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- COVID-19 et son impact -

Rentrée scolaire sous le signe de l’anxiété et de l’épuisement

Cahier Covid – Éducation
Guy Paquin

La rentrée scolaire a eu lieu au centre de services scolaires Val-des-Cerfs (CSSVDC), ce qui, compte tenu des circonstances, est déjà tout un exploit. Surtout quand on découvre que la COVID s’est déjà invitée en classe. Le 26 octobre trois classes étaient fermées à cause de la contagion, une au secondaire et deux au primaire. On a renvoyé les élèves chez eux pour dix jours et les trois profs enseignent à distance avec des outils informatiques.

Cet isolement des élèves a été imposé par la santé publique. Val-des-Cerfs avait préparé la réaction et, selon Alina Laverrière, présidente du syndicat de l’enseignement de la Haute-Yamaska, ça fonctionne. « On peut affirmer que dans ces trois cas, les choses sont sous contrôle », explique-t-elle.

Mais il y a un prix exorbitant à payer. Vivre dans une école, c’est aller à l’encontre de ce que recommandent quotidiennement Messieurs Legault et Harruda, soit de s’isoler le plus possible. On a parlé de bulles-classes, mais la fermeture des trois classes montre qu’il y a parfois des trous dans la bulle.

 Télétravail

Dès le début de la rentrée en septembre, Val-des-Cerfs a interdit aux profs de travailler depuis leur domicile, ne serait-ce que quelques heures par semaine. « Nous le demandions pourtant, insiste Alina Laverrière. Sur les 32 heures de travail, il y en a certainement au moins 5 qui peuvent se faire en téléréunions, avec la direction, les collègues ou les parents. Mais la direction ne voulait rien savoir. »

Or, le 25 octobre, volte-face. Éric Racine, directeur de Val-des-Cerfs, envoie une lettre aux employés du CSSVDC pour leur signifier que le télétravail sera désormais une possibilité, à certaines conditions. M. Racine explique qu’il avait d’abord décidé de ne permettre le télétravail que quand la région passerait au rouge, mais qu’il est revenu sur cette décision.

Sa lettre s’accompagne d’une directive très détaillée quant aux conditions auxquelles les employés, enseignants ou professionnels, doivent se soumettre pour accéder à quelques heures de télétravail par semaine. En voici les principales :

  • Le télétravail tel que décrit dans la directive n’est permis que durant la pandémie et seulement si la région est classée zone orange ou rouge.
  • Au cas où la direction constaterait le manque de productivité des employés en télétravail, elle peut abolir ce dernier qui n’est pas un droit mais un privilège.
  • Le télétravail à temps plein n’est possible que si la santé publique l’exige.
  • La direction de l’établissement décide qui a accès au télétravail et comment. Le principe de l’égalité de tous/toutes dans ce cas est rejeté.
  • Val-des-Cerfs peut fournir le matériel et les logiciels requis, mais si ces outils ne sont pas disponibles, on revient travailler comme d’habitude.

 Pénurie de personnel

Il y a un mois, Éric Racine affirmait que le CSSVDC vivait une situation de rareté de personnel, mais pas une pénurie. Depuis, une de ses subalternes a confié à une déléguée syndicale qu’il y avait bel et bien pénurie. Le contraire aurait été étonnant quand on sait que le 21 septembre, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, lançait un appel au secours.

Le ministre a en effet reconnu que, à cette date, il manquait 117 enseignants à temps plein dans le réseau québécois. Le 22, le ministère en appelait aux retraités de l’enseignement pour combler tous ces postes et le 5 octobre, il instituait une plate-forme de recrutement pour trouver au plus vite des surveillants à l’école et des éducateurs en service de garde.

Manque, rareté ou pénurie, peu importe. Le corps enseignant en arrache et le contexte de négociations syndicales-patronales ajoute au climat d’incertitude générale. L’entente précédente est échue depuis le mois de mars 2020. Il n’y a donc pas de nouvelle entente en vigueur. Des propositions syndicales ont été déposées le 29 octobre 2019 et, depuis, on en discute.

Heureusement, depuis le 10 septembre 2020, douze rencontres ont eu lieu entre le ministère et la partie syndicale. Cette dernière réclame, entre autres choses, que la rémunération des enseignants soit égale à la moyenne canadienne. Elle demande aussi que tout le travail personnel (préparation de cours, correction de travaux etc.) puisse se faire entièrement au choix du prof, soit à l’école soit à la maison.

Et au cégep ?

La vie des profs de cégep ne semble pas beaucoup plus rose que celle des enseignants/tes des niveaux primaire ou secondaire. Un sondage de leur fédération syndicale réalisé entre le 21 septembre et le 12 octobre l’illustre clairement.

Les trois quarts des profs de cégep affirment passer plus de temps que normalement à produire leur plan de cours. « C’est beaucoup plus lourd parce que nous avons dû, pour beaucoup, jeter notre plan habituel à la poubelle pour adapter notre enseignement à la situation COVID, explique Guertin Tremblay, prof de géographie au cégep Marie-Victorin. Il a fallu tout revoir pour proposer un téléenseignement adapté. »

Le sondage montre que l’encadrement des étudiants prend aussi beaucoup plus de temps que normalement. Idem pour la préparation et la surveillance des évaluations. D’autres questions et leurs réponses indiquent que la moitié des profs de cégep vit une détresse de modérée à sérieuse.

Le 23 octobre 2020, Danielle McCann, ministre de l’enseignement supérieur, recevait une lettre collective de la part des profs de cégep dans laquelle on lui demandant de l’aide. Quelle sorte d’aide ? On veut plus de ressources enseignantes supplémentaires dans les cégeps. On dit qu’on manque de profs. On ne dit pas si on est en situation de manque, de rareté ou de pénurie. Ces nuances sémantiques sont ignorées. La lettre demande que l’appel soit entendu et que la ministre agisse « pendant qu’il est encore temps. »

La COVID agit comme un révélateur. Dans le réseau de l’enseignement comme dans le système de soins de santé, les gros bobos deviennent des plaies vives.