Photo : Éric Madsen
En ces temps de campagne électorale municipale, voici le portrait d’un homme qui a été maire de Saint-Armand pendant quatre ans : M. Gaston Dandurand.
Né le 7 septembre 1922, à la même date anniversaire que son père, dans une ferme du chemin Pelletier Nord, Gaston vient tout juste de souffler 83 chandelles. Encore bien solide sur ses vieilles jambes, c’est avec un large sourire qu’il m’a reçu dans sa modeste demeure du chemin de la Tourelle, avec vue imprenable sur le village.
Il s’en est passé des choses durant tout ce temps ; évidemment impossible de tout raconter. Une enfance heureuse dans une famille unie, très jeune initié à « la négoce » alors que le père tient un magasin général au cœur du village. (A une certaine époque, il y en avait trois !) Un drame vient déstabiliser la famille en 1945, alors que la maison de son père fraîchement terminée sur le chemin de l’École brûle comme une boîte d’allumettes, dû à une défectuosité électrique. « Mon père a deux chaises », se souvient Gaston. Mais il aura aussi perdu un petit frère âgé de quatre ans.
À 22 ans, Gaston épouse Gabrielle Duval, une enseignante originaire de Nicolet, qui grâce à un bon salaire (300 $ par année) et sans l’obligation de chauffer l’école, accepte de s’expatrier à Morse’s Line, parfaire l’éducation d’élèves bilingues.
Après quelques boulots, comme sa première vraie « job » à la carrière de marbre de Philipsburg, Gaston trouve sa voie et ouvre à Bedford la quincaillerie Handy-Handy rue principale. Quelques années plus tard, expansion oblige, il déménage son commerce à Cowansville, toujours sous la même bannière. C’est à cet endroit qu’on viendra le chercher pour lui offrir la gérance d’un K-Mart à Montréal-Nord. C’est le défi qu’attendait Gaston, car en quelques années, il en a fait l’un des plus rentables au Canada.
Gaston et Gabrielle ont eu deux enfants : Agathe et René, et là encore le destin tragique brise le cœur d’un père, lorsque sa fille décède à six ans, frappée bêtement par un automobiliste alors qu’elle revenait de sa première semaine d’école. La famille habitait Farnham à l’époque. Malgré ce drame, la vie continue inexorablement, le travail, la vie de couple, la famille, les fins de semaine au chalet à Saint-Armand. Aujourd’hui le fils est un homme d’affaire prospère qui vit à Chambly, qui pilote son propre avion pour aller faire « négoce » (tel père tel fils) jusqu’au fin fond de l’Abitibi.
Le mauvais sort s’acharne encore une fois sur Gaston, alors qu’il fait la triste découverte de sa femme morte à la maison. A 62 ans, Gabrielle avait un cœur fragile, et elle laisse derrière elle deux hommes en peine.
Les années tranquilles
Malgré tout, Gaston ne baisse pas les bras. Afin de combler le vide, il s’engage dans le communautaire, et à cinquante ans, il devient conseiller municipal à Saint-Armand, sous la gouverne du maire Maxime Hamon. Nous sommes en 1971, et les mandats d’alors durent deux ans. Le maire Hamon se sait malade. Ne pouvant finir son terme, il propose à son conseil d’être remplacé par Gaston, proposition acceptée, une seule opposition, adopté, Gaston devient maire par intérim. Par deux fois, la population lui accordera son vote avant qu’il subisse la défaite par 12 voix seulement. À cette époque, gérer une municipalité n’était pas aussi complexe qu’aujourd’hui, si bien que les assemblées sont courtes, la charge de travail relativement simple et que les « octrois » du gouvernement aident grandement au casse-tête financier de la municipalité. Deux projets majeurs accaparent les élus durant les années Dandurand, soit la construction du garage municipal, permettant ainsi de centraliser la machinerie qui dans certains cas pouvait dormir à la belle étoile durant des mois aux quatre coins de la municipalité. Ensuite la rénovation de la gare (donc l’hôtel de ville), car le bâtiment en a grandement besoin. Les tuiles d’ardoise étaient plus que centenaires, devenues dangereuses, leur remplacement était impératif, et on a dû aller jusqu’aux États-Unis pour en dénicher.
Durant ces années à la mairie, Gaston aura été un maire économe, soucieux de la bonne santé financière de sa municipalité. Pour preuve : lors d’une assemblée générale de l’Union des municipalités du Québec, le président appelle ses membres à suivre l’exemple d’une petite municipalité du sud de la province, en matière de bonne gestion financière, et invite les élus à rencontrer son maire : M.Gaston Dandurand. Ovation monstre. Gaston assis avec le maire de Farnham n’en revient tout simplement pas. Gérer une municipalité était comme une seconde nature pour lui. Voir à l’entretien des chemins, éviter les chicanes entre paroissiens, s’assurer d’avoir les moyens de mener tel ou tel projet à terme, voilà ce qui motivait le maire.
Il dit ne pas avoir de regrets, qu’il a aimé ces années passées au service des gens, et qu’en fait, après la défaite, il était « quasiment content » de perdre le pouvoir et de prendre du repos. Ainsi il peut faire comme plusieurs ; partir en Floride durant l’hiver, ce qu’il fait depuis 18 ans maintenant.
Aujourd’hui Gaston vit des jours paisibles, heureux et sans souci, vaquant à ses petites occupations. Peut-être aurait-t-il eu quelques papillons le 6 novembre prochain en s’approchant de l’isoloir du bureau de votes.
Merci Gaston…
A la prochaine