Amielle Doyon-Gilbert
Ah celle là… c’est un vent, une tornade, un ouragan. Pas facile de la décrire ; je ressors toujours décoiffée de mes rencontres avec elle.
Je la découvre à peine. La vie avare l’a mise sur mon chemin à petites gouttes, afin de préserver le mystère.
Mon premier souvenir d’Amielle Doyon-Gilbert
J’avais onze ans, on jouait au baseball, elle pour Frelighsburg, moi pour Saint-Armand, seules filles parmi les gars. J’ai pas pu m’empêcher de me dire, en la regardant de l’autre bord du terrain : celle-là, c’est sûr qu’elle « rock ». Plus tard, nous voilà sur les bancs d’école au cégep de Saint-Jean, toutes deux étudiantes en arts plastiques. Elle n’avait jamais froid aux yeux. C’est intimidant ce genre de femme.
C’est qu’elle avait déjà pas mal de vécu… à 20 ans. Faut être « couillue » pour partir de la maison à 15 ans. Ciao, bye Frelighsburg, famille et amis, je pars finir mon secondaire à l’école Face de Montréal. Faut bien que la bête exulte. Photo, théâtre, danse, musique, exaltant sans bon sens la « grand ville ».
Après, ça se corse, enfilez vos chaussures, prêts pour le parcours ?
Prenez une grande respiration...
À 17 ans, elle achète un billet pour LA et atterris à LV (Las Vegas). Maudite dyslexie ! Ne vous inquiétez pas, on va se rendre pareil. Elle pose son hamac dans un « truck » de la poste, devient gérante de boutique de linge à Santa Monica, part au Mexique sur le pouce, se déguise en G.O mexicaine de danse traditionnelle dans les tout-inclus. Pur entrainement militaire, c’est bon pour la santé, restons donc un an ! Elle revient, joue de la basse pour Capitaine Révolte et tourne et tourne jusqu’au Costa Rica. Elle crache du feu, enfile des échasses, fonde une école à Montréal – Le Clou de Girafe – est animatrice auprès d’enfants, des tonnes d’enfants, coud des costumes et encore des costumes, fabrique des accessoires pour les boites de production Nu Film et Aviva.
Une soudure ? On a toujours besoin d’une soudure, c’est tannant à la fin ! Et hop, retour à l’école, la voilà soudeuse depuis janvier 2011.
Essoufflés ? Pas Amielle !
So…Back to California. Elle monte une « shoppe » en palettes, avec bar et mobilier de patio en silencieux. Exotique !
Let’s call it the Frenchy bar. Après tout, c’est plate de souder toute seule ! L’année passe, puis elle prend la direction du Sud. Destination : les Caraïbes. Elle transforme un voilier en restobar- spectacle, avec sirènes en prime.
La trentaine se pointe le bout du nez. Déjà ? La nomade cherche ses racines, vaut mieux trouver une « shoppe » aux fondations solides. Stanbridge East tombe pile poil.
Son père lui a passé la première commande : un oiseau de jardin. Depuis, des oiseaux, elle en voit partout. Et pas n’importe lesquels. C’est qu’ils ont de la gueule. Si vous désirez observer un de ces spécimens rares, il y a un grand héron qui trône devant la Boutique Oneka, dans le village de Frelighsburg. Il se tient bien droit celuilà. D’autres ont l’air maladroit et sont cernés ; voila bien les boulons rouillés les plus expressifs qu’il m’ait été donné d’observer !
Avis aux vieux fermiers… sans offense ! Vous cherchez à faire revivre vos plus belles pièces de ferraille ? Elle est dévouée « La Miel », elle les ressuscitera de ses doigts huileux. Engrenages, ball joint et autres pièces trippatives auront une nouvelle carrière : équerrés, avec pour fardeau une enseigne de commerce, ou cordés en rang d’oignon dans un portail massif accueillant les visiteurs. Et s’ils charment « La Miel » au point de lui faire couler une larme de métal, peut-être joindront-ils le groupe qui formera le prochain grand bec. Gardez l’oeil ouvert sur la prochaine volée !
Trêve de poésie, si Amielle était une fleur, elle serait la colorée dans le fossé, celle qui pue, qui pique et qui donne vie à un bouquet comme pas une…