Mont Pinacle
En ce début de printemps, la population de Frelighsburg est mobilisée autour du dépôt d’un projet de révision du plan d’urbanisme, réalisé à la faveur de la mise à jour quinquennale exigée par la MRC de Brome-Missisquoi. S’appuyant sur le plan stratégique adopté par la municipalité en 2015-2016, à la suite d’une vaste consultation, et soutenu par la firme conseil BC2, les élus municipaux ont, le 1er février, soumis à la population un ensemble volumineux de projets de plans et de règlements.
Une démarche exemplaire
L’équipe du projet a déposé un dossier étoffé (une trentaine de fichiers) sur le site web de la ville. Les citoyens ont été avisés par lettre du processus de refonte et de ses enjeux principaux. La réception de leurs commentaires écrits s’est échelonnée sur un mois et demi. Une assemblée publique virtuelle s’est tenue le 23 mars à laquelle plus de cent personnes (10 % du bassin des résidents !) ont assisté afin de prendre connaissance du projet et poser des questions. Une démarche aussi systématique et transparente est sans équivalent dans le comté dira Nathalie Grimard, directrice du service de gestion du territoire à la MRC présente à l’assemblée publique.
Le cœur villageois : contrer la dévitalisation
Parmi les 21 municipalités de la MRC, Frelighsburg se classe au 4e rang en termes de son territoire (124 km2), mais arrive à l’avant-dernier rang au chapitre du peuplement (11 hab./km2), du fait qu’il est à 90 % zone verte et à 77 % sous couvert forestier. Cette faible densité entraîne un niveau élevé de taxation, particulièrement au cœur du village, qui est malgré tout insuffisant pour couvrir les dépenses de fonctionnement dans le contexte des importants investissements à venir (usine de traitement des eaux et caserne de pompier). D’autre part, à cette faible densité, s’ajoute le vieillissement de la population, supérieur à la moyenne de la MRC et du Québec, qui menace la viabilité de l’école du village en l’absence d’implantation de jeunes familles. La fermeture de l’école annoncerait le déclin du noyau villageois. C’est donc l’enjeu prioritaire autour duquel sont articulés les axes de la refonte. Pour le périmètre urbain, celle-ci vise le développement d’infrastructures dans le but de soutenir une croissance économique et démographique, la diversification de l’offre résidentielle afin d’attirer et de conserver les nouveaux ménages et la préservation de l’authenticité du village.
Le plan d’aménagement présente trois zones de développement résidentiel, en pourtour du cœur villageois, où quelque 130 nouvelles habitations sont projetées, sur plusieurs années. La particularité tient à la vocation distincte des îlots : des unifamiliales et chalets en nature, plus dispendieux (Frelighsburg En-Haut), des habitats unifamiliaux sur des superficies de terrain variables (lotissement Dwyer), un secteur concentré d’habitations uni, bi, tri et multifamiliales, à prix moindre (écoquartier résidentiel), ce site ciblant l’installation des jeunes familles.
Carte B (Écoquartier). Élaboration d’un PPU, BC2.
Discussion
Certains citoyens craignent que, en conséquence d’un objectif de densification aussi élevé, on crée des zones de type banlieue, ce qui entraînerait un fort achalandage au cœur du village et ferait obstacle à la préservation de l’authenticité du noyau villageois. Combien devrait-il y avoir de nouveaux résidents pour assurer l’apport économique nécessaire à stabiliser le niveau de taxation et à garantir la pérennité de l’école ? Sur ce point, le maire Jean Lévesque rappelle l’obligation de densification en zone blanche qu’exige la MRC, en conformité avec les orientations de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme de Québec. Il conclut que mieux vaut utiliser cette contrainte pour se doter d’outils réglementaires permettant un développement à long terme… en autant que celui-ci demeure raisonnable, rappellent certains.
Le mont Pinacle : protéger un écosystème
À la fin des années 1980, Frelighsburg a connu une « guerre de clans » (développement économique versus préservation du territoire) autour de l’emblématique mont Pinacle, un des derniers massifs à l’état sauvage dans le sud du Québec. L’affrontement s’est soldé par une victoire en Cour suprême des défenseurs de la conservation, ce qui a donné naissance à la Fiducie foncière du mont Pinacle, aujourd’hui un fleuron régional davantage en phase avec l’identité de Frelighsburg que ne l’aurait été une station de ski.
Un second axe de la refonte présente des plans et règlements pour le secteur du Pinacle, lequel passe de trois à deux zones (Conservation 1 et 2). Ces zones sont toutefois soustraites du Plan d’aménagement d’ensemble (PAE) qui, jusqu’alors, permettait uniquement aux résidents concernés du secteur de se prononcer sur des modifications réglementaires. La refonte met de l’avant le concept de projets intégrés (PI) ou « petits projets d’ensemble résidentiels comportant plusieurs unités d’habitation sur un même terrain mais avec une seule voie d’accès », sur lesquels l’ensemble des résidents de Frelighsburg ont dorénavant le droit de se prononcer.
Discussion
La protection de la zone du mont Pinacle demeure un enjeu sensible au sein de la communauté. Les représentants de la Fiducie ont d’ailleurs déposé un mémoire dans le but de faire valoir leur point de vue, notamment l’avantage de l’actuel PAE, qui offre une vision d’ensemble du développement plutôt qu’à la pièce, projet par projet. D’autres interventions dans le même sens ont fait ressortir l’importance de travailler dans le contexte du corridor appalachien, associé aux passages animaliers et à une biodiversité locale.
Conclusion
Enfin, un autre axe présente des modifications touchant l’ensemble du territoire, qui visent une densification douce par la mixité des usages : subdivision ou conversion de bâtiments en logements, intégration d’atelier à même le domicile, création de fermettes, etc. Nous n’avons pas la prétention de faire ici le tour de tous les éléments de cette refonte ambitieuse, pas plus que de rendre compte de la diversité des points de vue citoyens sur le sujet. D’ici notre prochaine édition, nous saurons si des modifications ont été apportées à la suite des avis citoyens et s’il y aura eu ou non ouverture d’un registre de signatures appelant à un référendum sur le projet. Un dossier à suivre.
ERRATUM : Dans notre précédente chronique, nous mentionnions le décès de Pierre Tougas en décembre 2019 alors qu’il s’agissait, bien sûr, de 2020. Toutes nos excuses.