Émile Coderre
Moi, j’ai pas fait un cours classique ;
j’été rien qu’à l’école du rang.
Ça fait qu’c’est ça qui vous explique
que j’pass’ pour être un ignorant.
Mais à l’écol’ d’l’expérience,
j’ai r’çu mon diplôme à coups d’pied
où c’est qu’l’instruction puis la science
rentr’nt jamais sans nous estropier.
Ça fait qu quand y’en a qui parolent
contr’ nos grand’s universités,
nos collèg’s puis nos p’tit’s écoles,
j’os’ rien dir’ ; j’suis pas fûté.
Seul’ment, avant de mettr’ la faute
sur les maîtr’s, les prêtr’s puis les Sœurs,
faudrait ben se d’mander, nous autes,
quels élèv’s qu’ont les professeurs.
Pensons, avant de j’ter la pierre,
à tous ceux qui doiv’nt se saigner
en travaillant à p’tit salaire
pour se dévouer à enseigner.
Si l’z’enfants qu’on envoie instruire
sont des vrais cruch’s et des nonos,
les professeurs ont beau s’détruire,
y’en f’ront jamais des Papineau…
Quand un’ bonn’ poul’ couv’ des œufs d’dinde,
— mêm’ la meilleur’ d’votr’ poulailler, —
faut pas la blâmer ni vous plaindre
qu’ça soit des dind’s que vous ayez !
Émile Coderre
Tiré du livre J’parle tout seul quand Jean Narrache, Éditions de l’Homme, Montréal, 1961 (précédemment publié en 1932 sous le titre Quand j’parl’tout seul)