Annonce
Annonce

Libres propos

Michel Vastel

Voici un commentaire sur notre journal envoyé par Michel Vastel, journaliste bien connu, abonné au Saint-Armand. C’est le libre point de vue d’un voisin de Stanbridge-East qui, comme un entomologiste, se penche sur cette« bibitte » qu’est Le Saint-Armand.

Le carrefour d’idées

Il y a quelque chose de subversif dans ce petit journal Le Saint-Armand.

Mais non, ce n’est pas ce que vous pensez ! Cette feuille communautaire introduit des mots, des phrases – des idées pour tout dire – [ … ] qui éveillent toute une population à ce qui se passe chez elle.

Le Journal remplace d’une certaine façon le parvis des églises : les gens qui s’y fréquentent partagent ce qu’ils savent. Et ce journal amplifie le rayonnement des assemblées municipales. Il n’infléchit peut-être pas les débats mais certainement qu’il les rend inévitables. Et mieux informés.

Il serait un peu facile de dire qu’un citoyen informé en vaut deux, mais dans chaque maison où entre Le Saint Armand, vous pouvez être sûr qu’on se l’arrache. Pourquoi ?

Contrairement au grand quotidien ou même à l’hebdomadaire régional, son contenu est plus homogène parce que l’information y est ciblée vers une population qui a tout en commun : la vie municipale, la vie communautaire, l’environnement, le patrimoine… Ce contenu a donc plus d’impact.

Dans un grand journal – je n’ai rien contre puisque j’y publie ! – il faut satisfaire divers publics, pénétrer dans diverses régions, être de toutes les époques et de toutes les modes en même temps. Publier un grand journal est un exercice périlleux car on déplaît à autant de monde qu’on en satisfait.

Dans un journal local, on se parle « entre nous ». C’est une chose d’écrire pour son voisin, c’en est une autre d’écrire pour un inconnu qui vit à l’autre bout du pays, à l’autre bout de l’espace cybernétique.

Il faut se forcer davantage pour convaincre quelqu’un que l’on connaît : il connaît la faiblesse de vos arguments autant que la force de vos convictions. Il est par exemple facile de se prétendre « objectif » devant un inconnu. Mais devant une connaissance ? On se voit venir, entre connaissances !

On pourrait croire qu’à la campagne on se connaît mieux parce qu’on fréquente les voisins, qu’on prend le temps de s’informer des autres en passant prendre son journal au dépanneur. C’est de moins en moins vrai avec l’arrivée des urbains qui choisissent tel ou tel village pour s’y « retirer ». Le journal joue alors un rôle très important. II faut que les nouveaux résidents connaissent la richesse des habitants de Saint-Armand pour avoir envie de les fréquenter.

Des séries comme « Chaîne d’artistes » et « Gens d’ici » sont fascinantes à lire : à découvrir les personnalités de l’endroit, on s’y attache et on y trouve d’autres raisons de fierté. Mais il serait prétentieux de la part des gens de Saint-Armand de penser qu’ils sont privilégiés : venez voir chez nous à Stanbridge East… Nous aussi nous avons nos artistes. Et même nos écrivains ! Et nous avons nos contrebandiers et nos producteurs de marijuana nous aussi !

Quel défi cela dut représenter d’aborder l’affaire du « cartel de Bedford ». Le Saint-Armand le fit cependant de façon mesurée et sans complaisance. Plus que jamais dans cette affaire, la devise du journal – « Voir plus loin » – s’est-elle révélée appropriée. Au-delà du simple fait divers, la culture et la contrebande du ‘pot’ avaient pris la dimension d’un phénomène de société sur lequel chacun dans la population avait sa propre opinion.

Il n’est jamais facile, pour un journal local comme celui-ci, de traiter d’événements qui risquent de dresser deux parties du village l’une contre l’autre : tel risquait d’être le débat sur l’implantation d’un parc d’éoliennes, telle pourrait être la construction d’une nouvelle autoroute. Ce journal semble bien passer à travers les polémiques puisque ses lecteurs lui restent fidèles.

Quant à moi, ce qui m’impressionne le plus, c’est la contribution d’un petit journal comme celui-là à la préservation du patrimoine et à la vie culturelle de Saint-Armand. Il a fait par exemple beaucoup pour réveiller la mémoire collective, pour faire connaître l’histoire des esclaves noirs et du Nigger Rock, les douanes, la seigneurie de Saint-Armand, le patrimoine bâti, etc.

Subversif ce journal ? Dérangeant de surcroît ! Au fil de sa publication, tous les deux mois, on y découvre d’autres recoins de notre ignorance …