Pour la plupart d’entre nous, le sirop d’érable est un aliment sucré que l’on consomme pour son goût incomparable. Toutefois vous serait-il venu à l’esprit que ce pouvait aussi être un aliment santé ? C’est ce que les résultats d’études scientifiques semblent démontrer. Contrairement au sucre blanc jugé néfaste pour la santé, le sirop d’érable est devenu un aliment santé au même titre que le vin rouge, le thé vert, l’huile d’olive, le chocolat noir, les noix et les baies. Un « alicament » ou un « nutraceutique » ! Il est tellement prometteur à cet égard que de plus en plus de chercheurs n’attendent plus les subventions de recherche pour en étudier les vertus.
Un remède qui remonte au début de la colonie
On doit au Baron de Lahontan la première mention indiquant que le sucre d’érable serait bénéfique pour la santé. Il écrit, lors de son séjour en nouvelle France entre 1683 et 1688, que l’on fait de cette sève du sucre et du sirop si précieux qu’on n’a jamais trouvé de remèdes plus propres à fortifier la poitrine.
Entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, les Augustines de l’Hôtel-Dieu utilisaient le sucre d’érable pour soigner, voire soulager, les rhumes et maladies pulmonaires. On utilise le sirop d’érable mélangé à de la capillaire, une fougère du genre Adiantum, pour obtenir un remède propre à fortifier la poitrine. Voici ce qu’en dit le traité de pharmacopée du collège royal des médecins de Londres dans la traduction en français éditée à Paris en 1771 : on prépare en Canada un fyrop avec le capilaire du même pays. On nous envoye ce fyrop en France. Il est utile dans les rhumes & propre à adoucir l’acreté des liqueurs qui enduifent le larinx & la trachée artère, & à faciliter doucement l’expectoration. Tellement vrai que même Imperial Tobacco utilisera les vertus du sirop d’érable pour atténuer la toux associée à l’usage de ses tabacs forts. Ainsi, en 1928, la compagnie a fait l’acquisition de 500 000 livres de sirop d’érable !
Il semble que ce soit la dernière fois que le sirop d’érable soit associé à la pharmacopée, en ce qui concerne les Augustines bien sûr, mais pas Imperial Tobacco. Après, plus rien. Il faut alors attendre plus de deux siècles, soit au début des années 2000, pour que le sirop refasse son apparition dans la pharmacopée. En 2004, lors de la production de l’étiquette nutritionnelle des produits de l’érable, on se rend compte qu’on en connaît peu sur le produit. Tout ce que l’on sait, c’est qu’en plus du sucre, il renferme des vitamines et des minéraux. Il devient impératif d’encourager la recherche afin d’en connaître davantage.
Le québécol, vous connaissez ?
C’est en 2009 qu’apparaît la première d’une longue liste de publications scientifiques portant sur le sirop d’érable et ses effets positifs sur la santé. On la doit au docteur Navindra Seeram, chercheur de l’université du Rhode Island qui s’intéresse au potentiel médicinal des plantes. Avec son équipe, il y a découvert plusieurs composés antioxydants. L’un d’eux, un polyphénol, a été nommé « québécol » en reconnaissance du fait que notre province est la principale productrice du sirop. Actuellement, plus de 60 composés bénéfiques pour la santé ont été découverts dans le sirop d’érable, dont 5 inconnus jusqu’alors. Pour étudier l’effet du québécol sur la santé, il en faut beaucoup et vu sa faible concentration dans le sirop, il est plus facile d’en fabriquer. C’est à Normand Voyer, chercheur à l’Université Laval que l’on doit la première synthèse de cette molécule. En association avec un autre chercheur de la même université, il a démontré qu’elle possédait des propriétés anti-inflammatoires utiles dans le traitement de maladies des gencives.
1ere application potentielle, la santé du foie
En 2011, ce fut ensuite au tour de la professeures Keiko Abe de l’université de Tokyo, de publier les résultats d’une étude comparative qui montraient une amélioration de la santé hépatique chez des rats soumis à une diète à base de sirop d’érable. Keiko Abe a émis l’hypothèse que cet effet serait dû à la concentration du sirop d’érable en polyphénols, minéraux et vitamines.
