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- Société -

DPJ, écoutes-tu quand on te parle ?

Pierre Lefrançois

Avril 2019 : une fillette de Granby meurt des suites des mauvais traitements administrés par son père et sa belle-mère, alors que le cas avait fait l’objet d’un signalement à la direction de la protection de la jeunesse (DPJ). En mai, le premier-ministre François Legault demande la démission du directeur de la DPJ-Estrie et crée la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, qu’il confie à madame Régine Laurent en lui demandant d’analyser la situation et de faire les recommandations qui s’imposent. En août, madame Johanne Fleurant est nommée directrice de la DPJ-Estrie et reçoit la mission de redresser la situation.

Régine Laurent

Début décembre, la commissaire Régine Laurent s’impatiente : « Les intervenants et intervenantes [de la DPJ] vivent sous une chape de plomb qu’on appelle l’omerta » explique-t-elle. En pleine séance de la Commission, elle lance ces mots à Lyne Jobin, sous-ministre adjointe du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) : « J’ai besoin que vous me disiez comment vous allez exercer un leadership qui fait que les PDG, les gestionnaires de proximité vont arrêter cette omerta et permettre aux intervenants et intervenantes de venir [témoigner devant la Commission]. »

En janvier 2020, la nouvelle directrice de la DPJ, Johanne Fleurant, invite tous les intervenants sociaux-communautaires de la région à participer à un exercice de « partage et d’échange » sur les orientations du chantier de la direction de la protection de la jeunesse et de la direction du programme jeunesse afin de mieux protéger les enfants et de faire en sorte que la protection de la jeunesse soit l’affaire de tous. Serait-ce la fin de l’omerta ?

Après avoir téléphoné à six reprises à divers intervenants se renvoyant mutuellement la balle, notre journaliste bénévole, Alain Marillac, a fini par obtenir une entrevue avec madame Johanne Fleurant. Cependant, à la dernière minute, le jour même de l’entrevue, il reçoit un courriel lui annonçant que celle-ci est annulée et qu’il devra poser ses questions par écrit. Ce qu’il fait. On lui répond en le dirigeant vers deux documents en ligne censés donner les réponses à toutes ses questions. Ce qui n’est évidemment pas le cas.

Nous aurions aimé annoncer que les choses ont changé à la DPJ, mais ça ne semble malheureusement pas être le cas. La loi du silence, l’omerta, persiste. On refuse de répondre aux questions. La DPJ est un parent absent.

On a toutes les raisons de croire qu’une telle attitude de la part des gestionnaires de ce service public contribue à son triste échec en matière de protection des enfants vulnérables.

Le 5 mars dernier, au moment d’écrire ces lignes, le gouvernement Legault mettait la DPJ-Estrie sous tutelle. C’était inévitable.

Quelques jours plus tard, la COVID-19 nous tombait dessus. Faute d’entrevue avec la directrice de la DPJ, notre journaliste bénévole, thérapeute de son métier, s’autorise, dans l’article qui suit, à exprimer ses inquiétudes, lesquelles sont on ne peut plus légitimes.

Un rapport très attendu cet automne

Régine Laurent promet de remettre ses recommandations au plus tard en novembre 2020, même si la pandémie a quelque peu bousculé les travaux ces derniers mois. « On a tout de même poursuivi notre travail et on pourra rendre notre rapport et formuler nos recommandations cet automne comme prévu » a-t-elle annoncé.

Fin mai, au moment de clore les audiences publiques de la commission, la commissaire a proposé un bilan provisoire bien senti : « Je ne pense pas qu’on puisse aller plus bas dans la non-réponse à des familles … On parle de morts d’enfants. Ce n’est pas possible ! »

Créée il y a 40 ans, la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) gagnerait à être rénovée. La Loi qui présidait à sa création « a été imaginée comme une législation d’exception » explique madame Laurent. Elle ne devait servir que dans des cas graves de négligence ou d’abus, afin de protéger les enfants. Une sorte de service d’urgence visant à prendre la relève de parents incapables d’assumer correctement leur tâche. Mais, au fil des réformes et des compressions des dernières années, la DPJ est devenue la porte d’entrée d’une gamme de services destinés à aider les enfants et les familles, et qui n’existent plus dans le système actuel.

Les audiences publiques tenues depuis l’automne dernier ont montré que le maigre financement des organismes communautaires et des CLSC offrant des services de prévention et d’accompagnement en milieu familial, de même que l’absence de politiques sociales visant à soutenir le logement pour les familles à faible revenu et à combattre la pauvreté, ont entraîné une hausse du nombre de signalements à la DPJ ainsi que des débordements qui ont causé des délais d’attente inacceptables pour une organisation sensée offrir un service d’urgence. En bref, les services de première ligne aux familles ayant été coupés sous la réforme Barette-Couillard, la DPJ est débordée et ne peut plus répondre à la demande.

 

 

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