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- Immigrants d'ici -

Vladyslava et Yuxuan

Deux jeunes Ukrainiens réfugiés à Saint-Armand
Nathalia Guerrero Vélez

Le 28 avril 2022, Vladyslava et Yuxuan Li débarquaient à Montréal après avoir fui les bombes et les missiles russes qui frappaient Kharkiv, ville tristement célèbre pour avoir été la cible des attaques russes lors de l’offensive du Nord-Est de l’Ukraine. Depuis deux semaines, ils sont installés à Saint-Armand, chez Jean-Pierre Poulin, « heureux apprenti-jardinier » comme il se décrit lui-même, qui a offert de les héberger.

Mariée depuis un an avec Yuxuan Li, qui est d’origine chinoise, Vladyslava travaillait comme gestionnaire des ressources humaines pour une entreprise de transport de Kharkiv quand la guerre a éclaté. C’était le 24 février, jour sinistre s’il en est où l’existence des jeunes époux ainsi que celle de tous les Ukrainiens a basculé.

« La nuit du 23 au 24 février, Yuxuan m’a réveillée et m’a dit que la guerre avait commencé, confie la jeune femme de 21 ans. Nous avons entendu les bombes et les missiles tomber, je n’en croyais pas mes yeux, personne n’a vu cette invasion venir, on ne s’y attendait pas. Même si des milliers de soldats russes s’étaient amassés de l’autre côté de la frontière, nous ne croyions pas qu’ils attaqueraient un pays aussi pacifique que le nôtre. »

Ce jour fatidique, Yuxuan et Vladyslava Li ont rassemblé à la hâte quelques papiers et vêtements, et ont fui vers l’ouest du pays en compagnie d’un autre couple. Le trajet a été particulièrement long et pénible, des milliers d’autres Ukrainiens ayant également pris la route. « Nous avons suivi des véhicules qui prenaient des chemins de terre car les routes principales étaient bloquées, explique Vladyslava. Nous sommes restés quelques jours à Khmelnitski, jusqu’à ce que quelqu’un nous aide pour prendre le train qui partait pour la Pologne. Ma famille n’a pas voulu quitter le pays. Mon père, comme tous les hommes de plus de 16 ans, a dû devenir combattant. Ma mère et mon frère de 11 ans sont partis se réfugier dans le village de campagne de mon grand-père, où j’ai passé mes étés d’enfance. »

Le train était tellement bondé qu’on avait presque du mal à respirer. Femmes et enfants de tous âges fuyaient le pays envahi par les Russes. « Quand le train passait par une ville ou un village, les gens étaient si désespérés de voir qu’il n’y avait pas de place pour eux qu’ils jetaient leurs enfants à l’intérieur par les fenêtres dans l’espoir qu’eux au moins puissent fuir. » Le voyage a été éprouvant. Ils laissaient tout derrière eux, sans savoir ce qui les attendrait dans un proche futur. « Beaucoup pensaient qu’on allait mourir, on ne sentait même plus la faim, ces moments ont été terribles », évoque avec tristesse Vladyslava.

À la frontière polonaise, les autorités ont d’abord refusé de laisser passer Yuxuan du fait qu’il ne possédait pas la citoyenneté ukrainienne. Heureusement, il a pu démontrer qu’il avait le statut de résident et qu’il était officiellement marié avec Vladyslava. En Pologne, des bénévoles les attendaient avec de l’eau et de la nourriture. « On était vraiment surpris d’être si bien accueillis. Partout, il y avait des drapeaux en appui à l’Ukraine », ajoute celle qui fait remarquer qu’elle parle le russe avec sa famille et que, à Kharkiv, la paix régnait entre tous et qu’il n’y avait aucune discrimination envers les Russes.

Arrivés à Varsovie ils seront hébergés par une famille polonaise, comme des centaines de milliers d’autres réfugiés. Ils décident alors de se rendre en France, espérant que leurs chances de trouver du travail et un endroit où se loger seront meilleures. « C’est affreux, tu n’as rien et tu ne sais pas où aller, confie Vladyslava, qui parle au moins une fois par jour avec sa famille. J’appelle mes amis et ma famille tous les jours. Il est essentiel pour moi de savoir qu’ils sont en sécurité. »

À Paris, on les héberge dans un centre pour réfugiés, puis à l’hôtel, gracieuseté du gouvernement français, qui leur offre également des bons pour acheter nourriture et vêtements. Puis, un jour, ils apprennent que le gouvernement canadien a mis sur pied un programme d’aide aux réfugiés ukrainiens. « Nous nous sommes aussitôt inscrits en ligne », explique Yuxuan qui, dans une autre vie, travaillait comme assistant administratif à Shijiazhuang, sa ville natale. C’est d’ailleurs là qu’il a fait la connaissance de Vladyslava, qui s’était rendue en Chine dans le but d’y étudier le mandarin.

Arrivés finalement à Montréal, ils découvrent l’existence d’un site web créé dans le but d’aider les réfugiés ukrainiens à se loger (urkainetakeshelter.com). Comme par miracle, ils tombent sur l’annonce de Jean-Pierre Poulin, qui offrait justement sa maison à une famille ukrainienne dans le besoin. « Je trouvais que la situation là-bas était inacceptable et j’étais persuadé que ma maison pouvait aider une famille. J’ai un réseau d’amis dans la région qui vont pouvoir les aider, ils peuvent commencer à travailler quand ils veulent », explique celui qui est résident de Saint-Armand depuis sept ans.

« Nous ne nous attendions pas à avoir autant d’aide. Jean-Pierre fait beaucoup pour nous et de voir que le monde entier soutient l’Ukraine me touche profondément. Mais c’est tellement injuste que nous ayons été attaqués et obligés de fuir ! » s’indigne Vladyslava.

Aujourd’hui, le jeune couple se prépare à passer une soirée chez des amis de Jean-Pierre. Vladyslava va préparer un plat traditionnel ukrainien, le deruny, composé de galettes de pomme de terre. « Nous ne savons pas encore ce que nous allons faire, conclue-t-elle. Tout ce que nous avons, c’est l’un et l’autre, et nos valises. Mais j’aime beaucoup la tranquillité d’ici. »

 

 

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