Il y a un peu plus d’un an, les maires des municipalités riveraines du lac Champlain (Venise-en-Québec, Clarenceville, Noyan, Bedford et Saint-Armand) rencontraient les candidats de Brome-Missisquoi à l’élection fédérale de 2015 pour les inciter à prendre au sérieux la problématique des algues bleu-vert dans les plans d’eau de la région. Au préalable, les maires avaient fait circuler la pétition À mort le phosphore !, qui a récolté plus de 3000 signatures, témoignant de l’importance de cet enjeu pour les habitants de la région.
Tel que nous l’évoquions dans nos pages l’automne dernier, les municipalités du bassin versant de la baie Missisquoi et les organismes environnementaux concernés ont besoin d’un financement stable pour mettre en branle des projets pilotes prometteurs et ainsi assurer l’avenir des solutions les plus viables.
De son côté, notre nouveau député fédéral, Denis Paradis, s’est activé cet été pour trouver, comme il le martelait durant sa campagne, « une solution choc ». « Assez d’études, assez de rapports, répétait-il, il faut agir et il faut agir maintenant. » Et, nous en conviendrons tous, l’heure est à l’action. Quatre saisons après son élection, voyons où en sont les démarches de Monsieur Paradis dans ce dossier.
Appel d’offres pour un traitement choc
D’abord, Denis Paradis espérait une action concertée de la Commission mixte internationale (CMI), instance canado-américaine dont l’objectif est de régir l’utilisation des eaux communes et d’enquêter sur les problèmes transfrontaliers en vue de recommander des solutions. Cependant, la CMI priorise la prévention des inondations plutôt que l’enjeu des cyanobactéries. En attendant, que le ministre des affaires étrangères, Stéphane Dion, fasse pression en vue de recommander la modification du mandat de la CMI (basé sur un traité qui date de 1909), il fallait donc trouver d’autres modes d’action.
Alors que le gouvernement Trudeau a accordé un financement de près de 20 millions de dollars afin d’améliorer l’état des lacs transfrontaliers, Monsieur Paradis et les maires des municipalités riveraines du lac Champlain ont fondé le groupe Actions Lac Champlain. L’objectif premier de cet organisme à but non lucratif est donc de faire pression sur la Commission Mixte Internationale dans le but d’employer de manière effective les 7,5 millions qui ont été assignés au lac Champlain et à la rivière Richelieu.
Le groupe a donc émis un appel d’offres pour évaluer différents procédés visant à éliminer ou réduire considérablement la présence des algues bleu-vert dans le lac Champlain. Les solutions proposées proviennent toutes d’entreprises privées québécoises. On a notamment proposé des interventions consistant à injecter dans l’eau du lac des courants électriques (électrolyse), des ultrasons ou des micro-organismes (lutte biologique). Suivant le plan du groupe, la meilleure solution sera retenue et soumise à la CMI.
Dans l’ensemble de ces cas, l’objectif est d’obtenir un résultat dans un délai relativement court. Il s’agit d’éliminer une grande part des algues bleu-vert présentes dans la baie Missisquoi. Par contre, on peut penser qu’il pourrait-être difficile d’obtenir rapidement toutes les autorisations nécessaires pour procéder à une intervention d’une telle ampleur dans un plan d’eau comme le lac Champlain. Les processus administratifs des ministères de l’environnement du Québec et du Canada, on s’en doute, sont complexes et peuvent se prolonger longuement. À ce sujet, du côté d’Actions Lac Champlain, on assure néanmoins que toutes les ressources seront mobilisées pour accélérer les démarches politiques afin que des actions concrètes puissent être posées rapidement. « On a la responsabilité que l’eau de nos lacs et rivières soit propre » affirmait Monsieur Denis Paradis, ce printemps.
Les maires de cinq municipalités riveraines du lac Champlain (Jacques Landry de Venise-en-Québec, Yves Lévesque de Bedford, Renée Rouleau de Saint-George-de-Clarenceville, Réal Pelletier de Saint-Armand et Réal Ryan de Noyan), ainsi que le député fédéral de Brome-Missisquoi, Denis Paradis, ont récemment créé le groupe Actions Lac Champlain qui s’engage à entreprendre les actions nécessaires afin d’assainir l’eau du lac.
