M. Gélineau est assis, le deuxième à partir de la gauche (Photo :Archives Denise Gelineau)
Près de deux ans après le lancement du livre Bedford raconté, de l’auteur Philippe Fournier, en 2001, je recevais un appel téléphonique de M. Albert Gélineau, qui m’invitait à le rencontrer. Un privilège s’offrait alors à moi. Malgré ses 93 ans (né le 8 février 1910), M. Gélineau fait alors partie des légendes vivantes de la politique municipale et régionale. Il fut maire de Saint-Armand de 1955 à 1965.
Il est à remarquer que M. Gélineau possède une mémoire remarquable à son âge avancé, pouvant vous citer par cœur des noms et des dates de jadis. Impressionnant le monsieur. Voici, près de cinq ans plus tard, un résumé des choses que M. Gélineau m’a racontées à son appartement de Bedford.
M. Gélineau est demeuré 75 ans à Saint-Armand. II fut douanier durant 35 années : 34 ans à Morses Lines et une année à Saint-Armand (Philipsburg). C’était à l’époque où le train passait encore par là.
L’ex-maire est du genre tendre et sage comme un philosophe dans l’âme. Sa passion pour les affaires municipales provenait de son paternel qui avait consacré 3 5 années au conseil municipal de Saint-Armand, dont un mandat à la mairie en 1935. En 1938, le père meurt des suites d’une pneumonie, après avoir été traité pendant une semaine par le Dr Draper de Bedford. M. Gélineau me confirme le passage et la conférence contre la conscription de l’ex-maire de Montréal, M. Camilien Houde, à la salle Victoria (en haut du Restaurant l’Interlude de Bedford) vers 1938-1940. Ce dernier fut arrêté et emprisonné pendant quelques années par la suite. Un film relatant la vie de ce personnage illustre de l’histoire du Québec serait en préparation. M. Houde s’opposait à la participation des Québécois francophones à une guerre impliquant l’Angleterre…
À ce moment, le principe de l’alternance au poste de maire est de rigueur entre les anglophones et les francophones. L’élection du maire revient tous les deux ans. M. Gélineau saute dans l’arène politique municipale comme conseiller en 1953, sollicité par un groupe de citoyens. Il est élu par acclamation comme maire en 1955. Son prédécesseur (anglophone) ayant 78 ans, il est bientôt propulsé à la mairie.
Le conseil municipal compte alors six conseillers, dont trois anglophones qui insistent pour qu’on abandonne le principe de l’alternance, ce qui a pour effet de maintenir M. Gélineau au poste de maire pour une décennie. À son assermentation, M. Gélineau, dont l’allégeance au Parti libéral était connue, déclara qu’il ne serait ni libéral, ni conservateur (Union nationale), ni créditiste mais seulement MAIRE de Saint-Armand et digne représentant de ses commettants.
Comme je l’ai déjà souligné, M. Gélineau avait une mémoire remarquable. Rapidement, il me cite les noms d’ex-premiers ministres du Québec : Duplessis, Paul Sauvé (décédé trop tôt), Barrette, Lesage, Johnson, et enfin celui qui allait devenir un ami intime du libéral Gélineau : nul autre que Jean-Jacques Bertrand, appartenant pourtant à l’Union nationale. M. Gélineau souligne la grande deintégrité M. Bertrand qui plaçait les besoins de la population au-dessus de la petite partisannerie. Et ainsi, la route 235 reliant Morses Lines à Bedford fut pavée et les 17 milles de routes de terre du territoire de Saint-Armand furent grandement restaurés. À cause du principe de l’alternance, il y avait selon lui beaucoup de rattrapage à faire. Rapidement, les villages environnants jalousent Saint-Armand.
M. Bertrand lui avait été présenté par feu M. Jean-Marc Duchesneau, ex-maire de Frelighsburg. Il fut tellement impressionné par M. Jean-Jacques Bertrand qu’il lui accorderait une note de 10 sur 10 et cela, en considérant les autres députés qu’il a connus. Il a même connu mon arrière-grand-père Théodore Montagne, autrefois président du Parti conservateur de Missisquoi.
À cette époque de l’histoire rurale québécoise, si on voulait obtenir quelque chose sur le plan municipal, il fallait aller le chercher… Ce que fit dignement M. Gélineau, puisqu’il fut aussi élu préfet du conseil du comté de Missisquoi de 1961 à 1964 (aujourd’hui la MRC). Le secrétaire-trésorier était feu Me Yves Fortin de Bedford, pour de nombreuses années.
M. Gélineau, recevez mes hommages posthumes et pardonnez mon retard à vous raconter. Merci et reposez en paix, vous l’avez grandement mérité.
* M. Albert Gélineau est décédé le 25 février 2005.