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- Dossier Eau -

PROJET PILOTE DE REVITALISATION DES BERGES

Guy Paquin

Guy Paquin

Le 20 août dernier, on a terminé la première phase d’un projet de revitalisation des berges du lac Champlain le long de l’avenue Champlain à Philipsburg. Il s’agissait de consolider la berge qui avait subi les puissants assauts du lac. Les murets de ciment avaient été gravement érodés et l’infiltration d’eau menaçait jusqu’à la rue elle-même.

« Depuis 2009 que la Municipalité avait le projet d’intervenir pour protéger adéquatement les murets, rappelle Réal Pelletier, maire de Saint-Armand. Nous avions su que Venise avait requis les services de la firme de conseillers Synergis pour réaliser un sentier écologique vers le cours d’eau McFee. Nous voulions quelque chose de semblable pour nos berges. »

Mais voilà, les inondations de 2011 ont complètement changé l’aspect de la berge et les plans esquissés devenaient caducs. De plus, le ministère de l’Environnement donna des directives précises. Du coup, l’intervention allait être beaucoup plus vaste et dès lors, le ministère exigeait une étude d’impact.

« S’il s’agissait de réaliser cette étude, on parle de coûts de 200 000 $ au bas mot, constate le maire. » Pour Nicolas Roy, géologue et directeur de l’environnement pour la firme Terraformex, les coûts de l’étude auraient pu être encore plus élevés. « Si on parle d’inclure les six murets sur la rue Champlain, mettez plutôt 500 000 $ ! » Cela, avant même de commencer les travaux !

« Ça rendait toute l’opération absolument hors de portée, conclut Mme Johanne Bérubé, directrice générale de l’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM). » L’Organisme est directement partie prenante de l’opération de consolidation des berges et y participe aussi financièrement. Terraformex a reçu le mandat de concevoir l’opération et de négocier avec les ministères concernés.

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(OVBVM)

Projet moins gourmand

En 2012, la municipalité de Saint-Armand exécute un mouvement de retraite stratégique et cherche le moyen de protéger les murets sans avoir à passer par une étude d’impact ruineuse. En 2013, ayant l’assurance qu’un projet moins ambitieux ne nécessiterait pas une telle étude, on lance un appel d’offres, appel remporté par Terraformex.

« Terraformex allait concevoir l’opération et obtenir l’aval du ministère de l’Environnement du Québec, de celui des Forêts, de la Faune et des Parcs du Canada ainsi que de Pêches et Océans Canada, spécifie Mme Bérubé. Ce qui fut fait. »

Nouveau montage financier

Les négociations ont permis de définir le nouveau projet. Il s’agit d’un projet pilote qui vise à évaluer une première intervention centrée sur le muret situé juste en face de l’Auberge Bergelac B&B, sur l’avenue Champlain. Cette opération doit coûter 170 000 $. Le programme Éco-Action d’Environnement Canada fournit 56 000 $. La fondation Environnement d’Hydro-Québec y met 50 000 $, le Pacte rural de la MRC Brome-Missisquoi, 10 000 $, OBVMB un autre 10 000 $ et la Municipalité de Saint-Armand y investit 35 000 $, partie en argent, partie en services divers.

Le projet

Il s’agissait de réaliser deux objectifs : stabiliser et protéger les murets puis restaurer le littoral endommagé par les fortes vagues dans la baie. Dans le but de stabiliser les murets, on a placé des structures de roches sur la rive. Puis on a consolidé la berge par des bandes riveraines très innovatrices. « Nous y avons mis ce que nous appelons dans notre jargon une “couverture phytotechnologique”, »  explique M. Roy.

Cette couverture est en somme un tapis végétal qu’on déroule sur la parcelle de rive à consolider. Il est constitué d’un mélange de terreau et de tigelles de saules, le tout retenu par un tissus en fibre de noix de coco, biodégradable, il va sans dire. Pourquoi les saules plutôt que tout autre arbre ou arbuste ? « Parce que le saule est bien au bord de l’eau, répond M. Roy, et surtout parce que, si vous le stressez en le menaçant par le gel et le dégel et par de fortes vagues, il répond en se cramponnant, il fait des racines profondes et, ce faisant, il assure résistance et cohésion du sol. »

On a donc un mélange de saules discolores et de saules de l’intérieur. On a aussi mis quelques cornouillers, braves arbustes qui adorent le bord de l’eau, résistent aux glaces, tolèrent le compactage et se moquent même des sels de déglaçage.

« On a aussi retiré du lac pas mal de matériaux, continue M. Roy. Ce sont ces mêmes matériaux qu’on a utilisés pour protéger les murets. Au total on a retiré 1 000 mètres carrés de matériaux et utilisé 900 mètres carrés. L’empiètement total est donc négatif. » Le géologue de Terraformex affirme qu’en réemployant les matériaux immergés, on a fait des économies de quelques dizaines de milliers de dollars.

Évaluation

On a photographié l’état des lieux dès la fin de l’opération. Ces photos seront la base d’une comparaison à venir au printemps prochain.

« Il s’agira de voir comment le sol, les arbustes, les berges elles-mêmes ont résisté à l’hiver, aux glaces et au froid, annonce Mme Bérubé. Comme on a quelque peu varié les types d’intervention, on va voir quels types se sont le mieux comportés et si nous devons faire des ajustements, nous favoriserons ceux-ci. »

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Avant (OVBVM)

Si l’intervention est jugée efficace et si l’argent est au rendez-vous, la même technique par empierrement et phytotechnologie pourrait être généralisée d’abord aux autres murets de la rue Champlain et même à plusieurs autres sites où les berges ont besoin d’un coup de pouce.

Et la baie ? Faire du bien à ses berges ne peut pas lui nuire, certes. Mais en ce qui concerne sa santé, l’intervention du mois d’août 2015 n’a pas d’impact. Réal Pelletier nous a même affirmé qu’il la jugeait « symbolique ».

« Je suis très enthousiaste en ce qui concerne la technique innovatrice retenue. Je souhaite qu’elle inspire d’autres actions autour de la baie. Elle est symbolique en ce sens qu’elle est un exemple à suivre. »

Certes, des bandes riveraines plus efficaces n’aident pas les cyanobactéries. Mais ces créatures ont par contre à foison ce dont elles raffolent : de la chaleur et une lourde charge de phosphore dans l’eau. On aura beau végétaliser la couverture pierreuse des berges, ça ne refroidira pas vraiment l’eau. Et pour le phosphore, les saules feront ce qu’ils peuvent, mais…

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Après (OVBVM)