photo : tirée du site internet du MTQ
Le prolongement de l’autoroute 35 de Saint-Jean et Iberville jusqu’à la frontière est déjà en cours. Il s’agit de couvrir les 38 kilomètres jusqu’ici desservis par la route 133. Partant d’Iberville, un premier tronçon de 10 km environ longera le chemin de la Grande Ligne un peu au sud de ce dernier. Puis il obliquera plein sud sur 15 km juste à l’est de la route 227. Enfin, après avoir croisé la 133 entre Saint-Sébastien et Pike River, l’autoroute sinuera sur 9 km en direction de la 133 à nouveau et fera sa jonction avec cette dernière un peu au nord de Philipsburg. Un dernier segment de 4,5 km mènera, sur le même tracé que l’autoroute actuelle, au poste frontière. On prévoit que le dernier tronçon sera achevé en 2016.
Certaines retombées positives des travaux sont déjà connues. On sait que la carrière Graymont, plus précisément les deux sites de Bedford et Saint-Armand, fournissent les 400 000 tonnes de schiste formant la base de l’autoroute. Voilà des revenus et des emplois.
Dans l’autre plateau de la balance on peut mettre certaines inquiétudes concernant l’impact humain du projet. Puisque deux échangeurs sont prévus sur le territoire de Saint-Armand, on doit se demander quel impact ils auront sur le paysage de notre village, sur les abords si précieux du lac Champlain, entre autres. On peut se demander aussi quels négoces risquent d’apparaître dans l’environnement, multiplication des vendeurs de burgers et des montreurs de dames court vêtues.
Grille d’usage au peigne fin
Dans ce domaine, l’aménagement du territoire relève de plusieurs agents. D’abord, le ministère du Transport du Québec, propriétaire des emprises situées de part et d’autre du tracé final retenu. Ensuite, la MRC, qui a établi un schéma d’aménagement détaillé. Finalement, la municipalité de Saint-Armand, qui détermine, sur son territoire, à l’intérieur du cadre du schéma de la MRC, une grille d’usage de chaque parcelle de terrain.
C’est cette dernière qui permet ou interdit concrètement ce qui peut se faire et se vendre chez nous et surtout, à quels endroits ces commerces sont possibles ou impossibles. Après avoir étudié la conformation des échangeurs et des bretelles d’accès de la 35 à hauteur de Saint-Armand, des citoyens ont émis leurs craintes au conseil municipal.
Ces craintes sont d’abord mues par la volonté de préserver nos richesses patrimoniales. Un bar de danseuses devant le « meeting hall » de l’Église Unie ? Non merci ! Des « greasy spoons » à profusion devant l’étang Streit ou la Baie Missisquoi ? Pas sûr ! Il allait donc de soi que nous demandions au maire de nous dire ce que permet et ce qu’interdit cette grille d’usage.
« D’abord, précise Réal Pelletier, deux règles : premièrement ce qui n’est pas spécifiquement interdit est réputé permis ; ensuite, quand les zones réservées à certaines « activités » ne sont pas spécifiées clairement, elles sont réputées permises partout. On a intérêt à être clair. »
Verrons-nous se multiplier les MacDo et autres friteries commerciales aux devantures criardes dans Philipsburg ou tout proche ? « Non, c’est très clair », répond le maire. « L’avenue Montgomery est partiellement désignée ‘zone mixte’. Elle reste donc résidentielle, mais il y est permis aux propriétaires d’utiliser une partie de leur domicile pour un petit commerce, le rez-de-chaussée pour une boutique, l’étage pour un bed and breakfast, par exemple. Les vrais commerces (MacDo et Cie) seront localisés, s’il s’en crée, aux abords de la 133 actuelle, à partir de l’entreprise de camionnage Florabec et au nord, en allant vers Pike River, pas plus près. »
Pour l’industrie lourde, elle trouvera sa place au voisinage des zones actuelles d’extraction des carrières. Et tenez-vous bien, je ne sais par quelle passe de prestidigitation nos danseuses en font partie, mais c’est là, dans la zone « industrie lourde » qu’elles pourront exhiber leurs charmes, que l’on souhaite juste pas trop lourds.
Le ministère des Transports avait eu l’idée d’un poste de pesée des grands camions pas très loin de l’échangeur de la rue Montgomery mais la municipalité s’y est opposée, pour protéger la tranquillité des résidents (freinages et accélérations répétés). Le MTQ a retiré ce projet.
On le voit, la vigilance a donné des résultats et le risque de développements sauvages comme on en a vu ailleurs semble pour l’instant écarté. Mais en plus de se défendre des retombées négatives, y a-t-il des opportunités à saisir ?
Portail touristique de la région
« J’ai soulevé à la Table des maires de la MRC le fait que le prolongement de la 35 faisait encore plus de Saint-Armand la porte d’entrée privilégiée des touristes attirés par notre région. » Le lac Champlain, nos collines et nos montagnes, les spécialités agricoles, les vergers, les vignobles, etc., tout cela accessible par les bretelles d’accès au chemin de Saint-Armand. « Les maires approuvent le projet », conclut celui de Saint-Armand.
L’idéal serait d’avoir un centre d’interprétation de la nature (près de l’étang Streit) ou, au même endroit, un centre d’infos touristiques et, pourquoi pas, les deux. Oui, mais deux questions : où et combien ça coûterait ?
Le MTQ, en prévision du parachèvement de la 35, a déjà acquis l’ancien Gaston Truck Stop, juste au sud du Motel Frontière. Il y a là un édifice très décent, capable de loger le centre d’interprétation ou le centre touristique. Il appartient déjà à l’État. Le site comporte déjà un grand stationnement qu’il suffirait de repaver. Donc, aucune dépense folle de ce côté. »
Réal Pelletier a rencontré une responsable du ministère du Tourisme, région Montérégie, l’a menée sur les lieux et espère que l’idée fera son chemin. Si tout se passe comme souhaité, le centre d’interprétation de la région serait administré par et aux frais du ministère du Tourisme. Le bar de danseuses pourrait-il, via des dépliants illustrés, y proposer ses…richesses naturelles ? L’histoire ne le dit pas.