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- Chronique littéraire d'Armandie -

À LA RECHERCHE DU RÉEL AVEC JEF ASNONG

Christian Guay-Poliquin

 -Un recueil de poésie ?

Qu’essé tu veux qu’je fasse ’ec ça ?

Le lire ?

– Pourquoi pas ?

Plusieurs répondront parce que. Parce que la poésie ce n’est pas leur truc, parce que ça ne leur parle pas, en tous cas pas vraiment. C’est comme ça.

S’il fut un temps où les poètes étaient les « phares de la société » ou, de façon plus modeste, s’il fut une époque où la poésie avait le pouvoir d’ébranler les consciences, rappelons néanmoins que les railleries et la méfiance à l’égard des artisans du verbe ne datent pas d’hier. Ainsi, Platon dans La République bannissait les poètes de la Cité en accusant ces derniers de valoriser l’illusion plus que la connaissance. Toutefois, en écartant ainsi les poètes, il leur conférait malgré lui un pouvoir bien particulier, celui de captiver, d’émouvoir et de remuer un auditoire grâce à la libre utilisation du langage.

2300 ans plus tard, la poésie persiste, insiste et résiste encore. Des épopées de la Grèce antique au slam d’aujourd’hui, en passant par les troubadours du Moyen-Âge et les poètes maudits du 19e siècle, elle fait partie de l’histoire. Comment est-ce possible ? Peut-être simplement que cette forme d’art, par sa grande économie de moyens, est celle qui se transforme sans cesser d’être elle-même. C’est-à-dire qu’elle ne cesse de nommer les différents présents qui se succèdent, de produire des images inédites qui marquent notre imaginaire et, plus encore, notre mémoire collective.

Au fond, la poésie est cette parole qui donne à voir de l’inédit, de l’impensé, du surprenant, là où on ne l’attendait pas. Elle cherche à fissurer la banalité des jours et des gestes répétés machinalement. Par exemple, lorsque Homère parle « des doigts roses de l’aube », ou lorsque Baudelaire écrit que « le soleil a noirci la flamme des bougies » ou encore quand Richard Desjardins dit « un quarante once de lumière a coulé sur le petit jour », on comprend bien que c’est le matin, mais il s’agit de trois matins différents. Le détail. C’est peut-être ça, entre autres, la poésie. Le détail. C’est un regard précis sur les choses, à ce moment-là, de cette façon-là, pour cette raison là. C’est du réel mis en évidence, au-delà des usages stricts de la langue et de la communication. Et c’est surtout, quand on tombe sur des images qui nous rejoignent, quelque chose de palpable, de concret. Quelque chose de très près de la vie.

Bien sûr, il y a plusieurs styles et tendances poétiques. De nombreuses époques aussi. On s’y perd facilement. Mais, dans l’ensemble, on recherche, comme le dit si bien Mathieu Arsenault, une poésie qui « enrichit l’expérience de l’immédiat d’un ensemble de petites perceptions qui appartiennent à ce réel foisonnant et chaotique ». Ces petites perceptions, poursuit-il énergiquement, « que même la tabarnaque de grosse LG 77, 4K Ultra HD 3D Curved OLED Smart TV, en vente chez Future Shop cette semaine, n’arrive pas à capter. »

Jef Asnong, débarqué à Pike- River en 1957, abonde dans le même sens. La poésie part du coeur et s’adresse au coeur. Il insiste, la poésie appartient au monde, elle sert à nommer cette part du réel qui nous échappe, parfois parce qu’on passe trop vite, parfois parce qu’on n’y pense pas. Elle sert à donner du relief aux choses, à pointer certains silences, à dénoncer aussi. C’est d’ailleurs autour de ces trois motifs qu’est construit son dernier recueil, Du désir et du souffle coupé, paru en 2014 :

Afin de rendre hommage à son mentor de Frelishburg, le dramaturge Guy Dufresne, Jef Asnong a baptisé la maison d’éditions qu’il a mis sur pied La Soleillée, une expression attribuée notamment à Monsieur Dufresne et qui signifie « une brève apparition du soleil par temps couvert ». Une autre façon de nommer le travail poétique souligne-t-il, car il reste tant de choses à dire. Et si la poésie échappe aux usages habituels du monde c’est, selon le poète, justement parce qu’elle remet la question du « sens » au centre de notre attention.

Du désir et du souffle coupé

À côté de ses livres sur l’histoire de Pike River et de la région (il en a publié 5), Jef Asnong présentait, en décembre 2014, son quatrième recueil de poèmes. Il s’agit d’une sélection de 52 poèmes divers où l’on reconnaît les thèmes de l’amour, de l’amitié, de l’enfance, de la beauté. Les poètes, selon l’auteur, ont un rôle social important d’éveilleurs et de témoins. En témoignent plusieurs poèmes engagés où sont abordés les thèmes de la justice, de l’économie (l’auteur est économiste de formation), de l’itinérance, du respect des femmes. L’illustration de la couverture est une oeuvre de l’aquarelliste Pierre Tougas, artiste reconnu dont les ancêtres furent de Pike River et de Bedford. Du désir et du souffle coupé, éditions La Soleillée, est en vente entre autres dans les librairies de Saint- Jean-sur-Richelieu.

Pour informations, consultez le site internet http://pages.videotron.com/asnong/

Adresse courriel : asnongjef@videotron.ca

Vol12no6_juin_juillet_2015_38s’il n’y a pas de limites
à l’accumulation
des fortunes

il ne saurait y avoir
de bornes à la pauvreté
à la déchéance

Les fortunes sont taillées
dans le bien sacré
des dépossédés

  • Autre

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