d’aller vers ce qui lui ressemble le plus, mais qui ne se révèle qu’à force d’explorations.

N’eut été de son curriculum vitae, qu’elle m’a fait parvenir, je serais passée à côté de ses nombreuses présentations publiques tellement elle se fait discrète en la matière. Des expositions solos à la galerie de la bibliothèque de Bromont, à Boréart (Granby), à la galerie Léon Art de Saint-Léon, au centre communautaire de loisirs de Côte des Neiges, à la bibliothèque de Dunham, au musée Bruck de Cowansville, chez Brigite Normandin à Sutton. Des duos aussi avec Françoise Lamothe. Puis, des collectives à la galerie Art plus de Sutton, à la galerie Art Sutton, à la galerie Espace Blanc de Bromont, à la galerie Cœur Nomade de Frelighsburg, au centre d’exposition de Repentigny, à la Maison du pays de Terrebonne, au marché Bonsecours de Montréal, aux ateliers Synapse, France, et aux Nouveaux ateliers d’arts de Montréal. La toute dernière, en février-mars, à Arts Sutton en compagnie d’Estelle Bernard*. Elle participe également au Boulevard des arts, ce jeune circuit artistique qui en sera à sa troisième édition cet automne.

Tout récemment, elle s’est tournée vers la sculpture, comme en témoigne la photo de cette belle pièce de bois, donnée par un ami, qu’elle a sablée, polie, et fait monter sur un pied de métal.

Sur le pas de la porte, elle me confie comme si elle venait tout juste d’en prendre conscience : « Je suis une artiste depuis que je suis née, finalement. »

On peut la joindre au 450-204 9343 ou à l’adresse bourges1949@gmail.com

*Voir l’article que nous avons publié dans ces pages sur Estelle Bernard :
https://journalstarmand.com/estelle-bernard-va-son-chemin/

 

 

 

 

 

 

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