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Prolongement de l’autoroute

Premier d’une série de trois articles
Guy Paquin

Les pourquoi, les comment

Le Ministère des Transports a l’intention de prolonger l’autoroute 35 de Iberville jusqu’à la frontière, c’est-à-dire jusqu’à Saint-Armand. Le Bureau des audiences publiques a tenu des rencontres fin 2005 dans la région et à cette occasion le débat sur la pertinence du projet s’est trouvé relancé. Il nous a donc semblé utile d’examiner le projet dans son ensemble, ce que nous faisons dans le présent article.

Viendront ensuite, dans les prochains numéros, d’autres textes présentant divers points de vues d’experts, d’élus et de citoyens.

Pourquoi le prolongement

Dans divers documents préparés par des experts (documents tous accessibles aux citoyens au bureau municipal de Saint-Armand), le Ministère des Transports rend publiques ses raisons de prolonger la 35 jusqu’au Vermont. On rappelle tout d’abord la nécessité d’avoir les meilleurs axes routiers vers la Nouvelle-Angleterre, cible la plus importante pour les exportations de biens québécois.

Or, d’après une étude du Groupe Genivar, datée de 2005, ces mêmes exportations ont commencé à décliner entre 2000 et 2002, passant de 10 à 8 milliards de dollars. En fait, les seuls produits qui montraient alors une augmentation étaient les produits de placage, le contreplaqué et les bois reconstitués. On sait ce que le conflit du bois ouvré a fait depuis de cette augmentation…

Le Ministère cite ailleurs nommément trois motifs économiques au prolongement : la vigueur .économique américaine (la guerre iraqienne a changé cet aspect de la donne), la politique d’ouverture commerciale (le conflit du bois d’œuvre et les difficultés dans l’exportation de viande bovine modifient cette justification) et la relative faiblesse du dollar canadien, favorisant l’exportation (encore une motivation disparue). La conjoncture s’est chargée de relativiser ces raisons-là.

D’autre part, il est bien difficile d’évaluer l’impact sur le camionnage à Lacolle et à Saint-Armand puisque les chiffres offerts par le Ministère datent de 1996. Au train ou évoluent les échanges commerciaux, aussi bien parler du Moyen-Âge.

S’il s’agit de la réduction du temps de déplacement entre Iberville et Saint-Armand, il y a là aussi quelques difficultés à la chiffrer. Le Ministère estime qu’avec la 35 on abaisserait le temps de déplacement de 30 à 20 minutes. Genivar parle d’une économie de sept minutes.

En ce qui concerne le danger d’accidents sur la 133, tout le monde s’accorde à dire que le slalom géant entre les tracteurs et les voyages de foin ne sont certes pas de tout repos. La traversée de villages par des trains routiers n’est pas une situation idéale non plus. Une autoroute supprimerait ces risques, comme le souligne le Ministère. Les chiffres bémolisent toutefois l’évaluation de ces risques : entre 1997 et 2001 (dernières années présentées dans le dossier du Ministère) le nombre d’accidents sur ce tronçon est passé de 140 annuellement à 90, ce qui, chacun en convient, est beaucoup trop.

Le comment

On a étudié deux tracés pour le prolongement. Celui qui émanait du Ministère des Transports du Québec était relativement sensible aux questions environnementales. À l’exception d’une tourbière marécageuse près de la rivière aux Brochets, peu de milieux se trouvaient directement menacés. Le Ministère de l’Environnement ne raffole pas de l’idée d’une bretelle de sortie tout près du sanctuaire d’oiseaux migrateurs de notre municipalité. Nous y reviendrons dans les articles à venir.

Mais le projet du Ministère était moins tendre pour l’agriculture : il éliminait 43 hectares de terres cultivées et en enclavait tout près de 80. Un projet alternatif existe, beaucoup moins nuisible à l’agriculture (33 ha. perdus, 21 ha. enclavés). Mais, voilà, il toucherait les frayères trois fois plus que le tracé du Ministère et affecterait 2,4 ha. de marécages contre 1,5 ha. pour le tracé initial. Le tracé alternatif coûterait 4,4 M $ de plus. Beau sujet de débat public.

Le Ministère a déjà acquis une bonne partie des terres et des emprises nécessaires. Mais il y eut modifications au projet initial et on devra acquérir 74 ha. de plus que les 364 déjà en main. La majorité de ces terres restant à acquérir sont à Saint-Armand ou tout près. 40 % sont des terres cultivées et 48 % des boisés. Autre sujet de réflexion. Le projet coûtera (que le métro de Laval reste à l’esprit de ceux qui prennent ces évaluations pour paroles évangéliques) 255M$. Les chaussées elles-mêmes requièrent 149 M, les ponts et autres ouvrages d’art 44 M, les acquisitions et le reste, 63 M $.

Le tronçon Saint-Armand

Pour favoriser autour de chez nous le passage de 15 % de plus de camions (telle est l’évaluation du Ministère des Transports du Québec), on créera, direction Montréal, une bretelle de sortie qui rejoindra le chemin Saint-Armand au bas de la côte, passé le motel Frontières. Une voie de service longera l’autoroute (fondamentalement, l’autoroute actuelle) des deux côtés, d’où les expropriations à venir. Un pont enjambera le tracé et permettra de relier le chemin Saint-Armand et Philipsburg.

D’autre part on prévoit un autre échangeur à la hauteur du chemin Champlain et du chemin du Moulin (connectant avec le chemin des Carrières). Donc, d’autres expropriations à venir.

Finalement, on veut aménager une aire de service et un poste d’inspection des poids lourds du côté est de l’autoroute près du garage Ultramar et du restaurant Chez Bernadette.

Des terres devront aussi être acquises du garage à la rivière aux Brochets en direction du rang des Ducharme, situé entre Pike River et Venise.

Signalons que le Ministère prévoit s’attaquer au tronçon Saint-Armand vers 2009 et terminer deux ans plus tard. Ce qui laisse le temps pour quelques bonnes discussions entre citoyens, doux privilège des démocraties.