La ritournelle est aussi vieille que les MRC et elle revient à nos oreilles chaque fois qu’un nouveau gouvernement est élu. Les couplets changent, mais le refrain reste le même : décentraliser pour rapprocher les lieux de décisions du citoyen, décentraliser pour offrir de meilleurs services, décentraliser pour faire autrement que le gouvernement précédent.
La ritournelle est si belle qu’elle enchante chaque fois. Le gouvernement semble cette fois décidé à aller de l’avant avec un projet de loi-cadre sur la décentralisation. Encore une fois, on est tenté d’y croire. Mais à quoi veut-on croire au juste ?
Sûrement pas au père Noël. La décentralisation n’a rien d’inoffensif, bien au contraire. Elle comporte des enjeux et des risques bien réels.
Si décentraliser consiste à recréer en région ces fiefs de bureaucrates qui, du haut de leur tour, décident de ce que sera le quotidien du bon peuple, qui s’attribuent pouvoirs et décisions, non merci. Si la décentralisation a pour effet d’accentuer les disparités entre les régions, nous n’en voulons pas. S’il s’agit d’une dérobade de l’État pour éviter de redistribuer la richesse de façon équitable et pour retirer de ses livres comptables des dépenses politiquement non payantes, nous passerons notre tour.
Si au contraire, décentralisation rime avec démocratisation, nous sommes preneurs. Si elle permet aux citoyens d’avoir collectivement une meilleure emprise sur les décisions qui concernent leurs milieux de vie, nous la voulons. Si elle permet de passer à un réel développement territorial, qui va par-delà les silos des secteurs d’activité et valorise l’utilisation de toutes les ressources présentes sur le territoire pour le bien commun, alors il nous la faut sans tarder !
Ce projet de loi-cadre qu’on nous promet pour bientôt n’ira pas plus loin que la multitude d’autres projets morts à l’état embryonnaire s’il n’est pas porté par une réelle volonté populaire. Sans racines profondes qui tirent leur force des milieux et de toute la richesse humaine qui les compose en termes sociaux, économiques, culturels, il tombera. Comme les autres !
Si la Politique nationale de la ruralité bat des records de longévité, avec ses douze ans d’existence et ses dix ans à venir, c’est justement parce qu’elle est réellement décentralisée et qu’elle interpelle tous les acteurs du milieu, quel que soit leur secteur d’activité, quel que soit leur titre, du citoyen au maire, du forestier à l’artiste, et qu’elle les unit autour de l’avenir du territoire de leur MRC.
Si elle connaît toujours autant de succès, c’est parce que les citoyens s’y sont impliqués en ayant la certitude qu’ils participaient aux orientations et à la décision.
L’histoire de la création de cette politique unique qui s’est écrite à l’encre de la fine observation, de la consultation du citoyen chez lui, dans son milieu, de la mobilisation des forces vives, de la réflexion soutenue, a de quoi inspirer nos gouvernants. C’est à l’unisson que les milieux ruraux ont réclamé sa reconduction, c’est à l’unisson qu’ils devront aussi chanter la décentralisation. La ritournelle électorale doit devenir la chanson qui est sur toutes les lèvres, qu’on vive à Laval ou à La Motte. Le contexte s’y prête plus que jamais. Nous avons tous, collectivement, urbains et ruraux, élus et citoyens, besoin de ce succès qui panserait peut-être quelques blessures infligées par les révélations de la commission Charbonneau, par l’exploitation à tous crins des ressources naturelles ou par les affres de la carte électorale.
Le projet est prometteur. Mais sa nature même appelle la machine étatique à miser sur une élaboration qui sort de ses cadres habituels. Voilà un test qui déterminera son échec ou sa réussite. Et pour que la seconde option l’emporte, cela doit se faire avec les citoyens. Sans eux, point de salut.