Parfois, quand je m’applique à bien nettoyer le pot de confiture pour l’envoyer au recyclage, je me demande si, comme dans la publicité de RecycQuébec, mon petit pot de verre va devenir de la laine minérale qui isolera des maisons. Idem pour le pot de yogourt : sera-t-il transformé en abribus ? Car voyez-vous j’ai mes doutes… Les résultats d’une étude récente indiquent qu’environ le quart de ce qu’on récupère est réellement réutilisé, du fait que, semble-t-il, nous n’aurions pas la capacité de tout traiter. Chaque année, dans le monde, on jetterait aux ordures près de 100 000 tonnes d’aliments propres à la consommation. Ce qui représente environ le tiers de la production alimentaire mondiale. D’où l’arrivée d’une nouvelle mode alimentaire que certains qualifient de « déchétalisme ». Après le végétarisme, le végétalisme et divers autres « ismes », voilà qu’une partie de l’humanité se penche sur le contenu des poubelles pour en extraire ce qu’on a en trop et qu’on gaspille allègrement. Comme le disait un de ces adeptes, « Il n’y a pas de pauvreté ici, c’est la richesse qui est mal distribuée », avant de replonger tête première dans l’un de ces conteneurs qui recueillent notre trop-plein.
Il fut un temps où ma fille et moi nous amusions à un jeu complètement absurde, qui consistait, dans un laps de temps déterminé, à trouver au Dollarama l’objet le plus laid, le plus quétaine ou le plus inutile qui soit. Combien de fois, nous sommes nous bidonnés, de retour dans l’auto, en exhibant nos horribles trouvailles ! Mais aujourd’hui, la rigolade est finie. Pas parce que ma fille, son chat et son chum habitent maintenant dans l’Ouest, quoi que,… mais parce que Mitt Romney, le candidat républicain dans la course à la présidence des États-Unis, doit une partie de sa fortune personnelle – qui se chiffrerait entre 190 et 250 millions de dollars – à Dollarama. De 1984 à 1999, Mitt Romney a fondé et dirigé Bain Capital, l’une des plus grandes firmes d’investissement privé au monde. Son modus operandi consistait à acquérir à bas prix et surtout, à crédit, une entreprise en difficulté, à en orchestrer la restructuration, ce qui menait parfois à des pertes d’emplois, puis à la revendre à profit. Au cours de la dernière décennie, Bain Capital a fait deux investissements au Québec : elle détient toujours 50%de Bombardier Produits récréatifs (BRP) et vient de faire un profit d’environ 550 millions en vendant sa participation de 80 % dans Dollarama. Il s’agit d’un profit de 69 % sur l’investissement initial d’environ 800 millions qui date de 2004. Avec Bain comme propriétaire majoritaire, Dollarama est passée de 374 à 680 magasins et de 8500 à 14 000 employés au Canada*. Donc sans le savoir, avec mes niaiseries, j’ai involontairement enrichi un homme déjà trop riche, qui plus est, un homme de droite qui souhaite gouverner le pays le plus puissant du monde.
Savez-vous ce que sont devenus les affreux objets que je collectionnais avec ma fille ? Ils ont fini dans le bac à recyclage et j’espère qu’on en a fait des bancs publics permettant aux Indignés d’Occupons Montréal ou d’Occupons Québec d’y attacher leurs abris de fortune.
Bonne lecture
* La Presse Affaires, 11 janvier 2012