Crédit : Jean-Pierre Fourez
L’armée de lobbyistes de Bell Canada est très active auprès de nos élus, de même que dans les officines des fonctionnaires de l’État. Cela porte fruits. Alors qu’on commence à prendre la mesure de la capacité de nuire de Bell et de ses stratégies aberrantes visant à retarder le plus longtemps possible le déploiement de la fibre optique dans les régions rurales (voir notre dossier en pages 18), monsieur Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie et de l’Innovation dans le gouvernement Legault, pense que seules de grandes entreprises comme Bell peuvent fournir de bons services de télécommunication. Il ne s’en cache même plus : le 24 juillet dernier, il déclarait ce qui suit à Ariane Krol, journaliste à La Presse* :
« Je peux vous dire qu’il n’y aura plus aucune société OBNL qui va être créée pour offrir les services de télécoms. Je ne crois pas à ce modèle-là. (…) Je vais soutenir les OBNL existantes, on n’a pas le choix parce qu’il faut couvrir le Québec, c’est ma mission. Mais vous allez voir dans 10 ans, la technologie avance tellement rapidement que les petites opérations OBNL ne peuvent pas suivre l’évolution technologique à un coût qui va être approprié. (…) Je pense qu’il faut absolument travailler avec les télécommunicateurs (sic). »
Vous vous trompez Monsieur le Ministre : dans cette affaire, les OBNL sont innovatrices alors que Bell et ses semblables ont fait la preuve de leur incompétence et de leur mauvaise foi.
La fibre optique est incontestablement la technologie la plus évoluée et la plus efficace en matière de connexion Internet. C’est le cas depuis au moins vingt ans. Et, contrairement à ce que laisse entendre le ministre, ce le sera encore durant de longues décennies. Les grandes firmes de télécom proposent plutôt d’autres solutions pour brancher les régions : le câble, une technologie du siècle dernier, la DSL, dont les performances laissent à désirer compte tenu des réseaux passablement désuets dans nos campagnes ou encore, le cellulaire avec la toute nouvelle 5G qui nécessite l’installation d’une multitude d’émetteurs-récepteurs sur les poteaux de téléphone ; bonjour la pollution électromagnétique et la multiplication exponentielle des possibilités de pannes ! Sans compter que, aux tarifs que pratiquent les télécoms au Canada, le service est carrément hors de prix pour la majorité des citoyens ordinaires et des petites et moyennes entreprises.
La vérité, c’est qu’IHR Télécom, l’OBNL qui déploie la fibre optique dans Brome-Missisquoi grâce à un important apport de fonds publics, doit composer avec l’obstruction systématique de Bell à qui appartiennent les poteaux sur lesquels il faut déployer la fibre. Or, nous avons récemment appris que la très grande majorité des subventions que le gouvernement Legault a annoncées dans le cadre du programme Régions branchées en mai dernier ont été accordées à des fournisseurs privés tels que Bell, Telus, Vidéotron, Cogeco ou Sogetel. IHR Télécom avait bien soumissionné sur trois de ces mandats dans la MRC du Haut-Richelieu, son territoire d’origine depuis plusieurs années, mais c’est Bell qui les a obtenus.
Monsieur le Ministre, vous venez de confier la clé de la bergerie au loup ! Et c’est nous qui payerons la note.
* https://www.lapresse.ca/actualites/2020-07-25/internet-haute-vitesse-la-guerre-des-poteaux.php