Comme je suis thérapeute, les circonstances m’obligent parfois à signaler un jeune à la DPJ. Quand je vois cette institution dans l’eau chaude depuis quelques mois, cela attire mon attention. Le Mémoire de la Commission Laurent, qui paraissait voici un mois, formulait une évidence :
… nos choix de société en faveur des familles ne suffisent pas à alléger les pressions de plus en plus complexes qui s’exercent dans notre parcours de vie (travail, stress, toxicomanie, monoparentalité, violence, exclusion…) et qui font que la vulnérabilité des enfants progresse malgré une amélioration du niveau de vie général de la population….
La COVID-19 s’est ajoutée au contexte, réduisant les signalements. Moins d’encadrement et d’intervenants, moins de témoins pour dénoncer les dérapages. Pour mémoire, Shawinigan, fin février, un père de 39 ans ébouillante la main de son bébé. Et voilà que résonnent les questions Où t’es, où t’es où, papaoutai ? de l’artiste belge Stromae (voir l’encadré). T’es où dans ta tête papa ?
Parmi les cas de négligence ou de risque de négligence soulevés par la DPJ, un petit nombre retient particulièrement mon attention, soit ces jeunes parents, éduqués mais atteints d’un mal nouveau : ils sont branchés, en relation avec le monde, capables de faire des recherches sur Internet et de trouver des réponses, mais certains usent de ces outils pour « disparaître ». Exit le combo « gifle et fessée », bonjour « le désert parental ». Le confinement comme paradis de l’échappatoire.
Certains jeunes ont des souffrances nouvelles dont le « mutisme sélectif » d’âge scolaire, le surmenage à la japonaise ou l’absence de communication entre les parents ou entre eux et les enfants, souvent due au fait que les parents consacrent davantage de temps à des jeux vidéo ou à d’autres activités numériques qu’à s’occuper de leur progéniture. Pas de violence, pas d’agression, des jeunes qui vont à l’école et ont de quoi manger, mais dont la parole est tarie par le manque d’échange.
Le CIUSSS de l’Estrie estime que le gouvernement doit « déployer tous les efforts requis pour atteindre la cible de 80 % des enfants entrant à l’école sans présenter aucune vulnérabilité dans leur développement. Et, de façon générale, adopter… un plan d’action national et des plans d’action régionaux. »
Génial, mais ces parents incapables de présence n’apparaissent nulle part, ni leurs enfants. Où sont ces jeunes abandonnés du bien-être, ces nouveaux parents, accros de l’ailleurs, branchés sur des enfants virtuels réduits au silence. Pas de coups, juste de l’absence. Pas de foyer d’accueil pour ceux-là. Un confinement parfait !
Avec ce qui se brasse en ce moment. Je souhaite pour mes confrères et moi une approche innovante, qui aide les parents à mieux protéger leurs enfants des souffrances morales autant que physiques.
Pour visionner la vidéo de Papaoutai :