De l’enthousiasme et des doutes
Certes, la mise en branle d’actions concrètes dans ce dossier réjouit les riverains et les habitants de la région. Tout le monde considère que l’inaction devant cette situation a déjà trop duré. Par contre quelques interrogations persistent. D’abord, au sujet de ladite « solution miracle » qui serait choisie pour régler le problème. L’histoire nous a appris qu’il n’y a rien comme le principe de précaution pour éviter des répercussions imprévues. Or, il y a eu à ce jour peu d’exemples de tels traitements de choc menés à grande échelle dans la nature. On sait relativement peu de choses sur les impacts environnementaux liés à un traitement de choc sur un écosystème aquatique d’une superficie d’environ 7 200 hectares.
Ensuite, un étrange silence persiste au sujet de l’agriculture. On parle sans cesse du lac Champlain, mais on oublie vite que le véritable problème se trouve d’abord dans ses affluents. Rappelons à ce titre que la prolifération des algues bleu-vert dans le lac est due à la présence dans ses affluents d’une quantité disproportionnée de phosphore. Les chiffres des spécialistes sont clairs et connus depuis longtemps : la plus importante source de phosphore dans le bassin versant de la baie Missisquoi est associée à l’activité agricole. Chercherait-on à atténuer les symptômes d’un problème sans en considérer la cause ? Pourtant Monsieur Pierre Paradis, ministre québécois de l’agriculture, disait lui-même dans une entrevue accordée à notre journal : « Il y a d’abord les mesures d’atténuation, c’est-à-dire des choses comme l’implantation de bandes riveraines et d’avaloirs sur les terres agricoles sensibles. Nous entendons continuer à promouvoir activement l’adoption de telles mesures auprès des agriculteurs. Mais je sais bien qu’il faut aussi nous attaquer à la réduction à la source, c’est-à-dire qu’il faut transformer progressivement nos modes de production agricole de manière à ce qu’ils soient de moins en moins polluants. » Il est clair qu’on ne change pas nos méthodes agricoles du jour au lendemain. Cela demande du temps et des compensations pour les agriculteurs. Mais ne pas prendre en considération cet élément de l’équation dans la mise en branle de projets structurants pour assainir nos eaux semble une grave omission.
Enfin, serait-on en train d’exclure de ce processus le principal concerné, l’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) ? Soulignons que, depuis le début des années 2000, l’OBVBM s’est donné le mandat d’améliorer la qualité des eaux du bassin versant de la baie Missisquoi afin que la population puisse recouvrer les usages du lac et qu’on puisse mettre en valeur ses ressources dans une perspective de développement durable. Ainsi, l’OBVBM est dépositaire d’un savoir, d’une expertise et d’un registre de solutions dont aucune initiative contre les cyanobactéries ne peut se priver si elle escompte obtenir des résultats dignes de ce nom.
En somme, il est clair que la volonté de Monsieur Paradis et du groupe Actions Lac Champlain marque un point tournant positif dans la lutte contre les algues bleu-vert de la baie. Cependant, il semble important qu’une intervention de cet ordre vienne d’une action concertée. C’est seulement en coordonnant les différentes approches et en finançant adéquatement les solutions durables (qui règlent le problème à la source) que nous pourrons éventuellement profiter à nouveau de cette étendue d’eau magnifique et, par conséquent, dynamiser davantage notre région.
C’est à suivre, dans le prochain numéro, en février 2017.
Les maires de cinq municipalités riveraines du lac Champlain (Jacques Landry de Venise-en-Québec, Yves Lévesque de Bedford, Renée Rouleau de Saint-George-de-Clarenceville, Réal Pelletier de Saint-Armand et Réal Ryan de Noyan), ainsi que le député fédéral de Brome-Missisquoi, Denis Paradis, ont récemment créé le groupe Actions Lac Champlain qui s’engage à entreprendre les actions nécessaires afin d’assainir l’eau du lac.