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L’Horloge du Chemin de Chambly

La saga des Demers (9e partie)
Robert Demers

Édouard René Demers perd le poste de préfet

 En 1855, la population demandait la restauration des institutions locales. Louis-Hippolyte Lafontaine fut l’instigateur de la loi adoptée par le Parlement du Canada qui rétablit les municipalités locales, celle de Henryville, entre autres, mais la loi maintenait en même temps des structures régionales. Henryville devenait à la fois municipalité locale et partie de la municipalité du comté d’Iberville qui remplaçait la municipalité de comté de Rouville. Édouard René Demers devient le maire de la municipalité de la paroisse de St-George de Henryville.

Alexis Louis Demers, son neveu, obtient le poste de secrétaire-trésorier municipal, qu’il occupera pendant la première année du mandat de Me Demers comme maire de Henryville. Lors de la première réunion des maires composant le conseil de la nouvelle municipalité du comté d’Iberville, on vota pour l’élection du préfet de la municipalité. Équivalent à celui de maire, ce poste remplaçait celui du comté de Rouville. Quant au poste de préfet, il revenait à Édouard René Demers, maire sortant du comté de Rouville. Charles Laberge, maire du village de Christieville et membre du conseil, le proposa comme préfet du comté d’Iberville. Mais un amendement d’un autre conseiller proposait, au lieu de Demers, de nommer comme préfet Charles Laberge. Demers fut sans doute pris par surprise lorsque Charles Laberge ne refusa pas sa mise en nomination. C’est à la suite de ce vote que Charles Laberge fut élu préfet. Demers qui avait laissé passer le poste de député, qui était absent de l’Institut-Canadien d’Iberville, se voyait maintenant amputé du poste de préfet. Charles Laberge avait tout raflé. Cette déconfiture, ourdie par d’habiles politiciens, n’allait pas être sans conséquence pour Édouard René Demers.

Édouard René Demers prépare la relève 

En 1857, Édouard René Demers fonde l’Institut Bibliothécaire de St-George de Henryville. La première bibliothèque de Henryville. Parmi les fondateurs, on retrouve les Demers qui demeurent alors dans ce village. Le 2 janvier 1858, on le nomma, pour la forme, préfet du comté. Le 27 mars 1858, ne s’étant pas représenté, Édouard René Demers quitte le poste de maire de Henryville. Le 10 mars 1858, deux semaines auparavant, il avait renoncé au poste de préfet du comté. Me Demers avait été écarté de l’action politique par Charles Laberge. À 40 ans, Édouard René Demers continue la pratique du notariat. Il a toujours su rester actif dans sa profession. De 1860 à 1863, il agit comme syndic de la chambre des notaires du district d’Iberville. Mais il prépare aussi l’entrée de son neveu Alexis Louis Demers au conseil municipal de Henryville, ce qui se produira en 1860. Il convainc Louis Molleur, ancien instituteur et homme d’affaires originaire de L’Acadie, de venir s’établir à Henryville. Il sera nommé secrétaire-trésorier de la municipalité.

Édouard René Demers devient candidat indépendant

Charles Laberge, député d’Iberville, n’avait pas hésité, en 1858, à joindre comme solliciteur général le cabinet de George Brown, qui ne vécut que deux jours. Cette alliance avec George Brown, un « mange-canayens » que tout le monde détestait au Canada français, a terni la réputation de Charles Laberge au point où il jugea opportun de ne pas poser sa candidature à l’élection de 1861. De plus en plus, on le voyait comme un beau parleur et un arriviste à tout crin. À l’approche de cette élection, Charles Laberge déclarait à qui voulait l’entendre qu’il n’avait pas l’intention de se présenter à nouveau comme député.

