Annonce
Annonce
- Gens d'ici -

Mon voisin, forgeron et charpentier

Carole Dansereau

Félix-Antoine et John dans la forge Photo : Hugo Lavoie

Peu banale cette rencontre entre John Rhicard, charpentier-forgeron de Stanbridge East, Félix-Antoine-Leclair, son voisin de Dunham, et les auditeurs d’Ici Radio-Canada Première.

À l’émission Gravel le matin, le journaliste Hugo Lavoie a eu cette belle idée de nous présenter des travailleurs qui, dans leur milieu, accomplissent des gestes qui font toute la différence. Pour les remercier de leur implication et de leur engagement, monsieur Lavoie a créé une chronique intitulée Les Hugo d’or. Sans chichi et de manière très conviviale, chacun peut proposer la perle rare faisant partie de son entourage. Ainsi, nous avons eu le bonheur, cet automne, d’entendre des chroniques hebdomadaires tout aussi attachantes les unes que les autres.

Mais celle qui m’a le plus touchée et qui, par ailleurs, s’est méritée le premier prix lors du gala des Hugo d’or le 20 décembre dernier, demeure sans contredit la rencontre entre deux citoyens de notre région. Une rencontre surprenante où un jeune homme de 15 ans, Félix-Antoine, propose John, 80 ans, pour cette chronique.

Comme auditrice, je dois faire mon mea culpa et souligner à quel point j’ai été étonnée qu’un adolescent puisse s’intéresser à autre chose que ses amis, son Facebook et les gadgets électroniques qui pullulent aujourd’hui. Et de surcroit, que ce même adolescent reconnaisse et valorise le travail manuel et les pratiques ancestrales de son voisin, monsieur Rhicard, dans un monde caractérisé par le « chacun pour soi » et la recherche de l’autre par le virtuel. Enfin, autre élément inattendu : qu’une personne aussi jeune écoute notre radio publique le matin.

Quant à Monsieur Rhicard, contrairement à toutes attentes, l’heure de sa retraite n’a pas encore sonné. Avec ses 80 printemps, toujours aussi alerte, il retrouve avec passion ses outils, son atelier, sa sucrerie et la nature qui ne cesse de lui fournir l’essence de ses créations.

Dès l’âge de huit ans, Félix-Antoine a été fasciné par cet artisan qui, de ses mains, a construit la grange de son père. Les divers gestes posés par John – arbres abattus dans sa forêt puis débités dans son moulin à scie, métal travaillé à la forge pour créer et assembler des pièces de différentes dimensions et enfin respect pour les pratiques anciennes – tout cela a certainement contribué à façonner l’imaginaire de ce jeune enfant.

Aujourd’hui, Félix-Antoine désire apprendre les rudiments de la forge, ce métier d’art oublié. Il a reçu son premier cours de forge en fabriquant deux tisonniers lors de l’enregistrement de l’émission. Il doit maintenant poursuivre son apprentissage. Selon son professeur, il apprend très vite. Comme le dit le proverbe : « C’est en forgeant qu’on devient forgeron ».

Une communauté bien vivante

Cette histoire me touche parce qu’elle nous rappelle l’importance de la rencontre au sein de la communauté ; rencontre possible grâce à l’ouverture à l’autre. John n’a pas hésité à transmettre ses connaissances et son savoir acquis dans un premier temps auprès de ses grands-parents, puis au fil de toutes ses années d’expérience. Et Félix-Antoine ne l’a pas vu ou perçu comme une personne âgée et dépassée. Ils ont à eux seuls réussi à transcender les préjugés intergénérationnels.

Cette histoire me touche aussi parce qu’elle déboulonne plusieurs mythes, notamment sur les jeunes et leur manque de sensibilité pour le patrimoine et les choses du passé, de même que celui voulant que les personnes âgées soient un lourd fardeau pour la société.

Elle me touche également parce qu’il s’agit d’un francophone et d’un anglophone qui montrent qu’il est possible de dépasser les frontières de la langue pour parler le langage du cœur.

Enfin, elle m’interpelle car le présent et le futur sont réunis dans un même espace-temps. Cette rencontre crée et suscite de l’espoir pour l’humanité.

Merci Félix-Antoine, merci John et merci également à Hugo Lavoie, journaliste, initiateur de ces chroniques si inspirantes.