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- Environnement -

L’oseraie riveraine pour dépolluer le lac Champlain, une utopie ?

Paulette Vanier

Imaginez la chose suivante : depuis un petit avion qui survole la région du bassin versant de la baie Missisquoi, vous apercevez, le long de tous les cours d’eau qui le traversent, de larges bandes riveraines sur lesquelles poussent des tiges rouges, jaunes, vertes ou pourpres qui tranchent sur la blancheur hivernale du paysage. Ce sont les pousses annuelles de diverses espèces de saule qui, l’été venu, s’occuperont de filtrer et de métaboliser les engrais et pesticides en provenance des champs avant qu’ils n’aillent polluer les cours d’eau et, en dernière instance, la baie et le lac. Elles veilleront aussi à freiner l’érosion de leurs rives, contribuant davantage encore à réduire la pollution diffuse.

Chaque année, les tiges de saule sont récoltées sur les souches, puis mises à sécher quelques mois avant d’être transformées par des mains habiles en objets de toute nature : paniers, sacs à main, mobilier, paravents, décorations murales, sculptures, etc. Une partie de la récolte sera écorcée pour produire de l’osier blanc qui servira aux mêmes fins. Tandis que ce travail artisanal est mis en œuvre, l’oseraie continue, de son côté, de produire des tiges aux vertus dépolluantes et ce, pendant une quinzaine ou une vingtaine d’années.

L’idée a germé il y a quelques années : planter du saule-osier le long des ruisseaux et rivières du bassin versant de la baie Missisquoi afin de réduire la charge de phosphore et, à un moindre degré, d’azote, qui se retrouve dans les cours d’eau et au bout du compte, dans le lac Champlain. On le sait désormais, le phosphore, qui est responsable des éclosions de cyanobactéries dans le lac, et l’azote, qui alimente ces bactéries, proviennent pour l’essentiel des grandes cultures de maïs et de soya qui occupent les terres du bassin versant. Malheureusement, affirmer cela continue de choquer, comme si on accusait les producteurs de produire ! Ce n’est pourtant pas le cas. Peut-on simplement reconnaître qu’il y a là un problème, lequel problème une fois nommé et identifié ne peut que mener à des solutions ?

Les résultats de nombreuses études menées par des chercheurs universitaires, dont Michel Labrecque, directeur scientifique du jardin botanique de Montréal et professeur à l’Université de Montréal, indiquent que la plantation de saules en bordure des cours d’eau peut contribuer à réduire considérablement la pollution causée par les engrais, voire même par les pesticides, tout en limitant l’érosion de leurs rives.

Les chercheurs reconnaissent en outre que la bande riveraine de 3 mètres, désormais obligatoire au Québec, ne suffit pas à prévenir la pollution des cours d’eau et l’érosion de leurs rives. D’où le fait que le MAPAQ autorise désormais des bandes riveraines de 15 mètres et contribue au financement des plantations d’arbres, arbustes et espèces herbacées aux agriculteurs qui en font la demande.

Cependant, comme le diront les agriculteurs, qui savent aussi bien compter que quiconque, le financement des plantations ne compensera pas les pertes encourues année après année par l’absence de production « payante » sur cette partie de leurs terres. Il faudrait donc que la bande riveraine leur rapporte quelque argent.

Qu’à cela ne tienne : ils pourront vendre leur osier à l’entreprise dont la mission consiste à le transformer en objets utilitaires ou décoratifs et ainsi rentabiliser ce bout de terre tout en ayant le sentiment de contribuer à dépolluer la baie plutôt qu’à la polluer. Ou encore, ils loueront ces parcelles de terre à ceux qui se chargeront d’exploiter l’oseraie. La formule la plus intéressante pour tous reste à déterminer.

Utopie ? Oui, dans ce sens qu’il faudra convaincre et vaincre les craintes associées à tout ce qui est nouveau. Non, dans ce sens que nous disposons de tous les outils nécessaires à la réalisation d’un projet d’une telle envergure. Il faut en attacher toutes les ficelles bien sûr, ce qui ne va pas de soi, mais l’important, c’est de savoir que c’est possible.

La beauté d’une telle solution, c’est qu’elle est exportable partout où le saule peut pousser, essentiellement dans tout l’hémisphère nord quoique ce soit aussi possible dans l’hémisphère sud. Étant donné qu’il existe de 300 à 400 espèces de saule de par le monde et encore plus de cultivars, il y a peu d’endroits où l’on ne puisse implanter une variété indigène ou une autre afin qu’elle joue son rôle de dépollution des cours d’eau.

Que vous soyez agriculteur, jardinier amateur, amoureux de la nature ou simplement curieux, vous serez peut-être intéressé à en savoir davantage sur ce projet novateur. L’organisme à but non lucratif L’Oseraie riveraine, qui a pour mission de le promouvoir et de l’implanter, compte organiser prochainement une séance d’information et de discussion. Si la chose vous intéresse, faites-le nous savoir par courriel : loseriveobnl@gmail.com, ou par téléphone :  (450) 248-7251.

Consulter aussi ces autres articles à ce sujet, parus dans Le Saint-Armand :

Bandes riveraines, Pierre Lefrançois, paru en avril-mai 2015

BANDES RIVERAINES

La bande riveraine, c’est payant ! Paulette Vanier, paru en Avril-mai 2018

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