À la mi-octobre 2011, les citoyens de Dunham apprenaient que leur municipalité était mise sous tutelle par le ministère des Affaires municipales. Quelques semaines plus tard, au tout début de l’année 2012, le maire de Frelighsburg annonçait à ses concitoyens qu’il démissionnait de son poste. Intrigué par cette apparente crise existentielle dans le monde municipal régional, Le Saint-Armand a rencontré Jean-Guy Demers, maire de Dunham, et Jacques Ducharme, le maire « tout neuf » de Frelighsburg, afin de faire le point sur la situation.
Le Saint-Armand : Monsieur Demers, pourriez-vous nous faire un petit résumé de la situation qui a mené à la mise sous tutelle de la municipalité de Dunham ?
Jean-Guy Demers : En fait, tout a commencé un peu avant les dernières élections municipales. Comme j’en avais assez de me présenter aux réunions du conseil municipal et de ne jamais recevoir de réponse à mes questions, j’ai décidé de poser ma candidature à la mairie, avec l’idée d’être dans une position légitime pour obtenir les réponses qu’on me refusait. Ce que je ne savais pas, c’est qu’une majorité de mes concitoyens était aussi écœurée que moi. Au final et à ma grande surprise, c’est moi qui ai remporté l’élection à la mairie. Le problème, c’est que, sur les six conseillers élus, cinq faisaient partie de l’équipe du maire sortant. Résultat des courses : cinq des six conseillers s’opposent systématiquement à tout ce que le nouveau maire propose. Créer une fondation pour acquérir un terrain et le transformer en parc public, non. Faire affaire avec Vidéotron pour avoir Internet haute vitesse, non. Créer de nouveaux événements récréotouristiques pour attirer les visiteurs chez nous, non. Mettre en place des dispositions pour combler les lacunes administratives, non. Apporter des réponses claires aux questions des citoyens, non. Finalement, j’en ai eu raz-le-Q et j’ai demandé au Ministère d’intervenir. En clair, c’est moi qui ai demandé la tutelle. Aujourd’hui, les représentants du Ministère étudient les dossiers de la municipalité pour s’assurer qu’il n’y a pas eu d’opérations frauduleuses, signent tous les chèques qu’émet la municipalité et, à chaque mois, ils nous assistent dans la préparation de la réunion du Conseil.
St-A. : Et ça donne des résultats ?
J.-G. D. : Pas vraiment. Il y a un peu moins de tensions au Conseil, mais, en gros, ça roule toujours sur des roues carrées.
St-A. : Qu’est-ce que vous comptez faire ?
J.-G. D. : Laisser le temps faire son œuvre. Plus le temps passe, plus mes concitoyens se rendent compte que je travaille pour le bien collectif. Je continue à faire rouler la Clef des champs ; j’ai créé le Mondial des vitraux de glace, un événement qui en était cette année à sa deuxième édition et qui a attiré près de deux mille visiteurs ; finalement, avec l’aide de nos viticulteurs, j’ambitionne de créer, à l’automne, un troisième événement public sur la thématique de la vigne. Je souhaite également dynamiser le centre du village, en y créant un grand parc qui deviendra un lieu de rencontre intergénérationnel ; il faut aussi trouver le moyen d’agrandir notre école pour éviter que nos enfants passent leur vie dans des autobus scolaires ; et, pour donner du travail à nos résidents, il nous faut attirer des entreprises industrielles sur notre territoire. Il y a du travail à faire, mais pour avancer dans la bonne direction, ça prend une vision globale, pas un sens de la gestion étriquée, au jour le jour, comme c’est le cas maintenant.
St-A. : Si on vous comprend bien, vous serez sur les rangs lors de la prochaine élection municipale à l’automne 2013…
J.-G. D. : Ça c’est certain… Mais avec une équipe complète ! Je veux travailler avec des gens ouverts, capables d’avoir plus qu’une idée par quatre ans et, surtout, qui n’auront pas peur de consulter leurs concitoyens et de les impliquer dans leurs prises de décisions. Tout ce que je souhaite, c’est que Dunham ait un jour un conseil municipal à la hauteur de la valeur de ses citoyens.
Du côté de Frelighsburg, l’histoire est, en apparence, différente. « Same, same, but different », comme aiment le dire les Indiens quand ils comparent leurs produits à ceux de l’Occident. À Frelighs’, le maire n’a pas fait appel au ministère des Affaires municipales, il a tout bonnement décidé de démissionner. Au final, les citoyens ont dû se chercher un nouveau maire et l’ont trouvé : à la mi-janvier, c’est par acclamation que Jacques Ducharme se retrouvait à la tête de la mairie.
Saint-Armand : Qu’est-ce qui vous a poussé à poser votre candidature ?
Jacques Ducharme : Ça fait des années que je m’intéresse à la chose municipale et que je m’amuse à potasser la Loi des cités et villes, plus particulièrement depuis deux ans, depuis que je suis à la retraite. Quand j’ai vu ce qui se passait chez moi, à ma propre porte, je me suis dit qu’il était temps que je m’implique. J’ai consulté quelques personnes autour de moi, puis j’ai décidé de faire le saut.
St-A. : Il y a longtemps que vous êtes à Frelighsburg ?
J.D. : Je suis arrivé en 2007. Dans la majorité des municipalités des environs, ça n’aurait pas été possible pour un « Néo » comme moi de poser sa candidature à la mairie. Mais ici, je n’ai jamais senti le syndrome du néo. Les gens que j’ai consultés m’ont tous appuyé et encouragé à me présenter.
St-A. : Et comment envisagez-vous la suite ?
J.D. : D’abord, je sens que nos concitoyens ont été très touchés par ce que j’appellerai « l’Affaire du mont Pinacle », il y a quelques années. Une fois la crise résolue, c’est comme si leur énergie était retombée à plat et que cela leur avait pris beaucoup de temps avant de se remettre en selle. Pendant ce temps, la dynamique du village a décliné, certains services sont disparus et il y a eu pratiquement deux années de travaux routiers qui ont perturbé les affaires. Aujourd’hui toutefois, je sens une nouvelle énergie chez les gens de Frelighsburg et je souhaite travailler à canaliser cette énergie pour revitaliser notre municipalité.
St-A. : Comment comptez-vous vous y prendre ?
J.D. : J’envisage une solution à deux volets. Un premier, où nous allons travailler à peaufiner nos outils de gestion, de manière à rendre l’administration municipale transparente et efficace ; en somme, je crois qu’il est important de mettre un peu d’huile dans le volet administratif. En deuxième lieu, notre administration va travailler à développer des outils de gestion qui pourront venir en appui aux initiatives citoyennes, tels le Comité Vitalité Frelighsburg ou le Festiv’Art. Finalement, nous allons, bien sûr, pousser un peu plus fort sur les dossiers de la téléphonie mobile et de l’accès à Internet. La technologie évolue tellement vite que j’ai bon espoir que nous allons, très bientôt, réussir à rattraper notre retard en ce domaine…Et sans compromettre la beauté du paysage et nos valeurs environnementales.
St-A. : Dernière question, monsieur Ducharme ; la question qui tue, comme dit Guy A. Lepage… Comptez-vous vous représenter aux prochaines élections municipales ?
J.D. : Je suis heureux que vous me le demandiez. Après ma victoire, j’ai bien réfléchi à la question, et ma réponse sera claire et nette : je rêve de devenir le spécialiste de… l’élection par acclamation !