Édouard René Demers y voit l’occasion de se présenter à nouveau pour le Parti Rouge. Il le laisse savoir. Même s’il ne détient plus de poste dans le domaine municipal, il n’en reste pas moins en excellente posture. Syndic de la chambre des notaires, il est connu d’un bout à l’autre du comté. Son neveu, Alexis Louis Demers, a été élu maire de Henryville avec son appui. Mais l’inévitable lutte interne du Parti l’attend. Charles Laberge ne favorise pas sa candidature. Se rappelant que Demers s’était prononcé contre la politique du Parti concernant l’annexion aux États-Unis, il préfère la candidature de son vieil allié, Alexandre Dufresne. Le Franco-Canadien, un journal local fondé par Charles Laberge et Félix-Gabriel Marchand, se prononce publiquement contre la candidature de Me Demers. Marchand est le trésorier de la chambre des notaires du comté d’Iberville dont Me Demers est le syndic. Ce dernier, qui avait cédé à Charles Laberge la place qui lui revenait comme candidat lors des élections de 1854, se sent trahi. Il voit comme un coup de Jarnac la décision du Parti de ne pas le choisir comme candidat. Refusant d’obtempérer, il se présente comme candidat rouge indépendant contre Alexandre Dufresne, le candidat officiel du Parti Rouge. Il est convaincu qu’il va gagner cette élection. Ce fut sans doute l’une des plus féroces du comté d’Iberville. Lors du retour des brefs le 15 juillet 1861, Demers apprend qu’il est battu par 12 voies, un résultat crève-cœur. Comme il s’agissait d’un vote ouvert, un recomptage n’était pas utile puisqu’on connaissait aussitôt le résultat, chaque électeur ayant exprimé son choix à haute et intelligible voix.

Mais il y avait anguille sous roche. Stupéfait, Édouard René Demers découvre que, dans certaines paroisses, le nombre de votes dépasse celui des électeurs qualifiés selon la loi. Il lui apparaît clairement que l’organisation d’Alexandre Dufresne a fait voter un grand nombre de personnes qui n’avaient pas le statut nécessaire pour le faire. Il décide donc de contester l’élection d’Alexandre Dufresne. Il passe les semaines et les mois qui suivent à effectuer les recherches nécessaires pour déterminer quelles personnes ont voté sans en avoir le droit. Il présente ensuite une pétition à l’Assemblée législative de la Province du Canada, relatant toutes les fraudes qu’il a relevées lors de l’élection dans le comté d’Iberville. Remarquablement bien étayée, la requête comprend les noms d’un grand nombre de personnes ayant voté illégalement. Le solliciteur général, Louis Simon Morin, présente sa requête le 3 avril 1862.

À cette époque, c’était la procédure à suivre. Il n’y avait pas de contestation judiciaire. Il fallait obtenir l’appui de l’Assemblée législative et aussi celui du conseil législatif. Une mission quasi impossible, la majorité appartenant aux conservateurs, qui se souciaient peu du visage du député rouge. C’était une affaire partisane interne. Le Parti Rouge n’avait pas appuyé la candidature de Demers. Les procédures dilatoires furent telles qu’aucune décision ne fut prise avant l’élection suivante. La requête devenait caduque. Il avait joué le tout pour le tout et avait perdu. Il allait passer pour un mauvais perdant. Sa carrière politique était finie.

Entrée en matière, extrait de la pétition d’Édouard René Demers demandant l’annulation de l’élection.

Démembrement de Henryville

En 1863, Henryville était une paroisse prospère avec une population de plusieurs milliers de résidents. La création de la paroisse de Saint-Sébastien à partir du territoire d’Henryville diminuera l’importance de celle-ci. Puis ce fut la paroisse de Sainte-Anne-de-Sabrevois qui fut détachée d’Henryville, lui retranchant la moitié de ses habitants. Le démantèlement de Henryville était-il une manœuvre des Bleus pour réduire l’influence des Rouges ? C’est fort possible, en vertu de la vieille stratégie politique consistant à diviser pour mieux régner. Un incendie détruisit les moulins Mix et Goodnow, l’une des plus importantes industries de Henryville. Les propriétaires décidèrent de reconstruire ailleurs et entraînèrent avec eux le quart de la population. Cet incendie constituait-il un moyen de chasser les Rouges ? En outre, une explosion détruisit complètement la bâtisse et les machineries toutes neuves de la tannerie que Xavier Darche et Louis Fournier venaient d’établir et qui avait la capacité d’employer une centaine d’ouvriers. Darche, qui était associé à Alexis Louis Demers, quitta Henryville pour aller s’établir dans un lieu plus clément. Plusieurs familles déménagèrent ailleurs, réduisant d’autant la population. N’oublions pas que c’est par les incendies que le « vieux brûlot » avait réussi à chasser les patriotes. La bibliothèque de l’Institut-Canadien et les locaux du journal des Rouges, L’avenir, à Montréal, avaient été détruits par le feu. Même le parlement, situé alors à Montréal, avait été incendié lors d’une émeute contre le paiement de compensations aux patriotes, qui avaient perdu des biens durant la rébellion.