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RELÈVE AGRICOLE : DES SOLUTIONS

Guy Paquin

Guy Paquin

Dans le précédent numéro de votre journal, nous faisions l’énumération des obstacles que la relève agricole doit surmonter pour s’installer à la ferme. Le dossier a pu sembler déprimant à d’aucuns et de nature à décourager les jeunes désireux de se lancer dans la production agricole. Pourtant, à la fin de notre article, nous promettions une suite qui présenterait des solutions aux problèmes de la relève agricole. Voici donc de quoi se remettre le moral au beau temps.

Les apparentés

Comme, selon le Conseil des entrepreneurs agricoles du Québec (CEA), 70 % des ventes de terres se font entre apparentés, force est de constater qu’il y a là passation des pouvoirs vers la relève. Tant mieux. Pourtant, gare au fisc. Acquérir la ferme familiale veut dire faire un important gain de capital, et là, le grand méchant loup fiscal vous attend à la fin de l’année.

Mais il y a une façon de remettre les clés de sa ferme à sa fille ou à son garçon qui lui évite de se faire croquer tout rond comme le Petit chaperon rouge. « Celui ou celle qui veut céder la ferme familiale à la jeune génération devrait, plusieurs années avant, créer une société par actions, explique Jacques Cartier, président du CEAQ. Cette société devient propriétaire de la ferme au complet : terre, bâtiments, équipement, quotas etc. On cède ensuite graduellement des actions à ses enfants. La cession de capital se faisant entre apparentés, on a affaire-là à un roulement hors taxes. »

Se former

Pour les non apparentés qui veulent faire de la production agricole et qui n’ont aucune idée de ce qu’est la vie sur une ferme, M. Cartier a ce conseil, presque cette obligation : « Dotez-vous d’une solide formation académique. Apprenez la gestion de la terre, l’entretien de la machinerie et de l’équipement, la mise en marché, l’écologie agricole etc. Vous allez gérer une entreprise fondée sur le vivant. Or une entreprise lancée par des ignorants ou des naïfs, ça fait faillite. »

On trouve dans divers cégeps des programmes qui enseignent tout cela. Mais un bémol, cependant : « Mon souvenir de ma formation au cégep est qu’elle était très incomplète, confie Yoana Gariépy, des Jardins de Tessa, à Frelighsburg. » Magasinez votre formation et comparez.

Trouver une terre

Diplôme en main, on se met à chercher la terre promise, à vendre ou à louer. Pourquoi ne pas commencer par rendre visite à Leslie Carbonneau ? Mme Carbonneau est responsable de la banque de terres de Brome-Missisquoi.

« Depuis mai 2012, nous avons accompagné avec succès 21 acheteurs ou locataires, sur les 85 projets que nous avons examinés.  Et la moitié de ceux qui viennent chez-nous appartiennent précisément à la relève non apparentée, tandis que 30 % proviennent d’apparentés incapables d’hériter. Le reste, ce sont des projets de seconde carrière et de jeunes producteurs qui se cherchent des partenaires. »

Mme Carbonneau souligne que ces jumelages, en plus de procurer une terre à l’acheteur ou au locataire, permettent la transmission des précieuses connaissances du vendeur ou du locateur, une sorte de mentorat pratique qui complète une formation académique.

Et les quotas ?

Si on ne veut pas faire dans le maraîcher, la céréale ou la chèvre, faut acheter des quotas. Ils sont rares, donc très chers. L’Union paysanne suggère un moyen de franchir cet obstacle. « Pour faire du fromage, faut 10 vaches ou moins, calcule Benoît Girouard, président de cette organisation. Pour 10 vaches, nous suggérons l’émission d’un quota gratuit et pour moins de 10, pas de quota du tout. » Voilà donc une politique à amender.

« Avec deux ou trois laitières de bonne race, un fromager a tout ce qu’il lui faut, confirme Maude-Hélène Desrochers, copropriétaire de La Grelinette. Il faudra absolument en arriver à ouvrir la question du hors quota ou du quota gratuit. En tant que membre de la Coopérative pour l’Agriculture de proximité écologique, je souhaite ardemment des rencontres et des discussions avec l’UPA sur la question des quotas. »

L’Union Paysanne évalue que, en mettant 50 litres de lait quotidiennement sous quota gratuit, le Québec verrait la création de 1000 nouvelles fermes laitières. De quoi placer à la ferme cette partie de la relève qui ne veut faire ni dans la céréale ni dans le maraîcher. On obtiendrait des résultats semblables avec la volaille.

Fractionnement des lots

Pour acheter une terre, à l’heure actuelle, il faut acheter par lots complets. La loi québécoise interdit le fractionnement de ces lots. Ce qui fait qu’on peut répugner à s’établir. « Acheter un ou des lots complets convient pour faire de la grande culture comme le foin, le maïs, le chanvre, etc., qui nécessitent de 50 à 100 acres, précise Leslie Carbonneau. Mais dans le fruitier, on peut gagner sa vie avec 10 à 20 acres. Le maraîcher nourrit son monde avec 2 à 5 acres. Et pour l’apiculteur, un terrain de tennis suffira ! »

Comment s’établir si on ne veut pas de vastes surfaces ? « Il faut en venir au fractionnement des lots, si la vente se fait avec obligation de maintenir la vocation agricole du lot fractionné, propose le président d’Union Paysanne. » C’est une politique qu’appuie Québec Solidaire.

Comme on le voit, il reste quelques obstacles à franchir, mais la terre promise n’est pas une utopie pour la relève.