Jean-Marie Beaudet, l’homme orchestre

L’auteure, Josée Beaudet

Comme le dit si bien Edgar Fruitier, qui signe la préface de l’ouvrage Jean-Marie Beaudet, l’homme orchestre, la vie de Jean-Marie Beaudet représente un grand pan de notre histoire culturelle. L’homme est l’un de ces remarquables oubliés de la première moitié du vingtième siècle, qui a pourtant joué un rôle majeur dans l’essor de la musique classique au Québec. Écrit plus de quarante ans après la mort du musicien, ce récit biographique retrace avec précision toutes les étapes de son parcours professionnel. C’est le fruit des recherches rigoureuses et documentées qu’à menées Josée Beaudet de Pigeon Hill, la nièce de l’artiste

De sa jeunesse à ses nombreux emplois dans le domaine culturel en passant par ses divers allers-retours de l’autre côté de l’Atlantique, la vie de Jean-Marie Beaudet est à l’image de la culture du Québec de son époque.

Elle s’inspire grandement de l’effervescence européenne avant de s’affirmer plus largement. Jean- Marie Beaudet a été l’un des rares Québécois ayant la possibilité à l’époque de se rendre à plusieurs reprises sur le vieux continent. Il importe de rappeler que, malgré le drame répété des deux grandes guerres, l’influence artistique de l’Europe n’a pas cessé de rayonner sur le monde et sur le Québec.

Refus global, Révolution tranquille, la vie de Jean-Marie Beaudet se déroule alors que l’histoire sociale du Québec pointe vers la revendication d’une identité propre et l’autodétermination. Bien sûr, ce mouvement collectif prend son élan dans le monde des arts. D’où le fait que Josée Beaudet mette en parallèle, de manière magnifique d’ailleurs, l’éveil culturel de notre pays et l’affirmation aussi personnelle que collective d’une grande passion pour la musique. Fasciné par le raffinement culturel des Européens et indéfectible ambassadeur de la culture du Québec, Jean-Marie Beaudet a grandement participé au déploiement et à la démocratisation de la musique classique dans notre province. Étant à la fois un musicien de grand talent et un « fonctionnaire- malgré-lui » (il travaillait alors pour Radio-Canada) il s’est toujours dévoué au nom de la musique.

À la recherche des traces de son oncle, Josée Beaudet soutire au passé quelques événements, quelques paroles, quelques indices qui risquaient de glisser tranquillement vers l’oubli. Elle admet elle-même d’emblée que bien des éléments lui ont échappé. Ainsi, malgré ce travail de mémoire exemplaire, elle avance qu’elle a surtout voulu « pallier à certains manques d’information » sur la vie personnelle et professionnelle de son oncle, histoire de reconstituer, de se réapproprier « le héros de mon enfance ». Pour ce faire, elle a, bien sûr, recours à la fiction. Encore une fois, c’est l’imagination qui agit comme mortier pour tenir le passé en un seul morceau. On retrouve donc dans cet ouvrage biographique plusieurs Fictions et quelques Rêves, tous clairement identifiés, qui complètent et enrichissent les sections documentaires de la vie de l’homme. C’est donc afin d’incarner davantage le personnage qu’elle fait revivre que Josée Beaudet brosse quelques tableaux imaginaires qui ponctuent son texte à la manière de « photographies littéraires ». Habilement intégrées au texte, ces Fictions, nous rappellent la charge émotive fondamentale – mais souvent laissée pour compte – qui accompagne le passé. Biographie originale – surtout pour les passionnés de l’histoire culturelle – qui admet que l’inventivité est nécessaire pour nous approprier notre propre histoire.

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