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- Des êtres et des herbes -

Plaisirs d’hiver

Annie Rouleau

Le peuplier baumier

Au moment d’écrire ces lignes, un blanc généralisé rayonne de partout. Ce blanc pur et froid de l’épaisse couche de neige et de glace cache jusqu’à l’éternel vert des épinettes. La beauté du spectacle compense le supplément d’efforts nécessaires au simple fait d’exister.

Nombreux sont les oiseaux nordiques qui, d’ores et déjà, hibernent en des lieux au climat plus clément. Nombre de ces « snow birds » ne fuient pas que le froid ; les articulations fragiles sont moins douloureuses par chaleur sèche que sous un mètre de neige.

Jadis, lorsque les canots d’écorce ne permettaient pas d’aller passer l’hiver en Floride, nos ancêtres perclus de rhumatismes utilisaient la terre pour se soigner. Et c’est durant l’hiver qu’un de leurs plus grands alliés était récolté. Cette plante existe toujours, et ses qualités demeurent telles qu’hier. Il s’agit du peuplier baumier, Populus balsamifera.

Ce peuplier contient de la salicine. De cette substance fut extraite l’acide salicylique, qui à son tour donna naissance à l’acide acétylsalicylique ou aspirine.

Plusieurs plantes contiennent de la salicine et toutes furent utilisées par la plupart des civilisations, notamment pour le traitement de la fièvre et des inflammations. Le peuplier baumier est de ceux-là. La différence entre utiliser une aspirine ou prendre la plante n’est qu’une question de quantité ; un comprimé sera remplacé par un litre de tisane. Autrement, l’effet est semblable. L’écorce interne en est particulièrement riche. Mais la récolte doit être minutieuse, question de ne pas mettre en péril la survie de l’arbre. Il convient de choisir des spécimens âgés et de ne couper que quelques jeunes branches.

La plante contient aussi nombre de résines aromatiques et d’huiles essentielles qui, pour leur part, exercent une forte action bactéricide, en plus d’activer la prolifération cellulaire cutanée et de stimuler la circulation sanguine de surface. D’où les effets bénéfiques sur les rhumatismes. Augmenter l’afflux sanguin stimule l’évacuation des toxines et diminue la congestion locale, donc la douleur. L’utilisation topique de la plante s’applique aussi aux brûlures, gerçures, entorses, engelures, hémorroïdes.

Les huiles essentielles du peuplier baumier sont éliminées du corps par les poumons. Ce qui fait de la plante un excellent expectorant, très efficace pour libérer le mucus qui embourbe les voies respiratoires à l’occasion d’une grippe ou d’un rhume. L’effet bactéricide entre aussi en jeu en cas de maux et d’infections de la gorge.

Ces derniers constituants sont surtout présents dans les bourgeons. Ce qui nous ramène à la neige … il est incontournable de récolter les bourgeons de peuplier baumier durant l’hiver, faute de quoi la résine qu’ils contiennent fera vivre une expérience pour le moins gommante au cueilleur.

Je vous parle de cueillette pour la simple raison qu’il est difficile de trouver des produits  à base de peuplier dans le commerce. Toutefois, comme l’arbre est largement répandu par ici, il est plus facile de sortir les grimoires que de courir en boutique. Les méthodes de transformation sont nombreuses. Voici pour l’heure une recette simple.

Une huile pour les articulations

Dans un bain-marie, chauffer 500 ml d’huile d’olive. Ajouter 250 g de bourgeons de peuplier baumier. Laisser doucement frémir ½ heure, puis ôter du feu. Laisser refroidir un peu. Au robot ou au mortier, mélanger ou triturer le mélange jusqu’à ce qu’il soit homogène. Mettre en pot et laisser macérer trois à quatre semaines dans un endroit sombre. Filtrer au besoin. Utiliser tel quel sur les bobos ou douleurs, ou en faire un onguent. Est-il nécessaire d’ajouter que le peuplier baumier est déconseillé pour quiquonque souffre d’allergie à l’aspirine !