À l’université Laval, le diabète est dans la mire de chercheurs
Revenons au Québec, plus précisément à l’université Laval, où Yves Desjardins, chercheur à l’institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), a démontré que l’acide abscissique, une hormone végétale présente dans le sirop, favoriserait l’assimilation du sucre par le pancréas. Cette découverte donne à penser que les diabétiques pourraient mieux tolérer le sirop d’érable que les autres sucres. Toujours à l’INAF, André Marette a observé différents groupes de souris recevant une diète riche en lipides. Pendant un mois, son équipe a remplacé 7 % des sucres du menu des rongeurs par une quantité équivalente de sirop d’érable, de miel, de sirop d’agave, de mélasse, de sirop de maïs, de sirop de riz brun, de fructose ou de sucrose. Les souris sont toutes devenues obèses, sauf celles dont la diète comprenait du sirop d’érable, de la mélasse ou du sirop d’agave. Tant pour le goût que pour les bienfaits, le sirop d’érable présente un net avantage.
Le microbiote n’est pas en reste
En 2015, on apprenait que l’eau d’érable exerçait un effet protecteur sur le microbiote intestinal lors de l’absorption d’antibiotiques et favoriserait le rétablissement de l’écosystème microbien. C’est ce que publiait le professeur Hammami dans l’International Journal of Nutrition and Food Sciences.
Des extraits de sirop d’érable pourraient réduire les doses d’antibiotique
Les résultats d’une étude récente indiquent que des extraits de sirop d’érable pourraient réduire les doses d’antibiotiques nécessaires, potentiellement par dix. C’est ce que révélait Nathalie Tufenkji, professeure en génie chimique à l’université McGill, lors d’une présentation au Cœur des Sciences de l’UQUAM à l’automne 2015. Pour qu’un antibiotique soit efficace, il doit s’introduire dans la bactérie. Or, les bactéries possèdent trois mécanismes leur permettant de combattre l’effet de l’antibiotique. Le premier consiste à empêcher celui-ci de pénétrer dans la bactérie par la modification soit de la membrane, soit des récepteurs. Le deuxième mécanisme permet de refouler l’antibiotique par le biais d’une pompe protéique. Quant aux molécules d’antibiotique qui auront réussi à pénétrer et à s’installer dans la bactérie, ils seront soumis à un troisième mécanisme : ils seront vite attaqués par des enzymes microbiens qui auront tôt fait de les rendre inopérants. On doit donc tenir compte de ces différents mécanismes et augmenter le dosage des antibiotiques.
La chercheuse, qui a travaillé sur la bactérie E. coli, a réussi à démontrer que des extraits de sirop d’érable avaient pour effet de rendre plus poreuse la membrane bactérienne, permettant ainsi l’entrée de l’antibiotique. Un deuxième effet observé consiste à bloquer le mécanisme de refoulement. Ainsi, l’antibiotique pourrait se retrouver en plus grande concentration et agir avant que les enzymes aient le temps de le dégrader.
Dernière en liste, la maladie d’Alzheimer
En mars 2016, lors du congrès annuel de l’American Chemical Society, on apprenait que le sirop d’érable pourrait possiblement contribuer à prévenir la maladie d’Alzheimer. C’est ce que révélait le professeur Donald Weaver de l’université de Toronto. Des extraits de sirop d’érable auraient pour effet de prévenir la dénaturation de certaines protéines impliquées dans la maladie.
En plus du sucre, le sirop d’érable contient des acides amenés, des hormones végétales, des minéraux, des polyphénols, des vitamines, des acides organiques, des bactéries, des levures et, bien sûr, du québécol. On suppose que tous ces composants sont présents dans l’eau d’érable et que c’est le processus de concentration de l’eau en sirop qui permettrait en quantité importante dans celui-ci. Il reste assurément beaucoup d’études à mener afin de découvrir toutes les vertus du sirop d’érable et apprendre à en tirer parti.