Dans notre histoire judiciaire récente, certaines décisions ont heurté l’idée même que se fait la population de la Justice. Il suffit d’évoquer l’affaire « Turcotte » pour comprendre la charge émotionnelle qui existe dans la recherche de la Justice. Ce qui nous émeut, ce n’est pas de constater que le monde ne parvient pas à être parfaitement juste ; qui parmi nous entretiendrait une telle illusion ? C’est plutôt que, autour de nous, il existe au quotidien des injustices que l’on pourrait corriger.
Dans un monde où la Justice divine est devenue une vue de l’esprit, la Justice sur terre est une revendication constante aussi bien communautaire qu’individuelle. Or, l’idée de Justice est, par essence, subjective. Elle peut varier d’un individu à l’autre car elle fait appel à la morale de chacun. Dans un tel contexte, la règle de droit ne peut varier en fonction de la subjectivité des uns et des autres. Elle doit davantage refléter le consensus commun d’une société à une époque donnée et non pas être le reflet d’une vindicte populaire alimentée par une presse sensation.
Par ailleurs, soulignons que, dans nos sociétés occidentales, nous assistons à un double phénomène. D’abord, à une marchandisation de la Justice qui devient un bien de consommation ; à ce titre, comme tout bien, elle implique un coût. Par le fait même, elle prive certains individus d’y avoir accès. Deuxièmement, l’idée de Justice sous-tend une exacerbation de l’individualisme. Nous assistons à une victimisation générale de la société où chacun réclame Justice. Ce n’est plus le renforcement du lien social et de la solidarité qui prévaut, mais bien les réclamations individuelles. Dans un tel contexte, on comprend facilement que la Justice devienne un enjeu de société qui fait par ailleurs assez peu l’objet de discussions au sein de notre classe politique. Il est à souhaiter que la réforme de la procédure civile qui fait actuellement l’objet d’un projet de loi soit discutée au-delà des officines du parlement.